
La justice américaine s’attaque à Google pour « abus de position dominante »

Cela pourrait être « le procès pour abus de position dominante le plus important depuis une génération » a jugé le sénateur républicain du Missouri Josh Hawley. Et pour cause : c’est un mastodonte au chiffre d’affaire grosso modo équivalent au PIB de la Hongrie ou de l’Algérie (162 milliards de dollars en 2019) qui sera sur le banc des accusés. Le département de la Justice américain va en effet engager des poursuites contre Google pour atteinte au droit de la concurrence et abus de position dominante. La plainte devrait être déposée auprès d’un tribunal fédéral de Washington DC.
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Est reproché à la filiale du groupe Alphabet de « conserver des monopoles illégaux sur les marchés pour les services généraux de recherche, les recherches publicitaires et les recherches (…) pour les annonces publicitaires aux États-Unis ».
Séparer Chrome de Google ?
Dans le collimateur de la justice : le modèle économique du géant de la Tech, qui, de la collecte de données à la navigation, en passant par l’analyse de trafic et la publicité ciblée, est partie prenante de toutes les étapes de la chaine de valeur du web, et écrase de ce fait toute velléité de concurrence. Le DoJ americain (Department of Justice) entendrait notamment s’attaquer aux contrats que Google a conclus avec les constructeurs de smartphone, qui empêchent ces derniers de proposer l’installation de moteurs de recherche alternatifs.
Une autre idée sur la table serait de forcer la firme à vendre son moteur de recherche Chrome. Le navigateur web le plus utilisé au monde est une mine d’or pour Google, qui exploite les données de recherche, d’historique et d’activité collectées et les valorise ensuite en développant des outils publicitaires.
Casser les Gafa
L’an dernier, le DoJ et la Federal Trade Commission (FTC), la principale autorité fédérale en matière de concurrence, avaient ouvert des enquêtes visant Google, Amazon, Apple et Facebook, soupçonnés de pratiques anticoncurrentielles. Pour Donald Trump, l’annonce d’un futur procès contre Google tombe à pic, lui qui a toujours dénoncé les positions supposément anti-conservatrices des Gafa. Plus largement, les poursuites contre Google pourraient être un (petit) pas en avant vers le démantèlement des Gafa. Proposé notamment par la candidate malheureuse à la primaire démocrate Elisabeth Warren, ce démantèlement a été remis au goût du jour par un rapport déposé début octobre par des parlementaires du sous-comité antitrust de la Chambre des représentants.
Fort de 449 pages, le document fustigeait ces « géants qui étaient autrefois des petites start-up, remettant en question le statu quo, (qui) sont devenus le genre de monopoles que nous n’avions pas vus depuis l’ère des barons du pétrole et des magnats des chemins de fer ». En opérant à la fois en tant « qu’intermédiaires dominants » et concurrents d’entreprises qui dépendent d’eux comme intermédiaires, les géants du web seraient en « conflits d’intérêts ». Et les parlementaires (démocrates) de proposer de casser les Gafa par des « séparations structurelles » ; Facebook devrait par exemple céder Instagram ou WhatsApp, Apple choisir entre ses services et son magasin d’applications App Store (qui propose les services Apple), etc.
Des propositions qui nécessiteraient des modifications législatives difficiles à obtenir dans le contexte politique américain actuel. Démanteler les Gafa ? Vu la montagne de problèmes techniques, juridiques et pratiques que l’affaire soulèverait, cela ne risque pas d’être pour tout de suite. C'est du moins ce que semblent avoir conclu les investisseurs : dans la foulée de l’annonce des poursuites entamées par le DoJ, l’action de la maison mère de Google clôturait en hausse à Wall Street.