Ces pays qui ne voient pas d’un bon œil l’élection de Biden

Le Brésil, la Russie, la Chine ou la Corée du Nord se sont pour l’instant abstenus de féliciter le démocrate pour sa victoire face à Donald Trump. Tour d’horizon des grands « perdants », à travers le monde, de l’élection de Joe Biden.

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Depuis samedi et l’annonce, par les médias américains, de sa victoire, Joe Biden a vu affluer les messages de félicitations des quatre coins du globe. Tandis que Donald Trump refuse toujours de reconnaître sa défaite, les réactions de plusieurs dirigeants étrangers étaient attendues. Sur certains dossiers internationaux, la victoire du Démocrate pourrait bien rebattre les cartes. Pour d’autres, mis à part le changement de style, c’est plutôt le statu quo qui devrait prévaloir.

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Bolsonaro perd son modèle

Avec la défaite du Républicain, celui qu’on surnomme le « Trump des Tropiques » a perdu un modèle, et son unique allié de poids sur la scène internationale. Preuve que l’ambiance doit être plutôt fraiche du côté de Brasilia, Jair Bolsonaro est l’un des rares dirigeants de la planète à ne pas avoir encore félicité Joe Biden pour sa victoire. Depuis des semaines, le président du Brésil clame à qui veut l’entendre son soutien indéfectible au milliardaire. « J’espère, si Dieu le veut, être présent lors de l’investiture du président [Trump], bientôt réélu aux Etats-Unis. Je n’ai pas besoin de le cacher : tout ça vient du cœur » avait-il lancé fin octobre. Au-delà des outrances et d’un goût certain pour la vulgarité, Bolsonaro partageait avec son allié américain la même ligne politique sur Cuba ou sur le Moyen-Orient, et s’était lui aussi illustré par son déni de la dangerosité du Covid-19, ou par sa défense jusqu’au boutiste de la chloroquine comme remède.

Avec Joe Biden, le retour de flamme pourrait donc être brutal, notamment sur les questions environnementales. Lors de son débat avec son Donald Trump, le futur « Président élu » n’avait pas hésité à directement interpeller Jair Bolsonaro sur le sort de l’Amazonie. « Arrêtez de détruire la forêt ! Si vous continuez, vous ferez face à des conséquences économiques significatives » avait prévenu le démocrate. Une sortie qui a déplu au maître de Brasilia, c’est le moins que l’on puisse dire. « Nous avons vu un grand candidat à la fonction de chef d'Etat dire que, si je ne mettais pas fin aux incendies en Amazonie, il imposerait des barrières commerciales au BrésilComment pouvons-nous faire face à cela ? La seule diplomatie ne suffit pas » a-t-il poursuivi, avant de juger : « Quand on n'a plus de salive, il faut avoir de la poudre ». « Il ne s'agit pas d'utiliser la poudre, mais ils doivent savoir qu'on en a ». Ambiance.

À voir toutefois si le probable isolement de Bolsonaro sur la scène internationale ne pourrait pas lui servir à domicile. Et si jouer la carte de l’antiaméricanisme ne lui permettrait pas in fine de remobiliser sa base. « NOTRE SOUVERAINETE N’EST PAS NEGOCIABLE, avait-il twitté le 30 septembre en réponse à Joe Biden (l’utilisation des majuscules vous aura sûrement rappelé quelqu’un).

« Biden plus dangereux » pour la Russie ?

En 2016, il avait mis un peu plus d’une heure à peine avant de féliciter Donald Trump pour son accession au Bureau Ovale. Cette fois, Vladimir Poutine est beaucoup moins démonstratif. Le Kremlin a annoncé préférer attendre l’annonce des résultats officiels de la présidentielle américaine. La raison ? L’irrégularité supposée du scrutin, et les recours en justice attentés par le président sortant.

Si ce dernier n’avait pas renoncé à recourir fréquemment à des sanctions contre Moscou, et n’était pas à proprement parler un allié de la Russie (on n’efface pas du jour au lendemain les réflexes acquis au bout d’un demi-siècle de guerre froide), l’élection de Biden sera sans doute synonyme d’une politique américaine plus « traditionnelle », laissant moins de latitude à Vladimir Poutine au Moyen-Orient ou en Biélorussie, par exemple. « Il n’y a pas de meilleur candidat pour la Russie, mais Biden est plus dangereux », résumait le député de la Douma Alexeï Pouchkov.

Pas de détente en perspective dans la péninsule coréenne

« Kim Jong Un m’a écrit de magnifiques lettres, nous sommes tombés amoureux » racontait Donald Trump à propos du dictateur nord-coréen. Leur idylle avait certes eu des hauts et des bas. N’empêche, sous la présidence de l’ex-star de téléréalité, les États-Unis et la Corée du Nord avait opéré un rapprochement historique, les deux dirigeants s’étant rencontrés à trois reprises. Et même si le processus diplomatique entre Pyongyang et Washington est au point mort depuis 20 mois, certains experts jugent que le Nord voyait dans l’approche peu orthodoxe du milliardaire la meilleure chance pour le pays de conserver une partie de son arsenal militaire. Joe Biden étant vu d’un tout autre œil : « Les chiens enragés comme Biden peuvent faire du mal à beaucoup de gens si on les laisse en liberté », avait lancé l'agence officielle nord-coréenne KCNA. Il faut les battre à mort avec un bâton ».

Selon Courrier International, il ne faut donc pas s’attendre à une détente dans la péninsule coréenne. « Il [Biden] va insister davantage sur la dénucléarisation et les droits de l’homme en Corée du Nord, en conjuguant patience et pression à l’égard de ce pays. (…) il préférera réaffirmer ses principes et avancer prudemment, et, pour cela, accroître les sanctions contre la Corée du Nord dans un cadre pluriel auquel il fera participer Pékin. Cela amènera Kim Jong-un à revenir sur les promesses qu’il avait faites au président Trump de ne plus procéder à des essais nucléaires et des tirs de missiles, à reprendre un jeu dangereux vis-à-vis des États-Unis ». 

Pas de relation privilégiée avec Londres

Contrairement aux pays précités, le Royaume-Uni a bel et bien adressé des félicitations officielles à Joe Biden pour son élection. Et même très rapidement : une heure après l’annonce des médias américains. Les communicants du 10, Downing Street auraient cependant été avisés de dégainer avec un petit plus de retenue, ce qui leur aurait évité de faire une belle boulette. Le message saluait « l’élection » du Démocrate et le « succès historique » de Kamala Harris à la Vice-Présidence. Le premier ministre britannique s’y disait également «impatient de travailler ensemble étroitement sur nos priorités partagées, du changement climatique au commerce en passant par la sécurité». Mais voilà, en zoomant sur le fond noir du texte, des yeux attentifs ont décelé les traces d’un autre message, préparé en cas de victoire de … Donald Trump. 

Outre-Manche, l’anecdote a fait jaser, sachant que Joe Biden, notoirement anti-Brexit, n’était sans doute pas le premier choix de Boris Johnson, empêtré dans de difficiles négociations avec l’UE sur la question. À court terme, maintenir une « relation privilégiée » avec Londres (comme durant une bonne partie des années 2000) ne sera probablement pas la priorité de Washington, qui pourrait plutôt s’atteler à restaurer les liens avec l’Union européenne, distendus depuis Trump.

La Chine a-t-elle perdu son meilleur ennemi ?

Une guerre commerciale et technologique doublée d'un combat diplomatique quotidien: la Chine n’a pas été épargnée sous le premier mandat Trump. De là à se réjouir de la victoire de son adversaire Démocrate ? Sans doute pas.

À Pékin, certains stratèges misaient sur le président sortant, pour qu’il affaiblisse l’Amérique et accélère de ce fait l’ascension de la Chine au rang de première puissance mondiale. Les Chinois « espèrent que vous serez réélu car vous rendez l'Amérique excentrique et donc haïe dans le monde entier », lançait en mai sur Twitter le rédacteur en chef du quotidien nationaliste Global Times. « Vous renforcez l’unité de la Chine », jugeait-il en s’adressant au milliardaire.

L’ambassade américaine restera à Jérusalem

Depuis son arrivée à la Maison Blanche, Donald Trump n’a eu de cesse de multiplier les gestes en faveur de Tel Aviv ; le plus marquant ayant été la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël. L’élection de Joe Biden n’a donc pas du faire les affaires du premier ministre israélien Benyamin Netanyahou. Celui-ci devra faire le deuil de son accès quasiment direct au président sortant, et pourrait redouter une administration démocrate, jugée moins incommodante.

Pas sûr toutefois que Joe Biden redistribuera toutes les cartes du dossier palestinien et opérera un 180°. Le Démocrate a déjà prévenu : même si pour lui l’ambassade américaine « n’aurait pas dû être déplacée », lui élu, il « ne la ramènerait pas à Tel-Aviv ».

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