
Les citoyens passent à l’acte

Depuis des mois, des initiatives éclosent çà et là, pour combler la solitude des personnes âgées, faire livrer nourriture et repas à ceux qui n’en ont pas les moyens, prévenir le décrochage scolaire, renforcer le personnel médical... Partout en Belgique, des milliers de personnes se mobilisent, parce que chaque petit geste peut faire la différence. Coup de projecteur sur ces citoyens au grand cœur.
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« Il y a des gens qui ont faim à Bruxelles »
Le mouvement citoyen #PourEux vient en aide à ceux qui ne peuvent plus payer pour se nourrir en ces temps de crise. Nous avons suivi Sarah et son vélo lors d’une de ses tournées hebdomadaire…
Sac-à-dos turquoise sur le dos, Sarah nous attend près de son vélo. Ce matin, elle va récupérer un panier-repas de vivres non périssables préparé par une dame de son quartier, qu’elle ira ensuite apporter à une association qui s’occupera de le redistribuer. « Parfois, tu peux vraiment te faire des grands tours en vélo, ce qui est top en confinement car ça motive à sortir. Tu pédales et tu te rends utile », explique celle qui est devenue très active dans le mouvement citoyen #PourEux, né du premier confinement. Entre début avril et fin juin 2020, #PourEux a distribué aux sans-abris de Bruxelles pas moins de 20 000 plats cuisinés par des citoyens et livrés à vélo par d’autres. Un groupe Facebook, des formulaires en ligne et quelques sms échangés ont permis de fédérer des centaines de Bruxellois autour d’un but commun : nourrir ceux qui, dans leur ville, n’en ont pas les moyens. « Par contre, aujourd’hui, ce n’est vraiment pas très loin, et il n’y a qu’un panier à aller chercher. On y va à pied ? »
Depuis le reconfinement d’octobre, le mouvement a repris du service, mais a dû changer son fusil d’épaule. « Nous n’avons plus la même capacité de livraison qu’au printemps dernier, donc pour continuer avec une plus petite équipe sur des horaires plus flexibles, nous avons proposé de faire des paniers de denrées non périssables, explique Vincent, l’un des responsables de #PourEux. On sait aussi qu’aujourd’hui, il y a une grosse demande au niveau de l’aide alimentaire pour les nouveaux précaires et les précaires temporaires. On n’oublie pas la rue, mais d’autres associations ont pris le relais sur ce terrain-là ». Dans une petite rue résidentielle de Forest, Cécile nous ouvre sa porte, un grand sac à la main. « J’ai entendu parler de cette initiative par le bouche-à-oreille et je me suis inscrite sur la plateforme via Facebook », nous confie cette maman qui tente l’expérience pour la première fois. Pendant qu’elle transvase le contenu de son sac dans celui de Sarah – un ensemble d’ingrédients permettant la réalisation d’un plat indien végétarien -, sa petite fille fait le clown sur le perron. « On a voulu sensibiliser les enfants, essayer de leur faire comprendre l’importance de la solidarité et du don. »
Quelques centaines de mètre plus loin, une queue se forme devant un garage grand ouvert. Ils sont des dizaines à venir ici plusieurs fois par semaine pour recevoir de quoi manger. Joséphine, bénévole, y distribue des invendus alimentaires récoltés par les ASBL Share Food et Frigo pour tous. C’est ici que Sarah apporte les ingrédients du menu imaginé par Cécile, qui, à peine arrivé, a déjà trouvé preneur. « Oh, ça, je veux bien », sourit le chanceux en rangeant un à un les aliments dans son sac. Les autres devront se contenter du pain et des surgelés qui n’ont pas encore été distribués. « On commence plus tôt le matin avec les produits frais, nous explique Joséphine. Si vous aviez vu la file il y a quelques heures… ». La crise a provoqué la plus forte augmentation du nombre de personnes dans le besoin que les banques alimentaires aient jamais connue. Cela implique également un besoin grandissant de dons et de bénévoles comme Sarah, pour qui aider est aussi indispensable que naturel. « Il m’est impossible de rester chez moi et ne rien faire dans une telle situation, confesse la jeune femme. Ça donne un sens à mes journées, et un sens à mon confinement, même si je n’ai jamais arrêté de travailler ».
Citoyen, le mouvement a pour vocation de le rester. Ces derniers temps, le contact établi au printemps avec les sans-abris bruxellois a quelque peu été perdu. Sarah, Vincent et les nombreux autres bénévoles comptent bien le réactiver. A l’approche des fêtes, ils organisent un « secret santa » particulière. « Nous venons chercher chez vous un cadeau à offrir à une personne sans-abris. Une couverture, des gants, une écharpe, du chocolat…, précise Vincent. On organisera une distribution dans la rue à la fin du mois de décembre ». D’ici-là, à pied ou en vélo, qu’il pleuve ou qu’il vente, Sarah continuera à arpenter les rues de son quartier pour emplir et vider son sac-à-dos au gré des rencontres. Et au sortir de la crise, #PourEux espère rester en place, « sans doute de manière plus petite et plus locale, ce qui permettrait aussi de faire des rencontres au sein de son propre quartier et d’échanger autour de valeurs communes ».