
Pourquoi les télécoms belges sont-ils les plus chers de l’UE?

Avoir internet et le téléphone est indispensable. Et en ce sens, il est normal de veiller à ses dépenses en télécommunications. Mais en la matière, pas de chance: les Belges sont presque obligés de mettre la main à la poche. Selon l’office statistique européen, Eurostat, la Belgique est ainsi le pays de l’Union européenne (UE) où les prix sont les plus élevés. Avoir accès à internet, à la téléphonie ou encore à la 4G coûte ici 76% de plus que la moyenne européenne. Face à un tel constat, Test-Achats a demandé à ce que cette situation change, mais cela s’annonce pour le moins compliqué à réaliser.
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L’accès aux réseaux: la clé de voûte du système
Pour comprendre pourquoi les prix sont si hauts en Belgique, il faut remonter dans le temps. «On a deux pôles en Belgique pour les télécommunications, entre Proximus pour la fibre optique et les câblo-opérateurs qui ont racheté le réseau construit par les intercommunales», explique Julie Frère, porte-parole de Test-Achats. «De ce fait, il y a beaucoup de difficultés pour qu’un nouvel opérateur puisse entrer sur ce marché qui est bien établi et ce depuis longtemps. Pour que cela change, il faudrait qu’un nouvel acteur puisse avoir des prix intéressants. Ils ont été diminués mais cela reste beaucoup trop élevé pour cela ne se fasse».
Le cas d’Orange est assez explicite dans ce cadre-là. Pour s’implanter en Belgique, la filiale du géant français n’a pas pu créer son propre réseau de télécommunications. Il lui a donc fallu utiliser ceux existants. Et pour avoir cet accès, c’est cher, comme l’a expliqué sur RTL-TVI Michaël Trabbia, administrateur-délégué d'Orange Belgique. «On utilise les réseaux câblés de Télénet et de Voo et on est dépendant du prix auquel on achète cet accès. C’est encore trop cher et cela doit baisser. Aujourd’hui, on paye 20€ par mois et par utilisateur pour louer cette ligne-là. Donc évidemment, quand on rajoute derrière la TVA et les coûts du service, on vend aujourd’hui à perte en réalité». Bilan: en traversant la frontière franco-belge, les prix d’Orange doublent en passant en Belgique.
Des prix trop élevés? La bataille des arguments
Du côté des opérateurs historiques, on se défend de tout abus. Leurs arguments: l’augmentation du coût de la vie et les investissements nécessaires pour le confort du consommateur amènent à des prix en effet assez élevés. Ils peuvent aussi se prévaloir d’une assez bonne couverture du réseau de télécommunications sur l’ensemble du territoire.
Malgré tout, est-ce que cela est suffisant pour justifier que la Belgique se retrouve reine dans le classement d’Eurostat? Pour Test-Achats, non, et cela doit en tout cas changer pour que le consommateur belge ne paye plus autant. «Ce n'est que si l'utilisation du réseau Proximus et des réseaux câblés de Telenet et de VOO devient moins chère pour les opérateurs alternatifs que la concurrence pourra commencer à jouer», affirmait déjà l’année passée Test Achats qui a appelé le gouvernement à agir.
Pas de perspectives de changements
Mais depuis, aucune réaction n’est allée en ce sens, au contraire. Si la concurrence s’est un peu intensifiée avec Orange, Test-Achats déplore la dernière décision en date de l’IBPT (le régulateur des télécommunications) sur les tarifs de gros. «Cela signifie que les grands opérateurs peuvent continuer à augmenter leurs prix sans être dérangés par leur position dominante dans les années à venir», note l’association de consommateurs.
Tout ceci n’est pas non plus amené à s’arranger au vu d’un nouveau phénomène: la volonté des différents acteurs du marché (y compris Orange) de ne plus focaliser leurs efforts sur le seul marché du mobile mais d’intensifier la concurrence sur celui des paquets tout-en-un. «Proximus, Telenet, Orange et Voo essaient de lier leurs clients au plus de services possibles via des packs pouvant contenir, outre l'internet, la télévision, une ligne fixe ou un abonnement de téléphonie mobile», remarque Test-Achats.
La solution: chambouler complètement le marché?
Mais il faut préciser que ce dernier point, s’il est important, explique moins la flambée des prix en Belgique puisqu’on retrouve cette tendance aux packs aussi ailleurs. C’est donc vraiment la situation de blocage sur les réseaux qui joue. Mais alors, que faire pour avancer en la matière? «Il y a des mesures, peut-être extrêmes, pour y répondre mais elles existent», estime David Wiame, spécialiste des télécommunications chez Test-Achats. «On pourrait ainsi scinder la gestion du réseau et la pratique commerciale. C’est ce qui se passe sur le marché de l’énergie. On pourrait par exemple imaginer que le réseau de Proximus (mais cela vaut aussi pour les câblo-opérateurs) serait géré par un organisme indépendant, alors que le service commercial de Proximus perdurerait. Tout le monde aurait alors les mêmes tarifs et la même transparence. Cela a été fait en Angleterre avec British Telecom et Openreach qui gère l’accès au réseau».
Cette solution a déjà été proposée par Test-Achats mais que ce soit avec les exécutifs précédents ou celui actuel, il n’y a pas de volonté d’aller en ce sens. Seules des améliorations périphériques ont été apportées, comme une loi améliorant la concurrence en permettant aux consommateurs de quitter un opérateur gratuitement après six mois. Mais ces solutions ne sont que palliatives selon David Wiame. Mais comme il l’avoue lui-même, scinder les réseaux des activités commerciales n’est pas simple. «C’est un processus très lourd et long. À court-terme, cela peut sembler non-souhaitable. Mais à long-terme, sans cela, on craint que l’on arrive à un renforcement de la situation présente. Sans électro-choc, les prix risquent de continuer à augmenter».