

Loujain Al-Hathloul n'est pas une terroriste, mais une militante des droits des femmes. Elle a pourtant été condamnée, lundi 28 décembre, à cinq ans et huit mois de prison par un tribunal antiterroriste saoudien. Âgée de 31 ans, la féministe a été reconnue coupable d’intelligence avec des parties étrangères et de « diverses activités prohibées par la loi antiterroriste ». La peine étant assortie d'un sursis de deux ans et dix mois, la jeune femme pourrait toutefois être libérée en mars.
L'activiste saoudienne, célèbre notamment pour son combat en faveur du droit des femmes à conduire dans le royaume, est en détenue depuis près de trois ans. Dans le collimateur des autorités depuis plusieurs années, elle avait été arrêtée en mai 2018, en même temps que d'autres défenseurs des droits humains, soit un mois avant la levée de l'interdiction faite aux Saoudiennes de conduire.
Très médiatisée, cette mesure était présentée à l'époque comme une preuve de progrès, dans le cadre du plan Vision 2030, impulsé par le prince héritier Mohammed Ben Salman. La répression des voix féministes, présentées par les médias locaux comme des « traîtresses », paraît donc paradoxale. « Être condamné pour […] les réformes mêmes que MBS et le royaume saoudien vantent si fièrement est l'hypocrisie ultime », dénonce Lina Al-Hathloul, la sœur de la prisonnière politique la plus célèbre d'Arabie Saoudite. En réalité, ce plan de modernisation du royaume n'est qu'un coup de communication du prince héritier, autour de sa personne. Avec ces arrestations, celui-ci envoie un avertissement à la société civile: toute transformation sociétale ne peut se faire que par lui, quand et comme il le veut.
Les Saoudiennes, qui ont encore beaucoup à revendiquer, doivent ainsi rester dans les limites qui leur sont imparties. Et dans un pays ultraconservateur et désespérément figé, des femmes comme Loujain Al-Hathloul, symbole de liberté et d'espoir, ne plaisent évidemment pas aux autorités. Elle est accusée, entre autres, d'avoir entretenu des conversations avec des diplomates européens et d'avoir tenté de postuler à l'ONU. Ce qui revient, pour Riyad, à avoir cherché à saper l'autorité de la famille royale et à changer ainsi l'ordre constitutionnel du pays.
Pendant sa détention, la militante féministe dit avoir été victime de torture, dont des chocs électriques, et de harcèlement sexuel. « L'un de ses tortionnaires n'était autre que Saoud Al-Qahtani, le conseil du prince héritier, qui a menacé plusieurs fois de la violer, de la découper en morceaux et de jeter son corps dans les égouts », accuse sa sœur Lina. Ce que réfute le gouvernement saoudien.
Privée de contacts avec sa famille et de la possibilité de consulter un avocat, Loujain Al-Hathloul a entamé deux grèves de la faim pour dénoncer ses conditions de détention. Le verdict de lundi, en apparence clément alors que le procureur avait requis la peine maximale de vingt ans de prison, est considéré comme « une stratégie de sortie tout en gardant la face » devant les fortes pressions internationales pour la libération de la militante, a déclaré à l'AFP une source proche de la famille.
Loujain Al-Hathloul n'est toutefois pas sortie d'affaire. Elle est interdite de voyager à l’étranger pendant cinq ans, et la suspension d’une partie de sa peine d'emprisonnement est conditionnée à son silence pendant les trois années à venir. Selon sa sœur, qui a l'intention de faire appel du jugement, la militante n'a pas pu retenir ses larmes lors du verdict. Non pas de joie, mais pour avoir été qualifiée de terroriste, alors qu'elle veut simplement un monde plus juste.