
Avec ou sans Trump, quel avenir pour le « trumpisme » ?

Quatre morts, des coups de feu tirés dans l’enceinte d’un Capitole envahi par des hordes de manifestants, le siège du président du Sénat squatté par un homme torse nu, au look improbable de trappeur (selon la RTBF, il s’agirait d’un membre de la mouvance d’extrême-droite QAnon)… Ce mercredi, la séance de certification des résultats de la présidentielle américaine a basculé de manière surréaliste.
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Le travail des parlementaires américains a finalement pu reprendre jeudi ; ceux-ci ont officialisé la victoire de Joe Biden, dernière étape avant son investiture le 20 janvier. « Même si je suis en complet désaccord avec le résultat de l’élection, et les faits me soutiennent, il y aura une transition ordonnée le 20 janvier », a déclaré Donald Trump dans un communiqué. « Cela représente la fin de l’un des meilleurs premiers mandats présidentiels », a-t-il jugé, tout en prévenant : « Ce n’est que le début de notre combat pour rendre sa grandeur à l’Amérique ».
Car, même si le président sortant quittera la Maison Blanche dans une poignée de jours, l’empreinte qu’il va laisser derrière lui pourrait bien être difficile à effacer, et la parenthèse de son mandat, inséré entre deux Administrations démocrates, compliquée à refermer. Et ce, quels que soient les plans du milliardaire, passé le 20 janvier. À court terme, on prête à Donald Trump l’intention de lancer un média concurrent à Fox News ; à long terme, de se représenter en 2024. Dans tous les cas, il ne devrait a priori pas disparaître du paysage - à moins peut-être que ses démêlés annoncés avec la justice ne dégénèrent trop pour lui. Mais même absent, rien ne dit que son héritage politique, le « trumpisme » ne lui survive pas.
Un parti républicain coupé en deux
« Le trumpisme, ça n’existe pas vraiment, il n’y a pas de corpus idéologique défini derrière, cadrait Nicole Bacharan, historienne et politologue spécialiste des États-Unis, au micro de RFI. Le trumpisme, c’est le populisme, c’est la tentation autocratique la plus simple. C’est avant tout une façon de faire : l’éloge de la violence, de la brutalité, le mépris des faits et de la vérité ». Le trumpisme, un concept assez flou, un héritage trop vague à revendiquer pour d’éventuels successeurs ? « La force et la faiblesse du trumpisme, c’est la personnalisation du pouvoir, le culte du leader autour de sa personnalité, un narcissisme absolu » expliquait à son tour le français Denis Lacorne, directeur de recherche émérite à Sciences Po. « Cela se transmettra difficilement à un autre que lui après son départ. Les rats quitteront le navire. Les Républicains qui avaient misé sur lui dans la longue durée se diviseront pour capter l’héritage ».
Le spectacle des trois derniers mois a en effet de quoi accréditer cette thèse, avec un parti républicain fendu en deux entre les jusqu’au-boutistes du soutien à Trump, et ceux qui, au sein du G.O.P (« Grand Old Party ») ont décidé que la fête avait décidemment trop duré.
La marque Trump
Et puis, les images de la meute beuglante prenant d’assaut le Capitole auront pu convaincre certains conservateurs des dérives de la méthode Trump. « C’est comme ça qu’on règle les élections dans les républiques bananières », a réagi, embarrassé, l’ancien président George W. Bush. « Cette violence est le résultat laid et inévitable de la dépendance du président à constamment attiser les divisions », a déploré le sénateur républicain Ben Sasse.
Pour autant, il sera difficile pour le parti républicain d’opérer un 180°. Comme le relevait dans Le Monde l’historienne Maya Kandel, les républicains ont achevé auprès de Trump, leur mue en un nationalisme religieux, un « conservatisme national ». Le G.O.P pourrait également avoir beaucoup de mal à se défaire de l’héritage d’un président sortant ayant ramené 74 millions de voix -un record pour le parti lors d’une élection présidentielle.
Même divisés, même abîmés, les républicains risquent de n’avoir d’autre choix que de surfer sur la popularité de leur turbulent champion. Et, en l’absence d’une autre personnalité fédératrice sur la droite de l’échiquier politique, de s’appuyer sur la « marque » Trump, en préparant pour 2024 la candidature d’un des enfants du président, une perspective évoquée par plusieurs médias.