Justice pour Ibrahima: la famille demande des comptes

Alors qu'un jeune Bruxellois, Ibrahima, est mort entre les mains de la police samedi soir, ses proches réclament que lumière soit faite sur les circonstances troubles de son interpellation et de son décès.

La famille d'Ibrahima réclament justice. - BELGA

Ibrahima avait 23 ans. Il est décédé samedi 9 janvier après avoir été interpellé par la police, peu avant 19 heures. Témoin d'un contrôle d'identité près de la Gare du Nord, le jeune homme aurait sorti son téléphone pour filmer la scène, « à laquelle il était extérieur », précise l'avocat de sa famille, Alexis Deswaef, rappelant qu'il était dans son droit. Lorsque les policiers se sont tournés vers lui pour le contrôler, il « a pris peur et s'est enfui ». « Mais en disant qu'il a été interpellé parce qu'il s'est enfui, on oublie qu'il n'aurait pas dû être contrôlé », regrette l'ancien président de la Ligue des droits humains.

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Finalement interpellé, le Bruxellois a été privé de liberté et emmené au commissariat pour y être entendu. Selon le parquet de Bruxelles, il aurait perdu connaissance à son arrivée au poste, avant d'être transporté à l'hôpital où il décédera vers 20h22. De cette tragique nouvelle, sa famille ne sera informée que six heures plus tard, vers 2h30, sans savoir dans quel hôpital se trouvait le corps.  

Zones d'ombre et contradictions

Le Parquet indique qu’une enquête est en cours pour déterminer les circonstances exactes ayant entouré le décès d'Ibrahima. Car pour l'instant, celles-ci sont encore floues. Selon de premiers éléments, une crise cardiaque serait en cause. « On a dit à la famille que l’autopsie avait révélé une anomalie cardiaque et qu'il avait fait une crise cardiaque, mais on a aussi appris qu’il y aurait écrit dans le rapport d’autopsie que l'anomalie cardiaque ne peut pas expliquer à elle seule la cause de la mort », nuance Alexis Deswaef.

Un rassemblement pour rendre hommage à Ibrahima

Un rassemblement pour rendre hommage à Ibrahima, le mercredi 13 janvier. - BELGA

Les images de vidéosurveillance ne montreraient pas de violence. « La famille a vu des hématomes sur le corps à la morgue et avait l'impression qu'il pouvait s'agir de traces de coups, mais rien ne permet encore de dire à ce stade qu'ils ne sont pas liés à l'autopsie ou à la réanimation », concède l'avocat. Mais ce dernier pointe toutefois la négligence des policiers à l'égard du jeune homme d'origine guinéenne. « Il s’est passé entre 5 et 7 minutes entre le premier malaise qu’Ibrahima a fait en salle de fouille et la première réaction des policiers. Pendant ce temps-là, alors qu’il est menotté dans le dos, les deux policiers à ses côtés n’appellent pas les secours, ne font aucun geste vers lui. »

Ces zones d'ombre permettent à des rumeurs de se répandre sur les réseaux sociaux. Certains accusent le jeune homme d'avoir ingéré de la drogue, ce qui expliquerait sa fuite et son malaise. Une affirmation rapidement démentie par les examens toxicologiques et l'autopsie. Aucune trace de drogue n'a été détectée.

Selon la petite sœur de la victime, Aissatou, la police aurait également dit à la famille que Ibrahima « avait été interpellé pendant le couvre-feu ». Or, l'heure du décès prouve le contraire. Face à ces contradictions, ses proches réclament vérité et justice.

Un hommage qui dérape

Une manifestation a eu lieu ce mercredi sur la place du Nord à Saint-Josse, juste en face du commissariat où le jeune Bruxellois a trouvé la mort samedi dernier. Au moins 500 personnes - selon les estimations de la police - étaient venues exprimer leur colère et leur frustration. Dans la foule, les « Justice pour Ibrahima » faisaient écho à d'autres affaires similaires, comme Adil et Mehdi, eux aussi morts dans des circonstances impliquant la police. « Avec mon fils, qui est blanc et qui a le même âge, je sais que ce ne serait pas arrivé. Et ça c'est inacceptable », a dénoncé au micro de RTL Alexis Deswaef, présent sur place, pointant un racisme structurel à la police. Ceci « ne veut pas dire que l'ensemble de la police est raciste, mais que des mécanismes font qu'un Ibrahima ne sera pas traité de la même manière qu'un Cédric des beaux quartiers ».

La police face aux manifestants pour Ibrahima

La police face aux manifestants réclamant justice pour Ibrahima. - BELGA

Si la mobilisation s’est d'abord déroulée dans le calme, comme le voulait la famille d'Ibrahima, des débordements ont ensuite éclaté aux alentours de 17 heures. Des débordements dans lesquels le véhicule officiel du Roi s’est quelques instants retrouvé coincé. Malgré les injonctions à « respecter la mémoire d'Ibrahima », des fauteurs de troubles ont lancé des projectiles, parfois enflammés, en direction des forces de l'ordre. Un avant-poste policier a également essuyé un départ d’incendie, avant que les émeutiers ne soient repoussés par les policiers, aidés d'autopompes. Plus de 100 personnes ont été arrêtées, et cinq blessées, dont quatre policiers.

« On peut comprendre qu’il y a des émotions et que le citoyen veut s'exprimer, mais ce qu'il s'est passé est inacceptable. La justice fera son travail », a réagi le commissaire général de la Police Fédérale Marc De Mesmaeker, invité sur La Première ce jeudi matin. « Les violences à l'encontre de la police et de la police doivent être priorisées », a-t-il également déclaré, appelant au dialogue entre policiers et citoyens afin d'apaiser les esprits. « Une police qui n’a pas la confiance de sa population, n’est pas une vraie police. »

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