Course aux exécutions pour les 6 derniers mois de présidence de Trump

Depuis juillet, l’actuel président a fait appliquer la peine de mort fédérale pour 13 condamnés. Avant cela, il n’y avait eu que trois mises à mort de ce type depuis 1963.

Triste record que vient d'atteindre l'administration Trump (Crédit: Zumapress)

Aux Etats-Unis, la peine de mort est légale dans 29 états, mais peut aussi être infligée aux personnes coupables de certains crimes fédéraux : trahison, espionnage, meurtre ou encore trafic de drogue à grand échelle par exemple.

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La moralité, mais aussi la légalité, d’une telle sentence a été régulièrement remise en question dans le pays, ce qui fait que les applications de ces peines de mort fédérales étaient rares ces dernières années

Depuis 1963, date de la dernière exécution avant un remaniement du cadre légal de la peine de mort, seules 3 personnes avaient été effectivement exécutées par le gouvernement fédéral des Etats-Unis. Deux personnes en 2001 et une troisième en 2003, sous la présidence de George W. Bush.

Et depuis, plus aucune. Enfin... jusqu’à juillet 2020, mois durant lequel l’administration Trump a décidé de s’y remettre. Et de l’été jusqu’à aujourd’hui, 13 condamnés ont été exécuté. C’est donc plus du quadruple de ces 50 dernières années, en 6 mois seulement.

Retour en arrière

Historiquement, le système carcéral de l’Etat dans lequel le crime était commis s’occupait de l’exécution, menée à bien par des militaires.

Mais en 1972, les peines de mort ont été mises en pause par un arrêt de la Cour Suprême après un procès historique. Furman, un condamné, et sa défense s’opposaient à cette sentence, stipulant qu’elle enfreignait deux des amendements de la Constitution américaine. Il avait obtenu gain de cause. Mais 4 ans plus tard, un autre procès a renversé la situation et la Cour Suprême est revenue sur sa décision.

Dans les années 80 et 90, sénateurs et présidents ont signé des lois encadrant mieux les conditions dans lesquelles la peine de mort fédérale pouvait être infligée mais aussi où et comment les condamnés seraient exécutés. Depuis 1996, les prisons de trois états seulement accueillent ces condamnés à mort alors que seule la prison de Haute-Terre, en Indiana, s’occupe des exécutions fédérales.

Mais malgré toutes ces évolutions, ni Reagan, ni Bush senior, ni Clinton n’ont fait appliquer ces condamnations, qui font toujours débat tant sur l’éthique que sur leur côté dissuasif. Seule l’administration de W. Bush a fait mettre à mort trois criminels depuis 1963. Ce qui rend les 13 exécutions en 6 mois de Trump encore plus ahurissantes.

Reprise des exécutions

Fin juillet, pour palier toute remise en question d’une telle pratique, le procureur général William Barr a actualisé le protocole d’exécution. C’était le vœu de l’avocat général Jeff Sessions, qui souhaitait que le Gouvernement se remette à exécuter les condamnés, mais dans un cadre légal adéquat. Le principal changement : l’injection d’un seul produit au lieu des trois habituels.

William Barr. (Crédit: Reuters)

Le procureur Barr a, par la même occasion, immédiatement prévu les exécutions de cinq personnes, qu’il a décrit comme « des prisonniers condamnés à mort, coupables d’avoir tué, et parfois violé ou torturé, les plus faibles : des enfants et des personnes âgées ». 

Et depuis, c’est véritablement une course aux exécutions qui s’est déroulée durant les 6 derniers mois de la présidence de Trump. 13 personnes ont été mises à mort. 

Parmi ces 13 prisonniers décédés, plusieurs cas sortent du lot. Notamment, celui de Lisa Montgomery, jugée coupable du meurtre d’une jeune femme enceinte en 2007 alors que ses avocats ont tenté tant bien que mal de prouver qu’elle souffrait de problèmes mentaux. C’est seulement la troisième femme exécutée par le gouvernement fédéral américain de l’Histoire, et la première depuis plus de 60 ans.

La dernière des 13 mises à mort a eu lieu ce samedi et a aussi fait scandale. En effet, Dustin Higgs avait été condamné pour avoir participé au meurtre de trois jeunes femmes dans le Maryland dans les années 90. Son cas a fait débat car sa peine a été bien plus sévère que celle de celui qui a tiré sur les trois femmes, condamné à la prison à perpétuité. Selon ses avocats, Higgs a été victime d’un coup monté et a juste assisté au crime. Mais pour le procureur, il était le commanditaire du meurtre et a forcé le tireur à agir, malgré que ce dernier ait déclaré sous serment en 2012 que ce n’était pas le cas…

« Justice à la volée »

Parmi les juges de la Cour Suprême, les plus libéraux d’entre-eux, nommés par Clinton et Obama, sont indignés par ces actions. Parmi ceux-ci, la juge Sonia Sotomayor a notamment déclaré que le gouvernement aurait dû faire preuve « d’un peu de retenue » au lieu d'agir avec une « précipitation sans précédent » alors que les lois encadrant ces condamnations sont souvent remis en questions. 

(Crédit: Zumapress)

Elle a aussi pointé du doigts ses confrères juges conservateurs, qui , selon elle, ont « à plusieurs reprises mis de côté » leurs processus de délibération habituels, permettant au gouvernement « d'avancer avec un calendrier d'exécutions sans précédent et effréné ».

« Il ne peut y avoir de "justice à la volée" en matière de vie ou de mort », a déclaré Sotomayor. « Pourtant, la Cour a permis aux États-Unis d'exécuter treize personnes en six mois en vertu d'un régime légal et d'un protocole réglementaire qui n'ont pas fait l'objet d'un examen suffisant, sans pour autant résoudre les graves revendications soulevées par les condamnés ».
 

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