
Le Covid fait surchauffer les prisons

Donner aux uns, reprendre aux autres, reprendre aux uns, donner aux autres… Depuis l’arrivée du virus, l’administration pénitentiaire (DG EPI) tente, sans grand succès, de concilier les revendications des gardiens et celles des détenus et des familles. En décembre, les visites pour les plus de 18 ans avaient été réautorisées, après leur suspension début novembre, suite au deuxième confinement. Puis, les enfants de moins de 12 ans ont pu à leur tour rendre visite à un parent détenu, dans le respect des règles sanitaires très strictes en vigueur en prison. Depuis le 1er février, cette autorisation vaut également pour les 12 à 15 ans.
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Pour les agents pénitentiaires, qui craignent la multiplication des contaminations, c’en est trop. « Devant le manque de considération de l’autorité et vu que l’avis du personnel concerné n’a pas été pris en compte », le front syndical CGSP, CSC et SLFP a déposé un préavis de grève à partir du 8 février, pour l’ensemble des établissements pénitentiaires belges. De leur côté, détenus et familles pointent des restrictions sanitaires plus strictes que ce qui est imposé « à l’extérieur », et qui, selon eux, ne sont pas toujours respectées par les gardiens.
Visites restreintes
Depuis la mi-mars, l’objectif principal de l’administration était d’éviter les foyers de contamination. Il faut dire qu’entre des mesures de distanciation sociales pratiquement impossibles à faire respecter dans des espaces très exigus et des détenus qui présentent souvent des problèmes de santé, les prisons étaient les candidates idéales pour voir flamber l’épidémie. Pour empêcher sa propagation, toutes les visites et activités communes ont donc été suspendues (sport, cours, travail, etc.). À l’exception des rares sorties autorisées en préau, les seules interactions sociales avec l’extérieur et avec la famille se faisaient par téléphone.
En juin, le déconfinement s’amorçait dans les établissements pénitentiaires, à très petits pas. Les visites traditionnelles, dites « à table » étaient à nouveau autorisées, mais sous de strictes conditions et sans contact physique. Les « Visites hors surveillance » (VHS), qui permettent aux détenus de recevoir, sans surveillance, leur compagne/compagnon, dans une pièce aménagée en salon-chambre. sont restées longtemps interdites. Au grand dam des familles et des détenus, pour qui ces VHS sont de petits moments d’évasion durant le temps de la détention. Elles ont été brièvement autorisées, avant qu’octobre et le deuxième confinement ne donnent un nouveau tour d’écrou aux assouplissements concédés.
Surpopulation chronique
Un deuxième confinement encore plus difficile derrière les barreaux. « Les problèmes s’aggravent » concédait alors la porte-parole de la DG Epi, Kathleen Van De Vijver. Le nombre de contaminations dépassait de loin les niveaux observés lors de la première vague, tant chez les détenus que chez les gardiens. Du côté de la Clac, un collectif de luttes anti-carcérales, on relaye depuis le début de la pandémie une série de revendications des familles et des proches. Parmi celles-ci, la « libération d’un maximum de détenu.e.s ».
C’est que, à cet affrontement entre points de vue des gardiens et celui des détenus, se greffe l’éternelle (ou presque) thématique de la surpopulation carcérale et des conditions de détention qui en découlent. Conditions qui ont déjà valu à la Belgique de se faire condamner pour « traitements dégradants » par la Cour européenne des droits de l’Homme. Et alors que lors de la première vague, Koen Geens (CD&V), à l’époque ministre de la Justice, avait pris des mesures allégeant la population carcérale de 11%, son successeur, Vincent Van Quickenborne, rebroussait chemin. Publiée le 20 décembre, la loi « corona » en matière judiciaire a suspendu tous les congés pénitentiaires et permissions de sorties. Sous certaines conditions, seuls les détenus à moins de six mois de leur fin de peine, ont pu quitter leur cellule. Fin décembre, il y avait 10.483 hommes et femmes dans les prisons belges, pour une capacité de 9.575 places.