Interdire à certains d’avoir des enfants ? Les propos de Conner Rousseau font polémique

Le président des socialistes flamands souhaite ouvrir le débat : faut-il prévoir des sanctions, voire des interdictions (provisoires) de procréer pour les familles en difficulté, notamment pour les parents toxicomanes dont les enfants ont été placés par un juge ? Surtout pas, répond-on côté francophone. 

©belgaimage-172951514/ Conner Rousseau, président du sp.a, en février 2021

« Imaginez une maman accro à l’héroïne et qui continue à donner naissance à des enfants, alors que les précédents lui ont été enlevés par un juge, des enfants qui naissent parfois avec des problèmes liés à son addiction, a commencé Conner Rousseau, mardi dans l’émission « Terzake » de la VRT (propos relayés par Sudpresse). Avant de continuer : « Je me pose la question : ne faut-il pas intervenir ? Pour le bien-être des enfants en danger ? Ce serait peut-être bien de dire à ces parents : travaillez d’abord sur vous-même, prenez soin des enfants que vous avez déjà et peut-être que pendant cette période où le juge dit que vous n’êtes pas en état de vous occuper des enfants que vous avez, on peut se dire que vous n’êtes pas en état d’en faire d’autres… ».

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Sensibilisé aux problématiques de l’inégalité des chances, de la négligence et de la maltraitance envers les enfants (l’année dernière, il publiait un livre sur le sujet, T. »), le président du sp.a a avancé l’idée d’empêcher certains de procréer. Comment ? Pas via la stérilisation forcée, non, Conner Rousseau s’en est défendu : Je n’ai jamais utilisé ce mot. Je veux lancer le débat. On doit bien pouvoir trouver des solutions ». Il serait plutôt envisageable « d’intervenir » via une interdiction temporaire décidée par un juge, et par des sanctions à la clef, a-t-il avancé, sans trop détailler lesdites sanctions.

Travailler plutôt de manière «constructive »

Les propos de Conner Rousseau en ont fait sursauter plus d’un. D’abord, la présidente de Groen, Meyrem Almaci, qui était également sur le plateau de « Terzake ». Puis, dans les colonnes de Sudpresse, les partis francophones. Chez Ecolo, on juge l’interdiction de procréer « inacceptable ». « C’est quoi ce délire ? », se demande carrément le cdH. « C’est contraire à une démarche sociale et collective », relève le PTB. « Ce que propose M. Rousseau n’est pas réaliste et difficilement compatible avec la démocratie », note le MR. Le président des libéraux, Georges-Louis Bouchez, s’est toutefois prononcé, toujours dans Sudpresse, pour le retrait des allocations familiales aux parents « défaillants ».

Dans un communiqué, la Ligue des familles a quant à elle appelé le sp.a à « retirer ces propos honteux et à travailler de manière constructive à un meilleur accompagnement de ces familles en difficulté ». « Le Président du SP.A entend-il stériliser des femmes contre leur volonté, les obliger à avorter ou leur faire avaler la pilule de force ?, a soulevé la Ligue. Quels seront les critères pour décider qu’un parent est un « mauvais parent » ? Le SP.A entend-il créer une sorte de permis d’être parent qu’on pourrait retirer sous certaines conditions dans le but de sanctionner les parents ? (…) Ces propos ne sont pas sérieux, et pourtant le sujet est grave : oui, ces parents et leurs enfants rencontrent des difficultés importantes, mais ils ont besoin d’un accompagnement adéquat. Conner Rousseau confond lutte contre la précarité et les addictions et lutte contre les familles précaires ».

Pour la Ligue, des alternatives existent, comme donner « davantage de moyens financiers et humains aux services d’aide à la jeunesse », proposer un « accompagnement psychologique et social durant la grossesse », ou « faciliter l’accès à la contraception pour les femmes qui le souhaitent ». La Ligue des familles s’est également opposée à la proposition MR de priver les parents concernés d’allocations familiales, jugeant qu’une « telle menace n’aidera jamais aucun parent à sortir de son addiction, et bien au contraire, elle accroitra les difficultés de la famille en la plongeant dans la pauvreté ».

Pas une première

Côté francophone, les réactions ont donc été unanimes ou presque (le PS ne s’est pas encore prononcé sur la question). Reste encore à voir comment la proposition de Conner Rousseau sera accueillie au nord de la frontière linguistique. Le président du sp.a aura en tout cas du mal à rétropédaler ou à plaider la mauvaise compréhension de ses propos. Ce n’était en effet pas la première fois que son parti se positionnait sur le sujet.

En 2018, son prédécesseur, John Crombez déclarait déjà : « Certaines mères toxicomanes donnent naissance à trois enfants ou plus. En tant que société, on ne peut pas continuer à cautionner cela ». Avant de préciser par la suite : « Il ne faut pas dire aux gens : vous ne pouvez pas avoir d'enfant. Ma proposition, c'est de dire, dans certaines situations : vous n'allez pas bien du tout. Nous proposons de la contraception jusqu'à ce que vous allez mieux. Si une femme tombe enceinte, on ne dira jamais qu'elle ne pouvait pas. On veut travailler dans la prévention », défendait alors John Crombez.

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