
Musique : les algorithmes aux commandes

La peinture, la littérature, le journalisme… Il y a peu de domaines aujourd’hui dans lesquels la machine n’a pas fait irruption. Et à chaque fois, se pose la même question, teintée de fantasmes et de peurs : l’intelligence artificielle va-t-elle, si pas remplacer l’être humain, en tout cas faire mieux que lui ? La musique ne fait pas exception. Fin 2016, le Computer Science Laboratory (CSL) de Sony présentait le titre « Daddy’s car ». Inspirée de l’univers des Beatles, la chanson a été partiellement créée par un ordinateur. Quelques mois plus tard, un album complet était présenté par le projet Flow-Machines, avec pour « featuring » principal une intelligence artificielle.
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Et si ces sons restent encore loin de ravir toutes les oreilles, les machines façonnent déjà nos univers musicaux. Sur Spotify, Apple Music ou Youtube, les algorithmes se sont en effet mués en DJ personnalisés, au travers de playlists conçues rien que pour nous.
L’humain assisté
L’étape suivante : prédire le succès commercial d’une chanson. En 2018, des chercheurs de l’université de Californie (Irvine) affirmaient avoir trouvé les ingrédients secrets des hits en devenir. À l’aide d’un algorithme ayant scanné plus de 500.000 titres musicaux sortis au Royaume-Uni lors des 30 dernières années, ils indiquaient, à partir de 18 variables dégagées, pouvoir prédire le succès d’une chanson « à 85% ».
En Finlande, Hyperlive joue aussi les madame Irma de la musique. Données à l’appui , cette start-up se vante d’avoir prédit le succès de nouveaux titres de Justin Bieber, Billie Eilish ou Katy Perry. Et ce, « simplement à partir de l’analyse de la chanson, sans mesure d’autres paramètres comme l’activité sur les réseaux sociaux, l’ajout aux playlists, les buzz médiatiques, etc. »
Pour y arriver, il a quand même fallu recourir à la bonne vieille intervention humaine ; d’abord, en définissant un certain nombre de critères pour qualifier les morceaux (rythme, tonalité, vitesse, genre, etc.). Un musicologue caractérise ensuite les chansons qui composent le corpus en fonction des émotions qu’elles procurent (tristesse, gaieté…). Place enfin à la machine, qui digère le tout, et dégage des régularités susceptibles d’être retrouvées dans les futurs hits à analyser.
Cherchant à optimiser la capacité de recommandations de leurs algorithmes, les plateformes de streaming musical ont compris l’intérêt des start-up actives dans l’analyse assistée par ordinateur. Spotify a par exemple racheté la start-up française Niland. Outre Hyperlive ou Musiio (basée à Singapour), une des entreprises les plus en pointe dans le domaine est la Belge Musimap. À partir de plusieurs milliards de données stockées et une analyse de 50 millions de morceaux, Musimap cherche à développer des outils de recommandations prenant en comptes les émotions de l’utilisateur. Séduit par le projet de l’entreprise liégeoise, Quincy Jones, le légendaire producteur de Thriller (Michael Jackson) en est d’ailleurs devenu actionnaire l’été dernier.