Comment Bruxelles veut lutter contre les loyers abusifs

Les loyers ne cessent d'augmenter en Région bruxelloise, poussant de nombreux ménages à louer des biens inadaptés à leur situation familiale ou financière. Une commission d'avis sur les loyers devrait bientôt voir le jour.

Un loyer sera présumé

Vers la fin des loyers abusifs à Bruxelles ? Dans un contexte de fièvre du logement, les partis de la majorité ont déposé une proposition d'ordonnance visant à instaurer une Commission paritaire locative (CPL) qui statuera sur la justesse d'un loyer en Région bruxelloise.

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« L'accès à un logement décent est un droit essentiel », rappellent le PS, Ecolo, DéFI, Groen, one.brussels et Open Vld. « Or, la Région bruxelloise, comme d'autres grandes villes européennes, subit depuis plusieurs années une crise de l’accessibilité du logement abordable. » En quinze ans, les loyers ont augmenté d'environ 20% en plus de l'indexation fixée par la législation. Au point qu'en 2018 la part du loyer dans les revenus des Bruxellois atteignait 42%, selon le dernier rapport de l'Observatoire des Loyers de la capitale. Dix ans plus tôt, elle était de 35%. Cette hausse inexorable s'est accompagnée de loyers dits « abusifs », c'est-à-dire trop éloignés des prix de référence. Cela concernerait d'ailleurs une dizaine de pourcents du marché locatif, soit 30.000 logements.

Pour tenter de lutter contre ce phénomène qui prend « d'inquiétantes proportions », selon le Conseil économique et social de la Région, les députés prévoient de modifier le Code du Logement. En commençant par l'« obligation faite au bailleur de ne pas proposer un loyer abusif » et la création - en 2022 - d'une Commission paritaire locative.

Comment ça marche ?

Cet organe, composé paritairement de représentants de bailleurs et de locataires, pourra être saisi - gratuitement - par n'importe quel locataire, lorsque celui-ci a des doutes sur la légitimité de son loyer. Deux cas de figure sont ensuite possibles. Soit le bailleur demande un montant supérieur d’au moins 20% au loyer de référence pour ce type de biens prévu par la grille indicative des loyers. Le loyer est ainsi considéré comme « abusif ». Dans ce cas, c'est au propriétaire de démontrer que le logement présente des qualités particulières qui justifient le prix. Soit le bien est loué à un prix en ligne avec le marché, mais le locataire estime qu'il ne le vaut pas. Dans ce cas, c'est au locataire de prouver les défauts de qualité.

Appartement à louer à Bruxelles

- BELGA

La Commission paritaire locative a ensuite deux mois pour remettre un avis. Si elle reconnaît le caractère abusif du loyer, le locataire peut soit entrer dans un processus de conciliation avec son propriétaire pour s'accorder sur un montant « juste », soit se rendre à la justice de paix pour faire valoir une réduction de loyer.  

Notons que le propriétaire pourra également saisir la Commission paritaire locative, si le loyer qu'il demande est 30% inférieur à celui donné par la grille des loyers.

Une grille à mettre à jour

Par ailleurs, il sera obligatoire de mentionner dans le contrat de bail le loyer de référence du bien tel que repris dans la grille indicative. « Cette obligation veut rendre plus accessible la grille indicative des loyers ainsi que rendre l'information qu’elle contient plus transparente auprès des parties prenantes au bail », précisent les députés.

Inspiré de la loi française Elan, en vigueur à Paris, ce texte porté principalement par le PS doit encore recevoir les avis de la section législation du Conseil d'État et du Conseil consultatif du logement, avant d'être adopté. Cet été, espèrent les signataires. Son entrée en vigueur est toutefois conditionnée à l'amélioration de la représentativité et de la fiabilité de la grille des loyers. C'est l'objectif que s'est fixé le gouvernement lorsqu'il prévoit de constituer « à brève échéance et au travers de protocoles d’accord avec les institutions concernées, une base de données centralisée permettant d’avoir une image fidèle du marché locatif bruxellois ». Alors que la grille ne représente actuellement 1 à 2% du marché, le gouvernement souhaite disposer d'un échantillon avoisinant 10%, dans les meilleurs délais.

Les propriétaires s'y opposent

Face à cette proposition, le Syndicat national des propriétaires et des copropriétaires a partagé « sa consternation », annonçant déjà qu'il ne siégerait pas dans la Commission paritaire locative. « Cette ordonnance donne un caractère contraignant à la grille indicative des loyers », estime-t-il, butant sur la notion de « juste loyer ». « Tous les locataires vont considérer que leur loyer n’est pas juste tout simplement en regard de leurs revenus ou d’autres considérations sans aucun rapport avec les qualités intrinsèques des biens donnés en location », ajoute le syndicat, avant de rappeler que le marché immobilier, comme tout marché, est régi par la loi économique de l’offre et la demande. « On ne peut juger d'un loyer sur base de grilles obsolètes et sous-estimées dès le départ dans l'espoir de faire diminuer les loyers. Nos gouvernants ne doivent-ils pas aussi s’interroger sur l’abondance de la demande (nombre de ménages en recherche d’un logement) et la pénurie de l’offre (trop peu de biens sur le marché) ? »

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