
L'avenir du football se jouera... en Bourse

Le FC Bruges a donc loupé son entrée en Bourse. Sa première cotation était fixée pour ce 26 mars, mais rien ne s'est passé. En cause: des conditions de marché pas réunies. « Bien sûr, nous trouvons ça dommage, mais nous gardons l'esprit ouvert pour l'avenir. Le Club de Bruges se porte très bien financièrement, d'un point de vue organisationnel mais aussi sportivement. L'ambition est que cela perdure », a-t-il commenté le président du club Bart Verhaege dans un communiqué. « Nous nous concentrons sur l'objectif d'un quatrième titre de champion en six ans. Le report de notre entrée en Bourse n'a aucune répercussion sur l'équipe ».
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Simple report ou abandon ? A voir. Reste que le Club de Bruges n'est pas le premier club de foot à être tenté par la Bourse. La Juventus de Turin, l'Olympique lyonnais, le Celtic Glasgow ou encore l'AS Roma sont tous cotés. C'est que, depuis quelques temps, le football n'est plus exactement le football. Il ne s'agit plus (uniquement) d'un sport à vocation sociale, mais un véritable business. Les clubs sont devenus de véritables entreprises au centre de ce jeu financier qu'on appelle le « Sportainment ».
« Sportainment »
Contraction de sport et d'entertainment, le « sportainment » dit bien ce qu'il veut dire. Le concept nous vient des Etats-Unis, forcément, et a pris de l'ampleur dans les années avec comme modèle, la NBA, la ligue de basket américain. L'idée est que le championnat de basket américain représente un divertissement de masse. Le produit, ce sont les matchs et les stars. En premier lieu, alors, Michael Jordan.
C'est pour voir la légende que le public se bousculait aux portes du stades, mais aussi devant leur écran télé, dans les bars ou les centres commerciaux. Les produits dérivés se sont multipliés et la NBA est devenue plus qu'une ligue de sport, mais une marque aux multiples tentacules avec droits télé, abonnements aux stades, médias, restaurants, accueil des spectateurs, etc dont le but était de s'étendre et atteindre des fans aux quatre coins du globe. Ce qu'elle a réussi.
Mon club, mon entreprise
En Europe, il y a une particularité. Malgré la tentative de faire de la Champions League une sorte de NBA européenne, le vieux continent est moins porté sur les franchises que sur ses clubs de légende. Ce sont eux qui attirent les supporters par dizaines, voire centaines de milliers. Ainsi, les grands clubs sont devenus des entreprises de « sportainement », de « divertissement sportif ».
« Bruges, c'est plus qu'un club, c’est aussi une maison de production, une agence de pub, ils ont leur propre chaîne de télé, leurs médias sociaux, c’est une agence de communication, c’est une communauté de supporters qui sont aussi des clients. Ils ont aussi un projet de nouveau stade, ils ont donc aussi des activités immobilières. Pour eux, figurer en bourse c’est donc une stratégie de déploiement économique. C’est ça le foot moderne », expliquait Jos Verschueren, directeur du programme de Management sportif à la VUB, à la RTBF.
Le Club peut se vanter de bons résultats économiques. La saison 2019-2020 lui a rapporté 24,5 millions d'euros de bénéfices nets. Ceux-ci viennent des sponsors, des places vendues aux supporters, des droits télé, de l'achat et la vente de joueurs et de sa participation à la Champions League, véritable jackpot financier. In fine, tous ces bons chiffres dépendent avant tout des bons résultats du club. Du coup, le football et son caractère imprévisible est-il vraiment compatible avec la cotation en Bourse?
Pourquoi entrer en Bourse ?
Pour le club, cela permet d'obtenir des investissements précieux qui devaient lui permettre de financer la construction d'un nouveau stade de 40.000 places dont le coût est estimé à 100 millions d'euros. C'est pour cela que la direction du club qui détient la majorité des actions, est prête à céder 28% de celles-ci.
Pour les investisseurs, c'est plus aléatoire. Rationnellement, mieux vaut mettre son argent dans l'immobilier. C'est moins risqué. D'ailleurs, les résultats des différents clubs cotés en Bourse sont très variables. Ainsi, le cours de l’Ajax a doublé ces dix dernières années, alors que celui du Borussia Dortmund a diminué de moitié depuis son introduction il y a 20 ans. Mais la beauté du football est qu'il déclenche chez les fans une décharge émotionnelle. C'est pareil pour les investisseurs.
"Business as usual" ou sport du peuple ?
Reste que tous les clubs de foot ne sont pas cotés en Bourse. C'est même d'ailleurs plutôt rare. Le modèle le plus observé est la détention par un oligarque ou grand patron sur le modèle du Paris Saint-Germain qui appartient à l'homme d'affaires qatari Nasser Al-Khelaïfi ou Manchester United à la famille d'entrepreneurs américains Glaser.
Et puis, il y a l'autre modèle, très minoritaire, mais tellement plus en phase avec ce qu'est, ou ce qu'était le football : celui du FC Barcelone qui s'appuie sur ses milliers de « socios », ses supporters, lesquels (environ 200.000), forment une assemblée de délégués qui détient le pouvoir sur le club et élit le président. En somme, le club appartient à ses supporters. Une certaine idée du football comme sport populaire qui, malheureusement, s'évanouit de jour en jour.