
Shopping sur rendez-vous: une situation difficilement tenable pour les commerçants

Les rues étaient particulièrement calmes ce samedi. C’est le constat qu’a fait la fédération de commerce Comeos, qui y voit la conséquence du nouveau système de rendez-vous imposé depuis hier dans les magasins non-essentiels. Les rares clients n’étaient pas toujours au courant de la nouvelle mesure et chaque commerçant s’est organisé à sa façon pour accueillir les acheteurs. Si pour quelques enseignes, cette journée s’est bien passée, c’est loin d’être une généralité. Certains ont préféré ne pas ouvrir leurs boutiques alors que d’autres sont en plein doute. Est-ce que cela sert à quelque chose d’ouvrir si c’est pour accueillir si peu de monde ? L’UCM (Union des classes moyennes) et Comeos craignent que cette situation n’amène beaucoup à rester fermés. Ces associations ne s’attendent d’ailleurs pas à une amélioration la semaine prochaine, au contraire.
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Une journée en demi-teinte
Ce samedi, la plupart des magasins étaient ouverts. Au centre commercial de Belle-Île à Angleur par exemple, près de 70 boutiques étaient ouvertes sur 104. Autre point positif: la rue Neuve de Bruxelles, désespérément vide durant la matinée, s’est remplie au fil de l’après-midi. Et si le nombre de clients simultanés est limité à 50 personnes, certaines enseignes ont eu une meilleure affluence qu’espéré, à l’image d’un MediaMarkt à Braine l’Alleud ou de l’Ikea des Grands Prés à Mons.
Mais globalement, ce samedi a été une journée horriblement calme. «Il y a peu de passage et les clients ne s'y retrouvent plus. Ils jugent les différentes réglementations encore plus perturbantes», explique un porte-parole de Comeos. «Dans un magasin, ils peuvent entrer à deux après avoir pris rendez-vous, dans le magasin voisin, une seule personne est admise mais sans rendez-vous et avec un temps limité... Ce n'est pas simple du tout».
Même constat du côté de l’UCM. «Cela dépend des secteurs et des régions mais ce samedi, on était dans le meilleur des cas à 40% d’un chiffre d’affluence habituel», nous confie l’attaché de presse de l’association, Thierry Evens. «Certains commerçants s’en sortent mieux, surtout ceux qui échangent beaucoup avec leurs clients sur internet. C’est notamment le cas des boutiques de chaussures, d’habillement et de décoration. Mais on voit que les gens n’ont pas l’envie d’y aller et s’ils y vont, c’est vraiment parce qu’ils ont besoin de quelque chose. Le client peut aussi se sentir sous pression par ce système de rendez-vous et il ne va pas commencer à flâner».
Quand le compte n’y est pas
Évidemment, ouvrir sur rendez-vous, c’est mieux que de ne pas pouvoir ouvrir du tout. Mais d’après les associations, ce système amènera de facto à une sorte d’auto-confinement de certains magasins. «Un certain nombre de boutiques vont sûrement fermer dans les jours qui viennent parce que le coût de l’ouverture est supérieur aux recettes», nous explique Thierry Evens. «Il faut payer les employés, l’éclairage, le chauffage, etc. À un moment donné, il vaut mieux baisser le rideau. C’est pour cela qu’on a demandé que les commerçants aient le double droit passerelle, même s’ils peuvent ouvrir».
L’UCM craint donc que l’ouverture d’un grand nombre de magasins ce samedi ne soit qu’un moment éphémère. Bien sûr, si les clients s’habituent à prendre des rendez-vous, cela peut aider. Mais l’association ne se fait pas d’illusion. Le chiffre d’affaires devrait rester très bas, le «shopping plaisir» étant impossible.
Ces difficultés sont encore plus importantes en centre-ville, selon Comeos, déjà impactées par le manque de touristes, la fermeture de l’Horeca et l’absence des employés en télétravail. Dans le centre de Mons par exemple, les clients étaient rarissimes ce samedi matin, au point que certains commerçants ont fermé au cours de la journée, dépités. Un constat également fait par l’UCM. «Pour aller dans les centres-villes, les clients doivent aller plus loin, payer pour se garer et se rendre à pied jusqu’au magasin. Si on ajoute à cela le fait de ne pas être sûr de pouvoir entrer dans le magasin, de ne pas pouvoir boire un verre, etc., ça fait beaucoup», déplore Thierry Evens. Comeos et l’UCM ne sont donc pas surpris de constater que les magasins des périphéries s’en sortent mieux.
Boutique cherche client désespérement
Pour améliorer cette situation, les magasins sont en quête de solutions. Dans certains centres commerciaux, comme à Belle-Île, c’est la galerie qui centralise la gestion des rendez-vous. Les petites boutiques multiplient les canaux de communication pour organiser les venues: mail, téléphone, Facebook, etc. Grâce à une application, RDVessentiel, il est même possible pour les commerçants de créer un code QR à placer dans leurs vitrines. De cette façon, les clients peuvent venir sans rendez-vous, scanner l’affiche avec leurs smartphones et voir s’ils peuvent entrer immédiatement.
Est-ce que ces astuces aideront à faire revenir les acheteurs? Les prochains jours le diront. Mais le véritable espoir, c’est une accalmie de l’épidémie, seule façon de tourner la page et d’ouvrir normalement. «Ce que nous demanderons quand les chiffres épidémiques s’amélioreront, c’est une réunion d’urgence du gouvernement pour déconfiner, à l’instar de ce qui a été fait en sens inverse mercredi dernier lorsque la situation s’est dégradée. Rappelons qu’il n’a jamais été démontré que les magasins représentaient des lieux à risque», précise l’Union des classes moyennes.