
En Belgique, la politique est un jeu des sept familles

C'est une histoire belge. De Croo, Michel, Van Peteghem, Schlitz, Daerden, Lutgen, Onkelinx, Moureaux... De grandes familles politiques de père en fils et filles. Une histoire particulièrement belge parce qu'en Europe, seules l'Irlande et la Grèce font « mieux ». Ils sont 15% des élus (soit environ 200) à tous les niveaux de pouvoir du Royaume à avoir des parents eux-mêmes élus et bien installés dans le milieu.
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En Allemagne, c'est quasiment inexistant. Aux Pays-Bas, on compte un seul « fils de » sur 150 élus. Aux Etats-Unis, le taux est de 6%. En Thaïlande et aux Philippines, on est aux alentours de 40%. Là où l'histoire belge fait un peu moins sourire, c'est qu'une étude de Harvard datée de 2016 démontre qu'au-delà de 10%, ce phénomène engendre un « dysfonctionnement démocratique ». Un modèle hybride un peu bizarre entre népotisme et dynastie héritée de l'Ancien régime. Un modèle qui ne permet pas à une démocratie de fonctionner pleinement.
Pourquoi la Belgique ?
Comment expliquer que ce phénomène de « dynastie politique » soit si présent dans notre beau Royaume ? Déjà, il faut prendre en compte l'aspect très fragmenté du territoire. Sur 30.000 km², on recense six gouvernements, sept parlements, trois zones linguistiques et 581 communes qui, par bien des aspects, sont le véritable centre du pouvoir. Comme au Moyen Age, le bourgmestre est comme un Seigneur dont l'autorité est totale sur son fief.
Dans le Royaume de Belgique, il n'est pas rare d'avoir une commune aux mains d'une famille sur plusieurs générations. L'exemple des Lippens à Knokke est criant, mais il y en a d'autres. La famille De Croo a ainsi régné sur Brakel de manière quasi ininterrompue depuis cinq générations... Tête de liste en 2012, Alexander était parti pour succéder à son père, mais a laissé la place à son co-listier Stefan Devleeschouwer. Bref, c'est bien souvent à partir des communes, leur fief, que les « fils et filles de » se font un prénom, avec l'aide du Seigneur leur père.
Une autre raison est à chercher du côté du choix du casting pour les élections. Un choix qui revient aux présidents de parti. Or, les « fils et filles de » auront toujours une bonne position sur les listes électorales, leur nom déjà connu assurant une certaine rentabilité assurée. Se basant sur les élections de 2010, la politologue Brenda Van Coppenolle estime qu’un dynaste possède entre 17 % et 25 % de chances de plus d’être élu qu’un autre candidat, du simple fait d'avoir un nom porteur.
Voilà qui peut expliquer que Charles Michel soit devenu ministre à 24 ans et Alexander De Croo président de parti à 34 et vice-Premier à 37. Ou que Mathieu Michel soit bombardé, depuis le collège provincial du Brabant wallon, secrétaire d'Etat à la transition numérique...
Où est le problème ?
Belgique, terre de népotisme. Et pourquoi pas, si ça fonctionne ? Cela peut même permettre à des femmes d'atteindre les responsabilités plus facilement, comme Catherine Moureaux à Molenbeek, par exemple. Mais au-delà, il y a un réel problème de fonctionnement démocratique. Quel preux chevalier va oser faire face à une dynastie ? Quel risque que quelques familles se partagent le pouvoir d'un pays ?
Surtout, The Economic Journal pointe un effet particulièrement négatif à la « dynastie politique », qu'il nomme l' « effet Carnegie ». A savoir que, une fois au pouvoir, l’héritier aura souvent une logique de rentier, traitant des affaires de la cité de loin, profitant surtout de son nouveau statut, sa richesse, sans trop s'occuper des problèmes de société... Ca vous rappelle quelque chose ?