
Accusé du meurtre de George Floyd, Derek Chauvin demande l’acquittement

C’est probablement un des procès les plus suivis de ces dernières années qui s’est conclu ce lundi : celui du policier américain Derek Chauvin. C’est lui qui a maintenu son genou sur George Floyd lors de son arrestation musclée, jusqu'à l’étouffer. Il est accusé de meurtre, homicide involontaire et violences volontaires ayant entrainé la mort.
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Après trois semaines, les arguments des deux camps ont été entendus par les douze membres du jury ce lundi. Ils sont actuellement en train de délibérer et leur verdict devra être unanime. Les versions de l’histoire du procureur et de la défense sont évidemment radicalement différentes.
Culpabilité évidente
Du côté de l’accusation, ce qu’il s’est passé ce 25 mai 2020 à Minneapolis ne fait aucun doute. La scène a été filmée, et ce qu’on y voit, le policier immobilisant la victime avec son genou sur la nuque pendant plus de 9 minutes, est la cause du décès de George Floyd. Les photos de l’autopsie ne font que renforcer cet argument.
« Vous pouvez croire vos yeux. Cette affaire, c’est ce que vous saviez depuis le début, ce que vous avez ressenti dans vos tripes, ce que vous savez désormais avec votre cœur : ce n’était pas du maintien de l’ordre, c’était un meurtre. L’accusé est coupable des trois charges », a clamé Steve Schleicher.
Steve Schleicher. (AFP)
Outre l’opinion d’un pneumologue, pour qui le quadragénaire est décédé d’asphyxie causée par le poids de l’agent de police, le procureur a pu compter sur un témoignage marquant, celui du supérieur de Derek Chauvin, le chef de la police de Minneapolis, qui s’est complètement désolidarisé de son officier.
« À partir du moment où M. Floyd avait arrêté de résister, et assurément une fois qu’il a manifesté verbalement sa détresse, [l’immobilisation] devait s’arrêter », a notamment déclaré devant le tribunal Medaria Arradondo, qui avait rapidement licencié Chauvin et ses trois collègues impliqués dans l’histoire. « Et clairement, quand M. Floyd ne répondait et ne bougeait plus, continuer d’exercer une telle force à une personne à plat ventre, menottée dans son dos, cela ne fait en aucun cas partie de nos pratiques, de notre entrainement, de notre éthique ou de nos valeurs ».
La mort de George Floyd a éveillé de nombreuses consciences à travers le monde sur la problématique des violences policières, du racisme systémique et déclenché des mouvements de protestation. Aux yeux de beaucoup, ce n’est pas Derek Chauvin qui est sur le banc des accusés, c’est toutes les forces de l’ordre. Mais le procureur Schleicher n’a pas voulu rentrer dans ce jeu. « Ce n’est pas le procès de la police. C’est le procès de l’accusé, et il a trahi son badge », a-t-il notamment précisé.
Un comportement raisonnable
Pour la défense, l’histoire est toute autre : il y a de quoi douter.
Lors de cette interpellation, « George Floyd a résisté et donné des coups de pied », a détaillé Eric Nelson, l’avocat de Derek Chauvin. « Immobiliser George Floyd était raisonnable pour sa sécurité et celle des officiers ». Il a ensuite donné une explication pour différents faits reprochés au policier.
Eric Nelson (AFP)
Pourquoi avoir immobilisé la victime si longtemps ? Parce que les secours, tout proches et appelés rapidement, arrivaient et que « n’importe quel policier raisonnable aurait fait de même ». Il a tout de même admis que « les policiers sont des êtres humains et ils peuvent faire des erreurs dans des situations très stressantes ».
Mais le principal argument de l’avocat concernait le décès en lui-même. D’après sa plaidoirie, George Floyd n’est pas décédé à cause de la pression exercée par le policier, mais bien à cause de plusieurs raisons, dont sa santé. Le quadragénaire souffrait de problèmes cardiaques, avait des artères partiellement obstruées, tandis que des opioïdes avaient été découverts en quantité dans son organisme lors de l’autopsie. « Suggérer que les drogues n’ont pas joué de rôle est absurde », a insisté Eric Nelson, soulignant qu’il s’agissait « d’un décès multifactoriel ».
Derek Chauvin, lui, a fait le choix du silence et ne s’est pas exprimé.
Désormais, les membres du jury doivent tous se mettre d’accord sur sa culpabilité concernant les différents chefs d’accusation. La défense a plaidé non coupable pour les trois et demande l’acquittement. Mais l’ancien policier risque jusqu’à 40 ans de prison.
« Vous devez être absolument impartiaux » et « examiner les preuves, les soupeser et appliquer la loi », a ordonné le juge Peter Cahill aux jurés, avant de leur conseiller « d’espérer que les délibérations soient rapides », mais de se « préparer à ce qu’elles soient longues ».