
Bois de la Cambre : Une boum 2 explosive?

Manif populaire, récupération populiste ou pétard mouillé? Bien malin celui qui peut aujourd’hui prévoir l’issue de ce 1er mai. Sur les réseaux cryptés et lors de réunions secrètes tenues par des activistes, les informations dont nous disposons se révèlent pourtant inquiétantes. À commencer par cette convergence des extrêmes. Parmi ces groupes, on trouve en effet des profils aussi variés que des citoyens modérés, des néo-hippies amateurs de free hugs, intermittents du spectacle, complotistes, anti-vaccins, militants d’extrême gauche ou casseurs de flics. “Nous ne contrôlons plus rien, reconnaît Dave du collectif L’Abîme. Des sous-groupes se créent, des personnes s’approprient notre logo, se font passer pour nous. Et c’est ce que nous voulions. Nous ne sommes pas organisateurs, juste initiateurs d’une prise de conscience.”
La lecture de votre article continue ci-dessous
Sans autorisation, ces initiateurs pourraient néanmoins être tenus responsables en cas de troubles à l’ordre public. “Voilà pourquoi nous diffusons des consignes pour demander de se réunir par petits groupes, de ne pas apporter de bouteilles en verre, de ramasser ses déchets. Nous allons aussi mettre en place un cordon de sécurité pour éviter toute forme de violence.”
Combien de Belges répondront à cet appel? Impossible à savoir. Mais d’autres collectifs citoyens comme Trace ton cercle, Cycle for Freedom ou Wake Up pourraient rejoindre La Boum 2. Ainsi fédérée, cette meute représenterait - potentiellement - une dizaine de milliers de manifestants. Une situation durement gérable au vu des difficultés rencontrées le 1er avril face à 2.000 jeunes.
Gros bras et complotistes
Des débordements sont donc à craindre. Depuis quelques jours, des personnes peu recommandables gravitent autour de ces collectifs citoyens. Nous en avons identifié une demi-douzaine. Responsables de mouvement d’extrême droite, ex-para-commandos, groupes issus du monde de la sécurité privée ou de salles de sports de combat. Des profils dangereux, mais aussi très complotistes. Ces individus, dont certains affirment qu’ils seront présents au bois de la Cambre par dizaines, voire centaines, ont-ils l’intention de récupérer cette révolte, a priori pacifiste?
"On ne sera pas là pour casser du flic, affirme l’un de ces chefs de groupe. La plupart bossent dans la sécurité et sont donc agréés par le ministère de l’Intérieur. Au moindre couac avec la police, ils perdraient leur licence.” Avant de confier quelques minutes plus tard leur ferme intention de mettre un terme à cette mascarade du Covid et à reprendre [leurs] libertés”. La Sûreté de l’État, service de renseignements, est-elle au courant de ces risques de récupération? Oui, nous suivons cela de près avec la police judiciaire, confirme une source au sein du ministère de l’Intérieur. On apprend d’ailleurs que l’un de ces chefs de groupe a déjà été interrogé par la police. Des forces de l’ordre sur les dents qui veulent à tout prix, nous dit-on de bonne source, éviter que les débordements du 1er avril au bois de la Cambre ne se reproduisent le 1er mai. Au risque de voir se creuser un fossé entre la police et la population.
Faut-il dès lors décourager toute mobilisation? “La soupape lâche et il y aura de toute façon du monde, pronostique Fred Mastro, expert en self-défense, entraîneur des forces spéciales belges et américaines, garde du corps de Stromae ou de 50 Cent. Nombre de mes élèves seront d’ailleurs présents, pacifiquement.” Alors, quelle attitude adopter pour éviter les affrontements? “Ne portez pas de couleurs sombres ni de sweats à capuche qui pourraient vous assimiler à des casseurs, restez assis en cas de charge de la police, portez un brassard blanc pour afficher votre non-violence.” L’homme n’est pas vraiment optimiste.
Menaces de mort et filature
Une situation qui semble prendre des proportions effarantes. “Nous recevons des menaces de mort et avons même été suivis sur l’autoroute par une voiture avec à son bord deux personnes équipées d’un téléobjectif!”, hallucine Dave. Des faits d’autant plus inquiétants que la communication entre le collectif et les autorités est pour le moins ubuesque. Après avoir reçu une requête de L’Abîme, par voie de communiqué, pour lui demander d’autoriser cette manif, même avec un protocole sanitaire, la ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden leur a répondu, par médias interposés, qu’il était trop tôt vu la situation sanitaire.
Et d’ajouter qu’elle était prête à rencontrer le collectif mais que ce dernier n’avait laissé aucun contact. Du côté de L’Abîme, on tombe des nues. “De qui se moque-t-on?, s’étrangle Dave. On peut nous joindre via nos quatre réseaux sociaux ou notre site Web, et nous avons rappelé notre e-mail à la ministre. Six journalistes ont également trouvé mon numéro. Alors comment Madame Verlinden, chef des services de renseignements, n’arrive-t-elle pas à nous joindre? Nous essayons de calmer les esprits, de proposer une réunion dans le respect de la bulle sociale en extérieur et elle nous répond par un mensonge et des autopompes.”
Un mutisme irresponsable de la part des autorités? La multiplication des bars clandestins et les dernières fêtes sauvages à Knokke ou à Anvers préfigurent pourtant ce qui risque de se passer si aucune proposition, même stricte d’un point de vue sanitaire, n’est avancée pour permettre aux jeunes de se réunir. Ce sera alors le règne des fêtes illégales, de la clandestinité, avec ses conséquences néfastes sur l’ordre public et sur la propagation de la pandémie. Ce sera l’été de tous les dangers.
Retrouvez ici le making-of de notre dossier