Grève de la faim des sans-papiers “C’est terrible ce qui se passe”

La grève de la faim des sans-papiers prend un tour ­dramatique. Leur sort s’aggrave sous le regard toujours apathique de la Vivaldi et au bénéfice politique de ­la N-VA.

 Eglise Saint-Jean-Baptiste-au-Beguinage à Bruxelles @BelgaImage

"C’est gentil de venir voir comment ça va”. Ahmed est sorti de l’église du Béguinage à Bruxelles pour nous parler. Il regarde le ciel. “C’est terrible ce qui se passe.” Comme lui, 450 personnes ont arrêté de s’alimenter depuis le 23 mai. Mais il pense aux images des inondations de Verviers et de Liège qu’il a vues sur son téléphone portable. À cette famille qui marche avec précaution, l’eau jusqu’aux épaules, en se tenant la main. Aux personnes qui ont perdu leur foyer. “Il y a eu des morts, c’est terrible.

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Il regarde encore le ciel, ses yeux flottent comme un instant. Puis on comprend. Comment ne pas faire le rapprochement? “Ça va un peu mieux, maintenant, parce que je viens de prendre du thé sucré. Je parviens à me ­concentrer un peu. Mais pas longtemps.” Il revient à sa situation, à la grève de la faim, au combat qu’il mène depuis presque deux mois. “Je suis sorti parce que ce n’est pas moi qui décide. C’est le groupe à l’intérieur. Et le groupe à l’intérieur, il a décidé à la majorité, il y a une semaine, de fermer l’église, de ne plus laisser entrer personne pour lancer un message.”

Le message est assez simple et relayé tant par le monde syndical que patronal. ­Régulariser les 150.000 sans-papiers de ­Belgique bénéficierait à la société. On pourrait faire l’impasse sur le bénéfice humain, social, sécuritaire, scolaire… On pourrait s’en tenir au fait “qu’ils n’ont rien à faire ici”. Sauf qu’ils sont “ici” depuis longtemps et que pour la plupart ils participent au fonctionnement de la société comme manœuvre, informaticien, mécanicien, garde-malade, saisonnier, serveur, plongeur, cuisinier, coiffeur…

Et qu’économiquement, la régularisation rapporterait, selon certaines études, des dizaines de millions tous les mois aux caisses de l’État. Les sans-papiers, c’est une bonne affaire. Mais même ce message matérialiste n’est pas entendu. Alors, depuis huit jours, la porte de l’église s’est refermée comme celle d’une chapelle funéraire. “Le médecin nous conseille de prendre de la vitamine PP pour éviter les lésions cérébrales.” Beaucoup ont entendu cet ultime appel à l’aide: le grand rabbin de Bruxelles, le primat de Belgique, le rapporteur spécial de l’ONU, Barbara Hendricks, Brian Eno, Peter Gabriel, Agnès Jaoui…

Le secrétaire d’État à la Migration, Sammy Mahdi, lui, reste sourd. “On reste prudemment optimistes”, dit tristement Ahmed, qui reprend son équilibre en s’appuyant contre un mur. À quelques centaines de mètres de là, au Parlement, Sammy Mahdi, au nom de la Vivaldi, distillait l’absence de solution. Sous les quasi- applaudissements de la N-VA qui doit goûter deux plaisirs politiques de gourmet. Celui de voir la Vivaldi faire le même boulot que celui qu’elle aurait fait. Celui de constater que l’aile gauche de cette même Vivaldi évite de trop interroger sa conscience de peur de faire chuter le ­gouvernement, au risque de ramener au pouvoir la N-VA. En attendant, 450 sans-papiers risquent d’y laisser leur peau.

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