Un document montre comment les talibans chassent les Afghans ayant aidé des forces étrangères

Le dossier détaille comment sont choisies les personnes ciblées et comment cela peut aboutir parfois à des meurtres.

La première conférence de presse des talibans à Kaboul, le 17 août 2021 @BelgaImage

La crainte grandissait vendredi que les promesses des talibans de se montrer cléments et tolérants soient sans lendemain, après la publication d'un document confidentiel de l'ONU démontrant qu'ils ont intensifié leur traque des Afghans ayant travaillé avec les forces étrangères.

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Des «visites ciblées»

Le rapport, rédigé par un groupe d'experts d'évaluation des risques pour l'ONU et consulté jeudi par l'AFP, affirme que les talibans possèdent des "listes prioritaires" de personnes qu'ils souhaitent arrêter. Les plus à risque sont ceux qui occupaient des postes à responsabilité au sein des forces armées afghanes, de la police et des unités de renseignement, selon le document.

Depuis leur prise du pouvoir dimanche, les talibans ont promis qu'il y aurait de "nombreuses différences" dans leur manière de gouverner par rapport à leur précédent règne, entre 1996 et 2001, quand ils avaient imposé une version ultra-rigoriste de la loi islamique qui empêchait les femmes de travailler ou étudier, et punissait de terribles châtiments les voleurs et meurtriers.

Mais le rapport de l'ONU montre qu'ils effectuent des "visites ciblées porte-à-porte" chez les individus qu'ils veulent arrêter ainsi que chez les membres de leur famille. Ils filtrent aussi les personnes souhaitant accéder à l'aéroport de Kaboul et ont mis en place des points de contrôle dans les plus grandes villes.

"Ils ciblent les familles de ceux qui refusent de se rendre et poursuivent et punissent les familles ''selon la charia", a déclaré à l'AFP Christian Nellemann, directeur de ce groupe d'experts, le Centre norvégien d'analyses globales. "Nous nous attendons à ce que les individus ayant travaillé pour les forces américaines et de l'Otan et leurs alliés, ainsi que les membres de leurs familles, soient menacés de torture et d'exécutions".

Les médias visés

Des talibans à la recherche d'un journaliste travaillant pour Deutsche Welle (DW) et désormais installé en Allemagne ont tué mercredi par balle un membre de sa famille et en ont blessé gravement un autre, a indiqué le média allemand. Selon le Comité pour la Protection des Journalistes (CPJ), les talibans ont déjà fouillé cette semaine les domiciles "d'au moins quatre journalistes et employés" de médias, et au moins deux autres ont été frappés à Jalalabad (est).

Plusieurs journalistes ont rapporté avoir été rossés à coups de bâton ou de fouet pendant qu'ils essayaient de filmer dans Kaboul. CNN a publié une vidéo montrant des talibans levant leur fusil comme pour frapper une de ses équipes, avant d'être retenus par d'autres combattants.

Une présentatrice télé afghane, Shabnam Dawran, a lancé un appel à l'aide à la communauté internationale, après s'être vu interdire de travailler cette semaine. "Ceux qui m'écoutent, si le monde m'entend, s'il vous plaît aidez-nous car nos vies sont en danger", a-t-elle déclaré dans une vidéo postée jeudi en ligne.

La question des relations avec l’étranger

Les talibans ont indiqué vouloir établir "de bonnes relations diplomatiques" avec tous les pays, mais souligné qu'ils refuseraient toute ingérence dans leurs principes religieux. La Chine, la Russie, la Turquie et l'Iran ont émis des signaux d'ouverture, les pays occidentaux attendant de juger "sur les actes".

Des dizaines de milliers d'Afghans se sont précipités dès lundi à l'aéroport de Kaboul pour essayer de fuir le pays. Ils sont encore très nombreux coincés entre les postes de contrôle talibans et les barbelés posés par l'armée américaine, dans l'attente désespérée d'un vol. De nombreux Afghans se trouvent aussi près des ambassades dans l'espoir d'être évacués, mais ils ne peuvent y entrer.

Les talibans ont demandé aux imams de prêcher l'unité et d'appeler les personnes éduquées à ne pas quitter le pays dans leur sermon à la prière du vendredi, la première depuis que les islamistes radicaux ont accédé au pouvoir. Le G7 et plusieurs agences de l'ONU ont appelé les talibans à laisser passer en toute sécurité les Afghans et les étrangers voulant partir. Le département d'État américain a relayé le même message, mais le Pentagone a laissé entendre que la situation s'améliorait.

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