
Tom Holland s'éclipse des réseaux sociaux: quand la célébrité submerge les stars

C'en était trop pour lui: ce 14 août 2022, l'acteur Tom Holland (26 ans) a décidé d'abandonner les réseaux sociaux, du moins temporairement. C'est ce qu'il a déclaré dans une vidéo pour expliquer à ses fans qu'il avait besoin de cela pour protéger sa santé mentale. En l'espace de seulement 11 heures, l'annonce a été vue plus de 12 millions de fois sur Instagram. Un chiffre à la hauteur du choc pour sa communauté le Britannique étant suivi par près de 67,7 millions d'abonnés sur cette même application. Dans sa dernière publication, il détaille les raisons qui l'ont mené à prendre cette décision que d'autres stars ont prise avant lui, pour des motifs similaires.
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Quitter les réseaux pour lever un tabou
Dans sa vidéo, Tom Holland explique ainsi qu'il «trouve Twitter et Instagram trop stimulants et accablants». «Je tourne en rond quand je lis des choses sur moi en ligne», déclare-t-il, craignant pour son propre bien-être. Il appelle aussi à ce que sa communauté soutiennent leurs connaissances qui montrent des signes de dépression. «Demander de l'aide ne doit pas être quelque chose qui nous fait honte», dit-il lui qui a déjà vécu des années difficiles au lycée, le futur acteur étant moqué pour faire de la danse et non du rugby. Il profite d'ailleurs de sa dernière publication pour promouvoir des associations de santé mentale pour adolescents, comme Stem4.
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Avant Tom Holland, l'année 2022 avait déjà été marquée par plusieurs retraits similaires de stars de la sphère publique. L'un des cas plus marquants est celui du chanteur canadien Shawn Mendes, qui a annulé l'intégralité de sa tournée mondiale fin juillet dernier. La raison: des psychologues ont estimé sa santé mentale trop instable, notamment dans un contexte de reprise brutale de son exposition médiatique après le Covid. Début août, à l'instar de l'acteur de Spiderman, Alessandra Sublet quittait elle aussi les réseaux sociaux. «Ce matin en me réveillant j'ai senti qu'il fallait que je mette de côté les réseaux sociaux pour me concentrer sur le présent, ce que je vis vraiment, me centrer aussi sur mes projets et sur ce qui fera que l'on se retrouvera très vite, j'en suis sure. Instagram ne me manquera pas», écrivait-elle. Cette semaine, la chanteuse Selah Sue a confié avoir publié «son plus douloureux post jamais écrit», expliquant «traverser l’enfer» d'une santé mentale chaotique marquée par 14 ans de lutte contre la prise d’antidépresseurs.
«Ces prises de paroles publiques peuvent avoir un effet positif au niveau social. Ce partage d’expérience agit comme une révélation de soi qui normalise une problématique», explique à 20 minutes Paolo Cordera, psychologue aux Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG). «Cela permet de déstigmatiser les problématiques de santé mentale et de les dédiaboliser. [...] Pour avoir un impact positif, il faut que le témoignage soit authentique et ne pas être un outil de communication. Les médias ont également un rôle important à jouer, au niveau de la sensibilisation et de l’éducation».
La relation complexe entre stars et réseaux sociaux
La liste des célébrités se retirant des réseaux pour leur santé mentale, au moins durant un certain temps, pourrait être encore bien plus longue: Stromae, Lady Gaga, Bruce Springsteen, Miley Cyrus, Cardi B, Taylor Swift, Justin Bieber, etc. Le cas de Millie Bobby Brown est lui aussi souvent cité. Visée par des personnes qui voulaient détruire sa réputation, elle a été accusée par ceux-ci d'être homophobe. Cette assertion ne reposait sur rien mais cela a suffit pour provoquer un harcèlement massif à l'égard de l'actrice qui a décidé de se retirer d'Internet. Le milieu du sport est lui aussi frappé de plein fouet. En atteste le cas de Thierry Henry qui a dénoncé en 2021 le «volume considérable de racisme, d’intimidation et de torture mentale» sur les réseaux avant de quitter ces derniers.
En 2018, la chanteuse Selena Gomez expliquait son ressentiment sur le sujet quand elle a décidé de faire de même. «Je suis reconnaissante pour la voix que les médias sociaux donnent à chacun de nous, et je suis également heureuse de pouvoir prendre du recul et de vivre ma vie actuelle. N'oubliez pas que les commentaires négatifs peuvent blesser les sentiments de n'importe qui», disait-elle. Un mois après, elle entrait dans un centre d'aide pour prendre soin de sa santé mentale.
Comme le notait Selena Gomez, la relation des célébrités avec les réseaux sociaux a ainsi ses bons et mauvais côtés. Elles peuvent de cette façon en profiter pour renforcer le lien avec leurs fans voire en tirer des avantages, et ce jusqu'à l'extrême. Certains n'hésitent d'ailleurs pas à dévoiler toute leur vie en ligne, jusque dans les moments les plus intimes. Un exemple: en 2014, Robbie Williams dévoilait en détail la naissance de son enfant lors d'un live sur Twitter. Plus récemment, des stars de téléréalité comme Kim Kardashian et de nombreux influenceurs sont devenus maîtres en la matière. C'est ce qui amène d'ailleurs à relativiser la vague de célébrités qui quittent les réseaux. «Ce n’est pas un mouvement général», estime auprès de l'AFP Frédéric Foschiani, fondateur et président de l’agence d’«e-réputation» QSN-DigiTal. Selon lui, seules quelques rares stars sont en mesure de mettre à mal les réseaux sociaux en les critiquant, à l'instar de Rihanna qui a fait chuter le cours de Snapchat en bourse.
Mais qui dit popularité croissante dit aussi critiques, commentaires haineux et coups bas en série. Très suivie sur les réseaux sociaux, la chanteuse Angèle a par exemple vu sa bisexualité révélée par l'animateur Cyril Hanouna sur «Touche pas à mon poste», ce qui n'a évidemment pas manqué d'impacter sa santé mentale. «Il a été la première personne à dire en direct que j’étais avec une femme. Mon coming-out m’a été volé. J’ai réalisé assez tard que j’étais bisexuelle et c’était compliqué», confiait-elle dans un documentaire réalisé sur elle.
Le quotidien difficile d'une célébrité surmenée
Plus que le commun des mortels, les stars sont particulièrement exposées à l'impact des réseaux sociaux sur leurs vies. «Des recherches scientifiques ont été faites là-dessus et il s'avère qu'une personne artistique ou créative est par définition plus soucieuse de ses sentiments, ce qu'elle exprime dans les paroles de ses chansons par exemple», explique à la VRT Michaël Verschaeve, psychologue clinicien et coach mental d'artistes et de sportifs. «Les artistes ont une vie très irrégulière avec des périodes où vous êtes en tournée et des périodes où vous créez. De plus, créer n'est pas un travail de 9h à 17h. La créativité ne se commande pas et cela peut cela peut parfois être un processus très difficile». Puis il y a la pression, «à la fois pour performer et rester au top, et pour être présent partout». «On attend beaucoup de toi et tu ne veux pas décevoir le public. Il y a aussi tout un entourage qui est lié financièrement à toi. Ça ne facilite pas les choses».
Avec la levée du tabou de la santé mentale chez les stars, les lignes bougent, même si le défi reste énorme. «Donner une image glamour de certains troubles n'est pas nouveau mais pose toujours un problème», estime auprès de la RTBF Philip Auslander, professeur de communication au Georgia Institute of Technology. «L'idée que la créativité se paie à un prix élevé sur le plan personnel est quelque chose d'accepté implicitement mais de très pernicieux».
Interrogé par le quotidien Les Échos, Jean-Victor Blanc, psychiatre à l'hôpital Saint-Antoine à Paris, la révolte des célébrités contre les réseaux sociaux peuvent néanmoins faire bouger la société, tout comme celles-ci ont permis d'avancer sur d'autres sujets de société (racisme, homophobie, genre, etc.). «Il n'y a pas de raison que ça ne fonctionne pas pour la santé mentale. Grâce aux séries et aux coming-out des célébrités, on parle de plus en plus des troubles psychiques et ce, d'une manière plus nuancée, avec moins de jugement, de morale. Donner de la visibilité à la maladie mentale soutient à la fois l'amélioration du système de soin mais aussi nos connaissances, ce qui permet d'aider plus de personnes, plus tôt», se réjouit-il.