Pourquoi certains chiffres portent bonheur et d'autres nous font peur ? L'histoire derrière les superstitions et leur signification

Votre transat porte le numéro 13? Aïe. Votre bungalow est le 666? Pire. Et d’où viennent-ils? Pas forcément des Arabes, comme tout le monde le croit trop souvent...

Numéro 13 ©Adobe
Numéro 13 ©Adobe

D‘où viennent nos chiffres? Une croyance tenace, passée d’ailleurs dans le vocabulaire courant, voudrait qu’ils soient arabes. C’est faux. Mais pour rendre aux véritables inventeurs de notre système numérique le mérite qui leur revient, il faut faire un bond de quelques dizaines de milliers d’années en arrière. Peut-être pas au temps de l’homme préhistorique. Trop simple, il distingue tout juste l’unité et la multitude. Rien d’autre. C’est avec la sédentarité que les choses deviennent plus intéressantes. Il y a la nécessité de compter le bétail dans les troupeaux. Ou le nombre d’animaux abattus à la chasse. De commercer aussi. Et donc de tenir les premiers comptes.

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Les premiers nombres apparaissent dans ce contexte, aux environs de 30.000 ans avant J.-C., parmi les premières civilisations du paléolithique. En attestent des os d’animaux, recouverts de plusieurs encoches. Ce sont les premières machines à calculer. Un cran par bête tuée, ou par membre du troupeau. éventuellement, le type d’os changeait en fonction de celui de l’animal concerné.

Une notion abstraite

Sauf que la technique manque de précision. La notion abstraite de quantité n’existe pas encore au sens où nous l’entendons aujourd’hui. Au mieux, ces crans permettent
de comparer deux résultats en disposant deux morceaux d’os bout à bout. Du reste, au-delà de quelques traits, la perception de l’ensemble se brouille. On évite alors les alignements de plus de quatre traits. Pour “5”, les quatre entailles sont traversées d’une barre. Pour “6”, on ajoute un trait isolé. Et ainsi de suite.

Environ 4.000 ans avant notre ère, les civilisations mésopotamiennes utilisent des boules de terre creuses contenant des jetons. Puis celles-ci sont remplacées par des objets aux formes dédiées: un bâtonnet pour l’unité, une bille plate pour les dizaines, une bille plus petite pour les centaines... Ce qui permet les premières opérations arithmétiques. Quelques siècles plus tard, naît l’idée de symboliser sur des tablettes les objets en question: un petit trou circulaire pour la bille, une encoche pour le bâtonnet, etc. Nous sommes en 3600 avant J.-C. Les chiffres sont nés. Fait remarquable, cette découverte intervient simultanément dans des civilisations parfois très éloignées l’une de l’autre.

La foire d’empoigne

Nous sommes quelques milliers d’années plus tard. Les Romains ont étendu à leur empire leurs fameuse numérotation, représentée par des lettres (I, V, X, L, C, D et M). Ça peut servir pour marquer l’année ou les chapitres d’un livre, comme nous le faisons encore aujourd’hui. Pour les opérations arithmétiques, c’est affreusement compliqué. Heureusement, de leur côté, les Indiens ont mis au point un système révolutionnaire. Toutes les valeurs de 1 à 9 sont signifiées par un symbole abstrait.

Mieux, par souci de facilité, un même chiffre peut se voir attribuer une valeur différente selon sa position. Dans 1.000.001, le 1 à l’extrême gauche vaut un million, à l’extrême droite, il vaut un. Pas besoin de signe spécifique pour représenter le million, le millier, la centaine ou la dizaine. Et les Arabes, dans tout ça? Au moment des Croisades, ils servent d’intermédiaire entre l’Inde, dont ils ont adopté la numérotation, et l’Occident chrétien. évidemment, les relations de l’époque ne facilitent pas les choses.

Vers l’an 1000, le pape tente bien d’imposer les chiffres arabes mais il est mal reçu. à Florence, il est même interdit aux marchands de se servir de chiffres arabes dans les contrats et les documents officiels. Mais à la Renaissance, l’expansion du commerce et des sciences exige un système de calcul plus efficace. Au XVe siècle, les chiffres arabes s’imposent définitivement, adoptant au passage leur tracé définitif, tel que nous l’utilisons aujourd’hui.

Chiffres ©Adobe

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Le nombre d'or

Et si l’univers lui-même reposait sur une règle chiffrée? Depuis l’Antiquité, un nombre particulier, appelé nombre d’or, a intrigué savants, philosophes et mathématiciens. Il s’agit en fait d’une proportion. Le nombre d’or apparaît quand la somme de deux longueurs additionnées, divisée par la plus grande de ces mêmes longueurs, égale la somme obtenue par la division de la plus grande de ces longueurs par la plus petite. En termes matheux, quand (a+b)/a = a/b. Surnommé “Divine proportion” par l’astronome Kepler, on le retrouverait dans la nature de manière omniprésente: dans l’agencement des écailles des pommes de pin, l’écorce d’un ananas, le dessin des étamines d’une fleur de tournesol ou encore la forme de certains coquillages. Au cours des siècles, il a inspiré tant les architectes que les peintres. Comme ceux de la grande pyramide de Khéops ou du Parthénon, mais aussi Picasso ou Le Corbusier.

Nombre d'or ©Adobe

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Les chiffres maudits

Quand le chiffre, ce summum d’abstraction issu de l’esprit humain, devient une vraie maladie... Deux nombres en particulier sont assortis d’une telle réputation qu’ils peuvent provoquer des phobies tout ce qu’il y a de plus réel. L’origine de la malédiction attachée au 13 est connue: lors de la dernière Cène, Jésus réunit les douze apôtres autour de lui. Le dernier, le treizième donc, est Judas, qui le trahira. Certains, les triskaïidékaphobes, craignent le 13 comme la peste. D’autres, pour des raisons commerciales, préfèrent l’éviter. Certains hôpitaux, hôtels ou cinémas n’ont pas de salle ou de chambre n°13. De même, certains logiciels passent immédiatement d’une version 12 à 14. Le magazine Spirou, lui, n’a pas de page 13, mais 12bis, pour tourner cette superstition en dérision.

Le 666, lui aussi, est victime de sa connotation religieuse.Il est prédit dans l’Apocalypse, le dernier livre du Nouveau Testament, qu’à la fin des temps “nul ne
pourra rien acheter ni vendre s’il n’est pas marqué au nom de la Bête ou au chiffre de son nom. Et ce chiffre est 666”. Quand, dans les années70, les premiers codes-barres furent introduits, cette innovation créa quelque émoi parmi certains millénaristes et autres théoriciens du complot. Les codes-barres les plus utilisés possèdent en effet 3 repères (début, milieu et fin) dont le code numérique équivaut à 6. Les plus atteints peuvent être qualifiés d’hexakosioihexekontahexaphobes. Ils ont littéralement la phobie du nombre 666. Parmi ceux-là, des femmes exprimant leur inquiétude de mettre au monde leur enfant le 6 juin 2006, mais aussi le couple Ronald et Nancy Reagan qui, lors de leur déménagement à Los Angeles, firent changer leur adresse de 666 à 668 St. Cloud Road, à Bel-Air. On évoque aussi le cas de Reeves, une ville de Louisiane, qui obtint de changer de préfixe téléphonique, passant de 666 à 7497.

666 nombre maudit ©Adobe

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