Aides fiscales aux multinationales : la Belgique condamnée par la justice européenne

La Cour européenne de justice estime que le système des « excess profit rulings » constituait bien un régime d’aides aux multinationales, qui leur permettait de faire échapper une partie de leurs bénéfices à l’imposition.

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Oui, la Belgique avait bien mis en place un régime d’aides d’État au profit de multinationales. Ce jeudi, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu son arrêt dans le dossier des "excess profit rulings", opposant le gouvernement belge à la Commission européenne.  La Cour a donné raison à la Commission sur cette pratique fiscale au profit de groupes internationaux ayant une filiale en Belgique.

Rebobinons : à partir de 2005, les multinationales installées chez nous pouvaient bénéficier de décisions anticipées (les fiscalistes parlent de « rulings ») qui leur permettaient de faire échapper une partie de leurs bénéfices à l’impôt. Le principe : la filiale belge de l’entreprise réalisait des bénéfices excédentaires ("excess profits") du fait de son appartenance à une multinationale, bénéfices plus importants que ceux réalisés par une société belge comparable, mais non adossée à un groupe multinational.

Aides d’État illégales

À l’époque, la coalition gouvernementale décida de permettre à ces filiales de déduire ces surprofits de la base imposable en Belgique. Motif : éviter une double taxation de ces bénéfices excédentaires, chez nous puis à l’étranger. Les rulings n’étant pas publics, les gains n’étaient en réalité pas non plus taxés à l’international. De quoi, dans les faits, proposer un climat fiscal très clément aux multinationales, qui passaient d'une potentielle double taxation à une taxation... nulle sur ces bénéfices.

C'est pourquoi la Commission a vu dans le système belge une d’aide d’État illégale. En 2016, elle force les 39 groupes qui en ont bénéficié- dont ABInbev et BASF (secteur de la chimie)- à rembourser quelques 700 millions d’euros à la Belgique. Cette dernière introduit toutefois un recours contre la décision de la Commission devant le Tribunal de l’UE. Celui-ci finit par donner raison à la Belgique, en 2019. Réagissant à la victoire du gouvernement belge, la Commission avait décidé d’ouvrir des enquêtes individuelles à l’encontre de chacune de multinationales avantagées par le régime des "excess profit rulings". Ainsi, il lui était toujours possible de démontrer que tel avantage par une société prise individuellement était contraire au droit de l’UE, même en l’absence d’un régime général d’aides d’État.

Dans le même temps, la Commission européenne décidait de faire appel de la décision du Tribunal. C'est donc sur cet appel que la Cour de Justice de l’UE vient de se prononcer. « Il y a lieu de conclure que, en jugeant que la Commission avait erronément considéré que le régime d’exonération des bénéfices excédentaires constituait un 'régime d’aides', le Tribunal a commis plusieurs erreurs de droit » a estimé la Cour. Un arrêt qui relance les protagonistes pour un nouveau tour de manège judiciaire, l’affaire étant renvoyée vers le Tribunal, qui devra statuer sur le fond du dossier.

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