

D’ici la fin de 2025, la Belgique devra avoir fermé toutes ses centrales nucléaires. Ou quasi toutes. Si le pays n’a pas d’autres choix, la possibilité de maintenir deux réacteurs est possible. Mais les cinq autres vont disparaitre. La décision a été prise en 2003 et le Gouvernement fédéral, en partie Ecolo, est déterminé à la faire appliquer, même si le projet a déjà pris beaucoup de retard et que plusieurs voix politiques s’y opposent publiquement.
Cette semaine est d’ailleurs décisive. Pour compenser la perte en électricité, la Belgique aura besoin de centrales au gaz. De façon très résumée, les fournisseurs d’énergie qui souhaiteraient en construire ont jusqu’à ce jeudi pour soumettre leur candidature pour obtenir des subsides leur permettant d’investir dans de nouvelles infrastructures. Mais il se peut qu’aucun ne convienne et qu’on préserve donc Doel 4 et Tihange 3 encore quelque temps. Nous serons fixés sur le sujet fin octobre.
Pour les autres réacteurs, le Fédéral anticipe l’avenir. Fermer des centrales nucléaires, cela ne se fait pas d’un claquement de doigts. Il ne suffit pas non plus d’arriver sur place avec des bulldozers : c’est un savoir-faire très technique. Et pour nos ministres, il serait bien malheureux de faire appel à des spécialistes étrangers. Non, il faut que la Belgique devienne experte en démantèlement.
Le vice-Premier ministre Pierre-Yves Dermagne (PS), la ministre de l’Énergie Tinne Van der Straeten (Groen) et le secrétaire d’État à la Relance Thomas Dermine (PS) ont organisé en mai une table ronde avec les poids lourds du secteur industriel belge pour « créer une activité structurante autour du démantèlement des centrales nucléaires », rapporte l’Écho.
L’idée est de motiver ces entreprises afin qu’elles s’approprient cette lourde tâche, qui pourrait bien devenir une vraie filière industrielle d’avenir, avec des emplois et, pourquoi pas, pouvoir exporter ce savoir-faire par la suite.
Quatre filières ont été définies : « métaux », « caractérisation », « circuit primaire » et « logistique/stockage ». Pour chacune de ces spécialisations, des experts issus de 13 grandes entreprises industrielles ont formé un groupe de travail. Le tout sous la houlette du Centre d’étude nucléaire. Le "SCK.CEN" s’est déjà d’ailleurs occupé du premier démantèlement d’un réacteur nucléaire en Europe.
Ces groupes de travail sont déjà réunis plusieurs fois par mois et ont défini les tenants et aboutissants de la création d’un tel secteur industriel.
C’est normalement à celui qui exploite les centrales de les démanteler, donc à la société française Engie. Mais celle-ci est en train de céder ses filiales de service et fera donc forcément appel à des sous-traitants.
Le Fédéral aimerait donc que la Belgique ait une offre solide en matière de démantèlement, afin qu’Engie ne fasse pas appel à des entreprises étrangères.
Pour s’en assurer, il faudrait faciliter le travail de la société française. Malheureusement, aucune entreprise belge n’a les épaules pour s’occuper de toutes les tâches. Mais la solution serait que plusieurs d’entre elles s’associent autour d’un seul acteur industriel fort, qui serait un interlocuteur unique et local pour Engie. Le nom de John Cockerill circule déjà. Mais à l’heure actuelle, la société trouve qu’il est trop tôt pour parler de consortium.
Évidemment, créer une nouvelle filière industrielle va demander beaucoup d’investissements de la part des entreprises impliquées. L’État pourrait y mettre un peu de sa poche, et Engie a déjà provisionné 13,8 milliards.
Mais côté bonnes nouvelles, cela devrait aussi créer bon nombre d’emplois. Combien ? On ne sait pas, mais probablement de quoi compenser les nombreux postes qui vont disparaitre avec la sortie du nucléaire. Il faudra alors convaincre les chercheurs d’emplois de se lancer dans le secteur, tout en sachant qu’il ne sera pas éternel. Mais démanteler les centrales belges devrait prendre au moins 40 ans.