
Covid-19: la ventilation, mode d'emploi

Comment savoir si votre intérieur est suffisamment aéré pour limiter au maximum la circulation du virus dans l’air? Cette question, on devra se la poser sérieusement si l’on veut fêter Noël le plus normalement possible en famille. L’ingénieur à la tête du bureau EWA engineering, Frédéric Oleksandrow, se la pose pour sa part depuis bien longtemps. C’est lui qui avait il y a quelques mois soufflé au gouvernement l’idée de lancer un “label Covid”, soit une sorte de certificat PEB qui évalue le risque de contaminations pour une activité donnée. Il s’accorde avec la plupart des experts corona: mesurer le CO2 et ventiler les pièces doit devenir un réflexe à chaque fois qu’on reçoit des amis pour dîner, qu’on réunit des collègues, mange au resto ou se rend à la salle de sport. Les parents s’interrogent en outre sur l’air ambiant dans les salles de classe de leurs enfants. À juste titre, la qualité de l’aération des pièces est devenue une préoccupation majeure.
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Par conséquent, le gouvernement a monté la Task Force “Ventilation” auprès du Commissariat Corona et recommande la mise en œuvre de la surveillance de l’aération et de la qualité de l’air. Il existe d’ailleurs déjà dans le Code sur le bien-être au travail des dispositions relatives à la qualité de l’air intérieur dans les locaux, mais si cette réglementation peut être brandie en cas de conditions défavorables, elle ne concerne pas spécifiquement le Covid. D’autres mesures sanitaires ont été prises. Ainsi dans les espaces clos des établissements de restauration et débits de boissons du secteur Horeca, dans les centres sportifs et dans les discothèques, l’utilisation d’un appareil de mesure est obligatoire. La Fédération Wallonie-Bruxelles a de son côté débloqué un budget provisionnel de 3 millions d’euros pour équiper l’installation de détecteurs CO2 dans les écoles. Le ministre-président francophone Pierre-Yves Jeholet a à ce sujet exprimé son intention de “tenter d’accélérer la ventilation dans les écoles”.
Passer entre les gouttelettes
Tout va bien, alors? Non, répond Oleksandrow. “Je constate que dans de nombreux établissements, le système de ventilation pourtant installé n’est pas utilisé à bon escient alors qu’on est en pleine quatrième vague. J’ai vu un restaurant qui avait débranché la prise du capteur de dioxyde de carbone car celui-ci bipait étant donné que le seuil recommandé était dépassé, j’ai constaté que certains gérants mettaient le détecteur CO2 devant une fenêtre ouverte, alors forcément il fonctionne mal.” Mauvaise foi ou mal-information des gérants d’établissements? C’est aussi difficile à dire que d’estimer l’ampleur de cette négligence. Toujours est-il, ajoute l’ingénieur, “qu’il faut éduquer, informer et, parfois, contrôler la population pour conscientiser et responsabiliser les citoyens. Le label Covid est un outil important de ce processus. Tant qu’on ne fait pas ça, on ne s’en sortira pas totalement”.

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Pour utiliser le matériel domestique ou professionnel, il faut en effet intégrer certaines connaissances. Le gouvernement demande de respecter un taux de CO2 inférieur à 900 ppm, soit le nombre de particules de dioxyde de carbone par million de particules d’air, et certainement de ne pas franchir le seuil de 1.200 ppm. Le taux ordinaire à l’extérieur est d’environ 400 ppm. Ce qu’il faut comprendre à travers ces chiffres, dit Samuel Caillou, chef de laboratoire au Centre scientifique et technique de la construction (CSTC) et membre de la Task Force Ventilation, c’est que plus ce nombre est grand, plus cela signifie qu’une partie de l’air ambiant a déjà été respiré et expiré par les poumons d’un individu présent dans l’espace clos, ou qui s’y est trouvé quelques minutes, voire quelques heures au préalable. Comme on le sait désormais, le virus du Covid-19 se transmet d’au moins deux manières. D’une part par des transferts à courte distance via des gouttelettes relativement lourdes qui retombent au sol. Contre cela, le masque ou la distanciation sociale sont les meilleurs boucliers. D’autre part, par aérosol, soit des gouttelettes beaucoup plus petites capables de rester en suspension. Le seul moyen de s’en débarrasser est de renouveler l’air ambiant. La mesure CO2 est un indicateur permettant de détecter des seuils de référence à partir desquels il convient d’augmenter le renouvellement. Autrement dit, plus le CO2 est présent dans la pièce, plus la probabilité que des aérosols Covid-19 s’y trouvent est élevée.
Crier, chanter, contaminer
“Une activité intense comme le sport provoque de grandes émissions de CO2. S’ils sont infectés, ces derniers expirent alors potentiellement une quantité supérieure de virus. Parler fort ou doucement change la donne. Dans une situation où on chante par exemple, malgré le fait que la quantité de CO2 soit similaire, on crée davantage d’aérosols. La probabilité de transmettre le virus augmente alors”, explique Samuel Caillou. Il rassure malgré tout: rien ne sert de paniquer si on est temporairement à 950 ppm au lieu des 900 recommandés. “Il faut par contre vraiment éviter les concentrations trop élevées. La durée d’exposition est un autre élément important à considérer. Il ne suffit pas d’une gouttelette pour être contaminé, mais d’une quantité un peu plus importante. Si on reste dans la même pièce pendant longtemps avec une autre personne, le risque augmente. En outre, l’aération n’a pas d’effet sur la transmission à courte distance. Il s’agit donc d’une protection complémentaire au masque et à la distanciation.” En effet, l’aération en cas de présence trop abondante de CO2 est l’option la plus simple, car il suffit d’ouvrir la fenêtre. Les systèmes de ventilation mécaniques sont cependant mieux adaptés, à la fois contre la transmission d’un virus mais aussi contre la pollution de l’air. En Belgique, les nouvelles constructions doivent d’ailleurs toutes être équipées d’un système de ventilation automatique. Les bureaux construits depuis le 1er janvier 2020 doivent également être équipés.
Quel matériel acheter?
Sur le marché, l’offre d’appareils CO2 ou de ventilation gonfle de jour en jour au point qu’il devient difficile de s’y retrouver. La Task Force Ventilation a publié un guide pour les premiers. Kurt Huseyin, directeur général de Kurt Biomédical, nous aide à y voir plus clair dans l’offre des seconds.

Pour 2.000 €, certains dispositifs peuvent purifier 100 mètres cubes d’air. © BelgaImage
Les capteurs CO2
D’abord, il est conseillé de choisir un capteur qui mesure réellement le dioxyde de carbone selon la méthode infrarouge non dispersive, et non pas du matériel mesurant “l’équivalent CO2” qui est utile lorsque le but recherché est de mesurer la pollution dans l’air. Ensuite, avec le vieillissement d’un capteur peut apparaître une “dérive”, soit une variation du résultat réel. Pour une mesure précise, les modèles “dual beam” ou “ABC Logic” sont à privilégier car ces technologies comprennent un correcteur de dérive. Hormis ces points d’attention, tous les capteurs devraient se valoir. Les prix varient évidemment selon les options du capteur (enregistrement des données, statistiques mensuelles, alarmes en cas de dépassement du seuil toléré, capteur fixe ou portable, etc.).
Les systèmes de ventilation
On trouve sur le marché à boire et à manger… Le top, ce sont évidemment des systèmes de ventilation mécaniques double flux, mais leur installation coûte cher et nécessite des travaux de rénovation importants. D’autres appareils existent. Certains peuvent néanmoins produire des substances néfastes pour la santé. “La majorité des produits existants émettent de l’ozone dans l’air et l’ozone oxyde les voies respiratoires. Le principe de la photocatalyse est de ce fait plus sûr pour la santé. Il est utilisé pour filtrer l’eau. On peut l’utiliser pour l’air”, explique Kurt Huseyin, qui a lancé sa propre marque. Ces produits sont à la fois accessibles aux entreprises et aux écoles, mais aussi aux particuliers. Une machine coûte moins de 2.000 euros et couvre 100 mètres cubes d’air à purifier.