
Qu'est-ce que le Conseil d'État, le nouveau super-héros de la culture?

Le Conseil d’État, un contre-pouvoir
C’est le 9 octobre 1948 que le Conseil d’État voit officiellement le jour. Cette juridiction porte deux casquettes: celle de conseiller juridique (auprès des gouvernements et des parlements) et celle de juge administratif. « Il est, dans les deux missions, garant du respect du droit pour tout un chacun, notamment pour les citoyens, les entreprises, les associations, les pouvoirs publics. Il est garant de la légalité », explique David Renders, professeur de droit administratif à l’UCLouvain et avocat. En tant que juge administratif, sa mission principale est de suspendre et d’annuler des actes administratifs contraires aux règles de droit en vigueur.
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Mais alors qui se cache derrière cette institution? Le premier corps, l’Auditorat, est composé de 80 auditeurs. « L’auditeur instruit et examine les dossiers, recueille l’ensemble des informations nécessaires et prépare un rapport. Ce rapport étant le point de vue de l’auditeur en charge du dossier sur ce qu’il faut décider », détaille David Renders. Le Conseil constitue le second corps de magistrats avec 44 membres nommés à vie, dont un premier président, un président, 14 présidents de chambre et 28 conseillers d'État. « Les conseilleurs sont ceux qui, après avoir examiné ce rapport et procédé aux vérifications qu’ils estiment nécessaires, vont décider. Décider, en législation, c’est rendre des avis, c’est-à-dire des opinions, aux gouvernements et parlements. En justice, décider, c’est rendre un arrêt. »
Une décision extrêmement rapide
Et c’est justement un arrêt que le Conseil d’État a rendu hier en faveur de la culture. Une décision prise à une vitesse phénoménale.
Dès lors, un point chronologique s’impose. Le 22 décembre, le Comité de concertation annonce, à la surprise générale, la fermeture des cinémas, théâtres et salles de concert. Le lendemain, l’article 4 de l’arrêté royal inscrit cette décision dans le marbre sous ces termes: « les espaces intérieurs des établissements ou des parties des établissements relevant des secteurs culturel, festif, récréatif ou évènementiel sont fermés au public ». Le 25 décembre, le producteur Mathieu Pinte introduit une requête pour demander la suspension, selon la procédure d’extrême urgence, de l’exécution de cet article. L’affaire est fixée au 28 décembre à 9 heures. En fin d’après-midi, le Conseil d'État donne raison à Mathieu Pinte et suspend les mesures sanitaires dans le secteur culturel.
La procédure d’extrême urgence permet de boucler des affaires en un temps record. En quelques heures parfois. Dans ce cas-ci, trois jours ont suffi. « Pourquoi cette procédure a-t-elle pu être mobilisée? Parce que Monsieur Pinte était dans l’organisation d’un spectacle qui devait se produire le 28 décembre pour la première fois et donc il lui fallait une réponse avant la soirée », rappelle David Renders.
Après la victoire, un Comité de concertation
« Il ressort que l’acte attaqué ne démontre pas en quoi les salles de spectacle relevant du secteur culturel seraient des lieux particulièrement dangereux pour la santé et la vie des personnes en tant qu’ils favoriseraient la propagation du coronavirus, au point qu’il soit nécessaire d’en ordonner la fermeture », rapporte le Conseil d’État dans son arrêt du 28 décembre.
Cependant, la décision de suspendre la fermeture des théâtres est provisoire. « Le Conseil d’État ne peut que provisoirement neutraliser les effets de l’arrêté royal. Rien de plus. Il ne peut pas le supprimer directement. Pour cela, il faut une procédure plus longue », explique David Renders.
Mais l'arrêt du Conseil d'État a mis le gouvernement sous pression. Au point qu'un Comité de concertation de dernière minute se tiendra aujourd’hui et pourrait définitivement annuler les mesures concernant la culture. Au programme: un rétropédalage pour rouvrir les théâtres, les cinémas et les salles de concert, avec une capacité maximale de 200 spectateurs.
Il faut souligner que le Conseil d’État a permis la réouverture des théâtres uniquement. Deux autres actions judiciaires sont en cours pour la réouverture de l’ensemble du secteur culturel. Des actions qui seront peut-être désuètes après le Comité de concertation. Il n’est pas impossible que l’arrêté royal soit modifié avant même que l’affaire soit plaidée. Réponse dans la journée.