
L'AfricaMuseum condamné pour la légende d'une statue du Congo

Le tribunal de première instance francophone de Bruxelles a condamné vendredi l'État belge à retirer un texte litigieux relatif aux para-commandos belges qui était inscrit sous une statue du Musée royal de l'Afrique centrale, sous peine d'une astreinte de 5.000 euros par jour de retard, après le délai de 15 jours suivant la signification du jugement, ont annoncé vendredi Mes Aymeric de Lamotte et Didier Bracke, avocats des associations de para-commandos à la cause.
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Au cœur de la polémique: la rébellion Simba
Au sein de l'AfricaMuseum de Tervuren, l'image d'un militaire armé est superposée à la sculpture «La Belgique apportant la sécurité au Congo» d'Arsène Matton, représentant la Belgique protégeant dans les plis de son drapeau un homme et un enfant endormi. La légende contestée reprenait le texte suivant: «Un para-commando belge à Stanleyville en 1964, lors de l'écrasement des rebelles Simba. L'indépendance formelle du Congo en 1960 est loin d'avoir sonné le glas des interventions étrangères».
Les associations avaient défendu dans une lettre ouverte que les opérations américano-belges «Dragon rouge» et «Dragon noir» qui ont permis de libérer des centaines d'otages aux mains de rebelles dans une large zone de l'ex-Congo belge, dont Stanleyville (aujourd'hui Kisangani) et Paulis (désormais Isiro), s'étaient faites en plein accord entre les gouvernements belge et congolais: «Il s'agissait d'une opération humanitaire visant à sauver les otages aux mains des rebelles et dépourvue de tout objectif militaire».
Une légende trompeuse selon la justice
Le tribunal les a rejoints en considérant qu'associer directement le régiment para-commando à «l'écrasement» de la rébellion Simba «porte atteinte de manière disproportionnée à l'image et à la réputation» des para-commandos. Or, il a été rappelé, en faisant référence à la Cour européenne des droits de l'homme, que le droit à la protection de la réputation professionnelle relève du droit à la vie privée, qui est protégé par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. Le tribunal a relevé que le texte laisse à penser aux visiteurs profanes que la présence des para-commandos avaient pour seul objectif la répression de la rébellion Simba, et que rien ne permet de comprendre qu'elle était motivée par une raison humanitaire.
Il a en conséquence estimé qu'un «tel commentaire ne participe pas à une analyse postcoloniale critique et sérieuse. L'importance du travail de mémoire et de vérité sur la question coloniale ne permet pas que des comportements répréhensibles soient imputés, sans être établis, à un corps de l'armée belge en particulier».
La citation à comparaître avait été signifiée début janvier 2021, soit il y a plus d'un an, aux cabinets du ministre du Travail et de l'Economie, Pierre-Yves Dermagne (PS), compétent pour la Politique scientifique, ainsi que du secrétaire d'Etat Thomas Dermine (PS), qui a la Politique scientifique dans ses attributions. Des échanges avaient eu cours au préalable en 2020 entre les associations de para-commandos et l'établissement scientifique fédéral.