Nucléaire: Sortira ? Sortira pas ? Retour sur 20 ans de saga

Le gouvernement fédéral se réunit ce vendredi au sujet de la sortie du nucléaire. Jusqu’à la fin 2021, le scénario de la sortie semblait acquis. Mais la prolongation de deux réacteurs après 2025 paraît désormais l’option la plus probable.

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La centrale de Tihange, en janvier 2022 @BELGAIMAGE

Depuis 1999 et l’arrivée des Verts au gouvernement Fédéral, c’est un feuilleton qui revient régulièrement égayer (ou polluer, vous choisissez) la politique belge. C’est ce vendredi 18 mars que se réunit la Vivaldi, pour décider si oui ou non, tous les réacteurs belges s’arrêteront de tourner en 2025.

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Selon une note qui a fuité dans la presse mercredi, la prolongation de Doel 4 et/ou Tihange 3 jusqu’au 31 décembre 2035, couplée à un plan de 8 milliards d’euros pour booster la transition énergétique, serait désormais la piste privilégiée par le gouvernement fédéral. À l’heure d’une échéance présentée comme définitive (la dernière d’une longue série), petit récap des épisodes précédents.

2003, la loi de sortie « progressive »

Olivier Deleuze (Ecolo), alors secrétaire d’Etat à l’Energie, apporte aux Verts, entrés dans le gouvernement Verhofstadt I en 1999, un trophée de choix. Le 31 janvier 2003, la majorité vote en effet la « loi sur la sortie progressive du nucléaire a des fins de production d’électricité ». Doel 1, Doel 2 et Tihange 1 devront fermer en 2015, les 4 autres réacteurs (Doel 3 et 4, Tihange 2 et 3) pour 2022.

Mais quelques mois plus tard, des voix discordantes se font déjà entendre au sein de la majorité. Comme celle de Karel De Gucht (VLD), qui prévient en 2004 : « Revenir sur la loi de sortie du nucléaire, cela ne peut être un tabou ».

2011 : Fukushima rebat les cartes

Depuis Verhofstadt II, les Verts doivent observer les débats depuis le banc de l’opposition. La loi de 2003 semble menacée : Yves Leterme, défenseur du nucléaire, devient Premier ministre en 2008 et 2009. Un consensus autour de la prolongation semble petit à petit voir le jour. Sous Van Rompuy, le gouvernement s’accorde sur la prolongation de la durée d’exploitation de Doel 1, Doel 2 et Tihange 1.

Le 11 mars 2011, à 9.000 kilomètres du 16, rue de la Loi, un tsunami balaye la centrale de Fukushima. Stupéfaction mondiale. 48 heures après, l’Allemagne décide la sortie du nucléaire. En Belgique, les partisans de l’Atome doivent faire profil bas. Le 18 décembre 2013, la loi de 2003 est amendée : Doel 1 et 2 vont bel et bien fermer, mais Tihange 1 est prolongé jusqu’en 2025.

2015 :  Petites et grandes fissures

En 2014, des microfissures sont détectées dans les cuves de Doel 3 et Tihange 2.  Pas le choix, il faut fermer ces réacteurs. Pour rappel, Doel 1 et 2 sont censés s’arrêter l’année suivante. Mais la sécurité d’approvisionnement, déjà, est au centre des préoccupations.

Comme il va falloir faire temporairement avec deux réacteurs de moins, la ministre de l’Energie, Marie-Christine Marghem, prolonge en 2015 Doel 1 et 2, jusqu’en 2025. Une fissure de plus dans la loi de 2003… Mais la ministre l’assure : on garde le cap, la fin du nucléaire est bien pour 2025.

2020, 2021 : les Verts de retour aux affaires

Suite aux élections de 2019, les Verts vont revenir au fédéral. L’accord de gouvernement de la Vivaldi, signé en septembre 2020, reconfirme" résolument la sortie du nucléaire. Le calendrier légal de sortie nucléaire sera respecté, comme prévu », dit l’accord, qui prévoit toutefois une porte de sortie pour un deuxième scénario.  Rendez-vous est donné en novembre 2021 pour un topo sur la sécurité d’approvisionnement du pays.

À cette date, "si ce monitoring montre qu’il y a un problème inattendu de sécurité d’approvisionnement, le gouvernement prendra des mesures adéquates comme l’ajustement du calendrier légal pour une capacité pouvant aller jusqu’à 2 GW". Tout pile la capacité de production des deux réacteurs les plus récents du parc belge : Tihange 3 et Doel 4, tous les deux mis en service en 1985.

Si ce n’est le MR et plus spécialement Georges-Louis Bouchez, qui ne se prive pas pour dire tout le mal qu’il pense d’une sortie du nucléaire, les autres partenaires au sein de la Vivaldi semblent alors être sur la même longueur d’onde…  Puis en fin d’année, le gouvernement décide de ne pas décider, et renvoie au 18 mars. L’accord prévoit que le plan « B » (la prolongation de Doel 4 et Tihange 3) sera alors définitivement abandonné que si la sécurité d’approvisionnement est garantie.

2022 : l’Atome au lieu du gaz russe

Pour pallier la sortie du nucléaire, deux projets de nouvelles centrales au gaz (aux Awirs et à Vilvorde) ont été sélectionnés à l’issue des enchères du mécanisme de rémunération de la capacité (CRM), fin 2021. Problème : la ministre flamande de l’environnement, Zuhal Demir (N-VA), refuse d’accorder le permis nécessaire pour la centrale de Vilvorde. À la base du projet, Engie, redépose une demande, mais ne décroche pas le précieux sésame avant la date butoir – le 15 mars.

Autre écueil, qui risque bien d’être fatale aux détracteurs de l'Atome : l’invasion de l’Ukraine. « Avec ce qui se passe en Ukraine, la réponse qui était valable il y a trois mois l’est-elle encore ? », se demande le co-président des Verts, Jean-Marc Nollet. Pour se passer du gaz russe durant la nécessaire transition vers un mix énergétique majoritairement renouvelable, le nucléaire paraît à nouveau incontournable.

« On doit regarder avec un regard ouvert toutes les options et nous attendons la même chose des autres. On parle du futur énergétique de notre pays », a souligné la  ministre de l’Energie, Tinne Van der Straeten (Groen). Mais attention, celle-ci prévient : les Verts n’entendent pas aller au-delà de deux réacteurs. « C’est ce qu’on a décidé dès le début, les cinq autres, c’est hors de question ». Suite au prochain épisode...

 

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