Piqûres en boîtes de nuit: le nouveau «mode opératoire» qui inquiète

Quelques mois après le lancement du mouvement #balancetonbar, un nouveau mode opératoire visant à droguer à leur insu des personnes en boîte de nuit a vu le jour en Europe.

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Des «nausées» , des «vertiges»  ou une vive douleur: des dizaines de jeunes en France racontent avoir été piqués en boîte de nuit ou dans des festivals, créant un climat de «psychose» , même si les autorités ont encore du mal à déterminer les contours et l'ampleur du phénomène.

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Ce nouveau «mode opératoire» visant à droguer des personnes semble avoir vu le jour en Europe il y a quelques mois. L’agresseur drogue sa victime à l’aide d’une aiguille hypodermique qui ne se ressent pas sur la peau. Selon la DH, un premier cas a été enregistré en Belgique, dans une célèbre boîte de nuit en région bruxelloise.

Le quotidien a relayé le message d’un père d’une victime, publié sur les réseaux sociaux : «Je me dois, en tant que père responsable, d’alerter j’espère un maximum de mes amis, d’un nouveau danger qui menace nos jeunes ou même les plus vieux qui auraient encore l’envie de s’amuser en toute tranquillité en sortant en boîte de nuit". «En effet, mon fils et un de ses amis ont été victimes d’un nouveau type d’agression odieuse qui consiste à leur planter une seringue, probablement pour les droguer, comme on a entendu les versions avec les pilules dans les verres récemment».

Selon la DH, tant la police fédérale que les zones locales n’ont pas eu vent de ce phénomène chez nous.  Mais du côté de l’UFIA (Union féministe inclusive autogérée), ce mode opératoire est connu. Les éventuelles victimes sont amenées à le faire savoir.

Trois hommes arrêtés en Grande-Bretagne

Ailleurs en Europe, les témoignages se multiplient. Depuis septembre, la police britannique a ainsi reçu 24 rapports concernant ce nouveau mode opératoire. Trois hommes, âgés de 18, 19 et 35 ans, ont même été arrêtés. En France, on recense 60 cas.

Depuis début avril, une soixantaine de faits ont été enregistrés en France dans des établissements de nuit, selon une source policière. De son côté, la gendarmerie n'a pas souhaité communiquer de chiffres nationaux, expliquant que le phénomène n'était pas encore suffisamment étayé.

Plusieurs régions sont concernées. On dénombre quinze enquêtes à Rennes et en Loire-Atlantique (ouest), d'autres dans l'Hérault (sud), l'Isère, en Haute-Garonne, en Dordogne (sud-ouest). En rentrant d'une soirée dans un bar dansant de l'Ile de Nantes, mi-avril, Eloïse Cornut, 21 ans, a ressenti «sueurs froides, nausées, frissons et vertiges» .

La jeune esthéticienne se sent mieux le lendemain mais le mercredi suivant, une de ses collègues lui fait remarquer une trace de piqûre à l'arrière de son bras. «Un point rouge entouré d'un bleu d'un centimètre de diamètre» , décrit-elle. Eloïse, qui ne consomme ni alcool ni drogue, explique ne sortir que «de temps en temps le week-end, jamais en semaine»  et relie «aussitôt»  cette piqûre à sa soirée du samedi. «Mes collègues m'ont tout de suite dit d'aller à l'hôpital. On m'a fait une prise de sang et conseillé d'aller porter plainte» . Ce qu'elle a fait le lendemain. «Je dois attendre encore cinq semaines avant de faire un dépistage VIH. Et ça me stresse beaucoup» , confie-t-elle.

Difficile de prouver la présence du GHB

A Nantes, 45 faits ont été portés à la connaissance des forces de l'ordre depuis la mi-février, selon le parquet. «Aucun dépistage n'a mis en évidence la présence de GHB ou autres substances toxiques» , a indiqué le procureur Renaud Gaudeul, précisant qu'aucun suspect n'avait été interpellé. Il est parfois difficile de prouver la présence d'une substance: le GHB est indécelable dans le sang quelques heures seulement après son absorption.

Ailleurs en France, des «choses diffèrent»  dans le «mode opératoire»  de ces agressions, précise une source policière, expliquant que certaines pouvaient par exemple s'accompagner d'agressions sexuelles alors que d'autres non.  Les enquêteurs sont également en attente du résultat des analyses toxicologiques pour voir si la substance administrée est la même.

«C'était très douloureux» , selon Noémie, 23 ans, touchée «à la cuisse, jusqu'au nerf sciatique»  mi-avril après une soirée en boîte à Béziers, dans le sud. La jeune femme, qui préfère ne pas donner son nom pour raisons professionnelles, affirme avoir été emmenée aux urgences par des amies après avoir fait un malaise, «les yeux révulsés» .

Se faire dépister directement en cas de doute

Au total, 13 plaintes ont été déposées à Béziers, dont 12 pour la soirée du 17 au 18 avril 2022, a indiqué le procureur Raphaël Balland. Sollicité par l'AFP, le parquet de Paris a indiqué qu'après des plaintes, six enquêtes ont été ouvertes depuis la semaine dernière dans la capitale du chef d'administration de substance nuisible.

Fred Bladou, chargé de mission pour l'association Aides qui lutte contre le VIH, considère qu'il y a une sorte d'«emballement»  autour de ces cas, mais il rappelle qu'en cas d'injection, «il faut aller tout de suite se faire dépister aux urgences hospitalières» .

Le président de la branche nuit du principal syndicat de l'hôtellerie restauration, Thierry Fontaine, dénonce un "jeu malsain et pervers" de mystérieux agresseurs, qui créent une «psychose» chez les jeunes. Il craint un impact sur les établissements, qui ont déjà souffert de la pandémie.

 

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