

Le cordon sanitaire et la charte de la démocratie qui en découle trouvent leur origine dans le dimanche noir du 24 novembre 1991, où les partis d’extrême droite flamande et dans une moindre mesure, francophones, réalisent une percée historique, lors des élections législatives et provinciales. En 1992, les partis démocratiques de l’époque (Agalev, CVP, PVV, SP, VU) concluent un accord politique pour exclure l’extrême droite de toute coalition politique, à tous les échelons de pouvoir. Ce cordon sanitaire empêche aussi ces partis de faire passer des textes de loi grâce à l’appui d’élus d’extrême droite.
C’est le 8 mai 1993 que les partis politiques démocratiques francophones- à l’époque, Ecolo, le FDF, le PRL, le PS et le PSC- signent un accord établissant un cordon sanitaire au sud du pays, à l’image de ce qui s’est fait au nord. Ce texte, appelé «charte de la démocratie» établit un code de bonne conduite des mandataires et encadre leurs (non)rapports avec l’extrême-droite. La date n’est pas choisie au hasard, puisqu’elle rappelle la date anniversaire de la capitulation de l’Allemagne nazie et la fin de la Deuxième Guerre mondiale en Europe.
Du côté francophone uniquement, ce cordon sanitaire politique se double d’un cordon sanitaire médiatique. Le but ? Empêcher que les partis ou représentants d’extrême droite disposent d’un temps de parole libre en direct à la radio ou à la télévision, ce qui les exclut par exemple d’office des émissions de plateau ou de débat en direct.
La presse est libre d’informer sur ces partis, de les citer ou de les interviewer, moyennant une mise en perspective obligatoire de leurs propos et de leurs programmes.
Signée en 1993, la charte de la démocratie a été réactualisée en 1998, puis en 2002. Si elle trace de strictes barrières sur le plan politique, elle n’est toutefois pas juridiquement contraignante.
En allant débattre la semaine dernière avec Tom Van Grieken, le président du Vlaams Belang, Georges-Louis Bouchez a donc franchi une ligne rouge politiquement. C’est ce qu’ont estimé ses partenaires au Fédéral, Ecolo et PS, ainsi que dans l’opposition, Les Engagés (ex-CdH) ou le PTB. Sommé de réagir, le MR a reconnu dans un communiqué que la rencontre Bouchez-Van Grieken avait «suscité un étonnement et des interrogations légitimes».
Dans la foulée, une réunion rassemblant PS, Ecolo et Les Engagés était prévue ce vendredi afin de redonner un petit coup de neuf à la Charte de la démocratie. Convié, le MR a indiqué y participer également. Selon Le Soir, qui a déjà pu jeter un coup d’œil au projet d’actualisation de la charte, le dispositif serait plus restrictif que celui de 2002. Interrogé par La Libre, le politologue Pascal Delwit ne voyait toutefois pas très bien «ce que les partis démocratiques pourraient modifier profondément dans le texte existant».
Dans la mouture qu’a pu consulter Le Soir, la charte réaffirme notamment l’importance du refus «de participer à tout débat audiovisuel ou organisé par des sites internet, des influenceurs ou par des comptes sur les réseaux sociaux auquel un mandataire, un candidat ou un militant issu de formations ou partis [d’extrême-droite]». Le texte dépoussière ainsi la charte de 2002 et s’adapte à la «nouvelle donne» des réseaux sociaux.
Georges-Louis Bouchez s’est notamment appuyé sur le débat du second tour des présidentielles françaises, très suivi en Belgique, pour justifier sa décision de débattre avec l’extrême-droite flamande. Pour Benjamin Biard (du Crisp), un point qui pourrait peut-être être ajouté au texte de 2002 «concerne le traitement médiatique de l'extrême droite à l'étranger. Prenons l'exemple du deuxième tour de l'élection en France et le fait que les discours de Le Pen et de Zemmour ont été retransmis à la télévision belge», pointait le politologue dans La Libre.
Le président du MR s’est prononcé pour élargir le cordon sanitaire à l’égard du PTB. Reste à voir sur quelle base. Dans La Libre, Pascal Delwit ne voyait en tout cas pas "sur quoi pourrait s'appuyer la mise en place d'un cordon sanitaire à l'égard du PTB". «Ni dans leurs programmes électoraux ni dans les textes de leurs trois derniers congrès je ne vois quoi que ce soit qui mette en cause l'état de droit».