La Belgique, l'Etat fédéral le plus singulier au monde

Sur les quelque 200 États que compte le monde, 29 d’entre eux sont fédéraux. Mais nul autre n’est aussi singulier que celui de la Belgique.

Philippe, roi des Belges
Le roi Philippe de Belgique, le 7 juillet 2015 à Seraing. © BelgaImage

Nous ne ressemblons ni à l’Allemagne, ni à la Suisse, ni aux Etats-Unis. C’est le résultat auquel quatre chercheurs du Crisp (centre de recherche et d’information socio-politique) sont arrivés au bout d’une étude de 266 pages. Notre fédéralisme va beaucoup plus loin que les autres pays, notamment en ayant régionalisé le commerce, mais moins loin que d’autres dans les domaines de la justice, la sécurité sociale ou la police. Chaque État des USA a ainsi sa propre justice. «La Belgique est un rare cas d’État unitaire devenu progressivement un projet fédéral, souligne Cédric Istasse du Crisp. Le fédéralisme belge est évolutif et instable alors que dans les autres États il a été décidé au départ et est généralement coulé dans le marbre.»

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Fédéralisme, un gros mot au départ

Plus étonnant encore, le fédéralisme était encore un gros mot dans les rangs politiques dans les années 70 où on préférait parler de séparation administrative. Au fil des réformes successives et frénétiques particulièrement entre 1970 et 1993, il a fallu admettre qu’il s’agissait bel et bien de fédéralisme mais qui s’était imposé sans aucune vision alors qu’un Jefferson aux Etats-Unis a vraiment réfléchi l’équilibre entre l’autonomie et la mise en commun. «La Belgique n’a pas été chercher des modèles à l’étranger. Elle se voulait unique. Et c’est ce qu’elle est devenue», explique Vincent Lefebvre.

Au rayon des particularités belges, il faut souligner qu’il s’agit d’un fédéralisme de dissociation né de conflits linguistiques. Le fait que nous ayons trois types d’entités qui se superposent est ainsi unique au monde. La Russie, par exemple, a trois types d’entités mais chacune correspond à un territoire. En plus, notre fédéralisme est asymétrique contrairement à celui des Etats-Unis où chaque région exerce toutes les compétences. Cerise sur le gâteau belge, il n’y a pas de primauté d’une entité sur l’autre pour gérer une compétence, ce qui n’est pas rudement efficace lors qu’il s’agit de trancher par exemple des problèmes de mobilité sur le ring ou de survols d’avions.

Pas de partis nationaux chez nous

Et ce n’est pas tout. La Belgique est une particratie, avec un gros pouvoir d’intervention des partis, mais c’est la seule fédération à ne pas avoir de partis nationaux (sauf l’exception du PTB) contrairement au Canada, par exemple. Et puis, tous les états fédéraux sont multipolaires mais la Belgique se vit comme bipolaire avec un bloc francophone désargenté face à un bloc flamand prospère. Le modèle belge est spécialement complexe de par la situation de Bruxelles qui est un nœud gordien que les chercheurs n’ont repéré nulle part ailleurs au monde.

Mais, fait amusant, deux États indiens ont comme la Flandre leur capitale hors de leur territoire. Le fait que nous soyons aussi une monarchie n’est cependant pas unique au monde. La Malaisie et les Emirats arabes Unis sont des états fédéraux et des monarchies aussi, dans une version non-démocratique cependant. C’est plutôt l’accumulation de particularités qui fait cette singularité totale de la Belgique.

Fédéralisme immature

Au moment où se profile la probable septième réforme de l’Etat en 2024, il est sans doute bon de se souvenir que cette complexité folle propre à la Belgique est sans doute le prix d’une paix civile jusqu’ici préservée. Et puis, «notre fédéralisme est très poussé à certains égards mais immature sur d’autres plans. Par exemple, le fait d’avoir toutes les élections au même moment ne permet pas aux électeurs de dissocier les enjeux», souligne encore Caroline Sägesser, du Crisp.

Pour aller plus loin: La Belgique, un Etat fédéral singulier, Jean Faniel, Cédric Istasse, Vincent Lefebvre, Caroline Sägesser. Le courrier hebdomadaire du Crisp, numéro 2500.

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