
Richesses: comment (enfin) lutter contre les inégalités

Faites-vous appel à un quelconque service à domicile (ménage, garde enfant, livraisons, travaux, etc.)? Si oui, vous pourriez bien déjà faire partie des “riches”. En France, le récent Observatoire des inégalités dresse, sur base d’une enquête du ministère du Travail, ce constat: plus on est riche, plus on fait appel à ce type de prestataires. Ainsi, un ménage sur trois parmi les 10 % les plus favorisés utilise des services à domicile, contre seulement 6 % de ceux qui appartiennent aux 10 % les plus modestes. Or les prestataires appartiennent justement au 10 % des travailleurs les plus modestes. Bien qu’elle s’illustre à travers la hauteur des salaires ou du patrimoine, cela démontre que la richesse n’est pas seulement financière. Les plus riches peuvent s’acheter du temps de qualité en déléguant certaines tâches notamment liées à l’entretien. De manière générale, les conditions de travail seraient, poursuit l’Observatoire, par ailleurs moins favorables aux uns qu’aux autres. Un exemple vaut mieux qu’une longue explication: trois cadres sur quatre ne font l’objet d’aucun contrôle de leurs horaires, contrairement à trois ouvriers sur cinq.
La lecture de votre article continue ci-dessous
De la même manière, les premiers déclarent pouvoir prendre leurs pauses plus ou moins quand ils le souhaitent, et elles peuvent se prolonger, contrairement aux seconds. Les conditions de travail représenteraient donc également des indices de richesse. “C’est surtout la preuve que les inégalités sociales et économiques restent très importantes”, commence Julien Desiderio, spécialiste des inégalités sociales chez Oxfam. Il avance des chiffres: le 1 % des Belges les plus riches possèdent 15 % des richesses. C’est plus que la fortune cumulée des 50 % les moins riches. Pour Bernard Keppenne, économiste à CBC Banques et Assurances, c’est un des problèmes de la société belge.

© Kanar
“Être riche seul n’apporte rien. Une société riche ne peut être qu’une société égalitaire. La richesse ne peut fonctionner que si elle est partagée et échangée. L’inégalité est source de frustration et de mauvaise performance économique. En effet, plus les inégalités augmentent, plus on risque des tensions sociales, plus cela aura un impact négatif sur l’économie.” Julien Desiderio enchaîne: “On a aujourd’hui toutes les clés en main pour réduire les inégalités sociales. C’est par conséquent surtout un manque de volonté politique. Or on sait que la meilleure réponse aux crises, c’est l’investissement public. La réduction des inégalités passe par la redistribution des richesses. On peut le faire assez rapidement et facilement.” Selon lui, la lutte passe autant par une amélioration des conditions de travailleurs précaires que par une meilleure distribution des revenus.
Une fiscalité enfin équitable?
Il énonce trois pistes de solution. Un: un impôt sur la fortune, comme c’était le cas au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Deux: un impôt sur les bénéfices exceptionnels des entreprises afin d’éviter que certaines entreprises puissent profiter des crises, comme c’est actuellement le cas dans le secteur de l’énergie. Trois: un impôt des sociétés plus juste afin d’éviter les paradis fiscaux et le fait que certaines multinationales paient drastiquement moins d’impôts que des petites PME.
Bernard Keppenne a tout de même une position un peu moins radicale. Globalement, soutient-il, la Belgique jouit déjà d’une certaine richesse collective. “Il suffit simplement de considérer notre système de santé pour s’en rendre compte, malgré les difficultés mises en lumière avec la crise Covid. Il est extrêmement performant. La majorité de la population peut en profiter. C’est une richesse collective. Cela est vrai pour la Sécurité sociale dans son ensemble. Les inégalités ne sont pas nécessaires. Chacun doit bénéficier de l’avancée des performances des autres. Il n’en demeure pas moins vrai que le risque, notamment en investissements, doit être récompensé. Il peut donc exister des différences entre deux individus, mais je n’appelle pas cela des inégalités.”