
Dons de sperme: comment expliquer la pénurie en Belgique?

En cas d’infertilité masculine, certains traitements existent, comme la fécondation in vitro, l’insémination artificielle avec conjoint, des traitements hormonaux… Pour d’autres couples, ainsi que pour de nombreux couples lesbiens ou pour des femmes célibataires, il y a également la solution de faire appel au sperme d’un donneur. Reste à en trouver un…
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La Belgique fait en effet face de longue date à une pénurie en la matière. Selon les derniers chiffres tirés du rapport du Belrap (Belgian Register for Assisted Procreation), 9 140 injections de sperme issu de donneurs avaient eu lieu en 2019. Jusqu’alors, les centres de fertilité belges s’appuyaient pour 60 à 95% de leur stock sur les banques de sperme des pays scandinaves, faute de donneurs belges. Mais en raison de la crise sanitaire ainsi que de législations de plus en plus contraignantes, l’offre étrangère est en diminution.
Pas la demande : dans les centres de PMA, les listes d’attente s’allongent, les prix grimpent. En 2021, la paille de sperme s’élevait à 300 euros dans les centres belges. Cette année, un couple désireux de faire appel au don de sperme doit débourser 700 euros pour une paille (non remboursée par la sécu), avec un taux de réussite avoisinant les10%, selon Le Soir.
Tabous
«La culture du don est peu développée dans notre pays», se désolait dans Le Soir Candice Autin, cheffe de clinique au CHU St Pierre. «Il y a une forme de tabou, liée à la masturbation, à une connotation sexuelle, qui dérange. Qui dans votre entourage vous a déjà dit qu’il était donneur de sperme ? Donner son sang, on en parle. Donner son sperme, non ! L’homoparentalité et la monoparentalité ne posent pas de problème dans l’opinion publique, mais personne ne s’interroge sur l’origine de ce sperme». Chez nous, les centres de PMA ont l’interdiction de faire de la publicité, ou d’encourager au don.
À cette absence de culture du don (imputable au puritanisme?), s’ajoutent d’autres facteurs expliquant la pénurie en Belgique. Jusque fin 2021, la loi française interdisait aux homosexuelles et aux femmes célibataires de bénéficier d’un don de sperme. Et même en 2022, de nombreuses Françaises viennent un peu plus augmenter la demande en Belgique, vu les délais d’attente plus importants outre-quiévrain.
Dons anonymes
Contrairement à d’autres pays, il n’existe par ailleurs pas vraiment d’incitant financier au don du sperme en Belgique, qui est seulement dédommagé de 50 à 75 euros (et jusqu’à 100 euros au Montlégia) pour couvrir les frais du donneur. De nombreux candidats sont aussi recalés. Au sein du CHC MontLégia, «on en garde peut-être trois sur dix», précisait à l’Avenir Dominique Raick, médecin biologiste responsable du laboratoire PMA.
La procédure reste lourde : les donneurs doivent avoir entre 18 et 45 ans, subissent un examen médical approfondi, le sperme est maintenu six mois en quarantaine avant utilisation, dans l’attente d’une confirmation des tests sérologiques négatifs.... En Belgique, les dons d’un même donneur ne peuvent conduire à la naissance d’enfants chez plus de six femmes différentes, et sont, sauf dans le cas d’une procédure dite de "don connu dirigé", toujours anonymes.
Vers la levée de l'anonymat?
Au Danemark, l’enfant peut à ses dix-huit ans demander à entrer en contact avec le donneur, si ce dernier y a consenti. Selon certains experts, le fait que cela ne soit pas possible en Belgique complique encore la situation.
«L’enfant a un droit fondamental de connaître son histoire et d’où il vient, pointait dans Le Soir Géraldine Mathieu, chargée de cours à l’UNamur et spécialiste du droit de l’enfant. On crée une discrimination entre les enfants nés de manière naturelle et de PMA. La plupart des médecins y sont opposés par crainte de voir encore une diminution de donneurs». Ce qui n’est pas le cas de Géraldine Mathieu, qui évoquait l’exemple du Royaume-Uni, où la levée de l’anonymat a été accompagnée de campagne de sensibilisation.
Sur le long terme, les dons de sperme outre-Manche ont fini par remonter ajoutait l'expert, «et les profils de donneurs ont changé, laissant la place à des hommes plus âgés, qui avaient déjà des enfants, mus par un souci altruiste. Si on lève l’anonymat, il faut évidemment des campagnes et le verrouillage de la filiation juridique. Il faut en réalité informer, ce qui fait cruellement défaut aujourd’hui en Belgique», concluait-elle.