
L'avenir de NewB est incertain : l'histoire d'une désillusion

L'échéance se rapproche. Le 30 septembre, la petite équipe de NewB devra prouver à la Banque nationale de Belgique (BNB) qu’elle a réussi à trouver 40 millions pour renflouer son portefeuille. Faute de quoi, l’arrivée de l’automne pourrait bien signer la chute de la banque coopérative. Dans les locaux du 75 rue Botanique à Bruxelles, le compte à rebours est enclenché. Si une recapitalisation de l’entreprise n’est pas illogique à ce stade de son existence, sa croissance en berne, elle, pose question. Ce qu’il manque surtout à la jeune banque, ce sont les clients. “On est partis du principe que si 117.000 personnes avaient investi de l’argent pour soutenir le projet, elles allaient naturellement devenir clientes de la banque. Cette conversion est beaucoup plus lente que prévu”, reconnaît le CEO de NewB, Thierry Smets. Trois ans après avoir convaincu 1 % de la population belge de devenir des coopérateurs, l’établissement qui se veut éthique et durable compte à ce jour à peine 20.000 clients. Loin des 50.000 annoncés pour fin… 2021. Le début d’une désillusion.
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Professeur à la Louvain School of Management, Mikael Petitjean a bien quelques pistes pouvant expliquer ce grand écart. Selon lui, les produits NewB souffrent d’un manque d’innovation et d’un marketing faiblard. “Le projet a été lancé avec une extraordinaire dynamique mais il n’était pas encore bien installé: au moment d’ouvrir officiellement la banque en 2020, il n’y avait même pas de carte de paiement. Un an et demi plus tard, le service est encore extrêmement maigre.” L’application bancaire ne permet pas le paiement par QR code devenu pourtant ultra-populaire, le compte épargne affiche un taux d’intérêt de 0 % et les produits proposés sont peu nombreux. Certes, l’offre doit être développée, répond Marek Hudon de la Solvay Brussels School of Economics, mais selon lui, le côté novateur de NewB réside surtout dans son mode de gouvernance. “Il ne faut pas négliger son aspect coopératif, par rapport à une banque traditionnelle. Lorsqu’on combine des finalités financières avec des finalités à impact sociétal, ça prend du temps. C’est sans doute ce qui explique, en partie, la situation de NewB aujourd’hui.”
Affronter la concurrence
“L’enthousiasme, ça ne suffit pas, répète Mikael Petitjean. Pour n’importe quelle banque il faut, à un moment donné, atteindre le seuil de rentabilité. La clé c’est d’augmenter sa part de marché. Une banque éthique et durable doit pouvoir affronter la concurrence, on ne vit pas dans un monde de Bisounours et ça, je pense que le CEO de NewB en est totalement conscient.” Comment attirer de nouveaux clients? “Une banque qui a deux ans ne peut pas proposer tous les services d’une grande banque, c’est un fait, avance Thierry Smets. Nous faisons la différence en proposant notamment un fonds d’investissement socialement responsable. Moins de 5 % des fonds en Europe sont proposés sous ces critères très stricts.” Désormais équipée d’une vraie stratégie marketing, la banque compte bien gagner des clients, en ciblant notamment les membres des 352 associations coopératrices de NewB. Nouvel objectif: 100.000 à 115.000 clients d’ici 2025-2026. “On devrait les trouver.”

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En attendant, NewB doit déjà survivre financièrement. Cette fois, la banque ne compte ni sur les citoyens, ni sur la société civile mais sur des investisseurs institutionnels. Comprenez des organismes, privés ou publics, qui ont des montants importants à investir. Mikael Petitjean se demande “qui va se bousculer au portillon”. Déçus par la santé financière de la coopérative et la trajectoire tremblante de sa courbe de croissance, les investisseurs privés risquent d’être difficiles à convaincre.
Pas de faillite en vue
Pas sûr, pour autant, que ce soit la fin des haricots pour NewB. “On est assez confiants sur le fait qu’on va pouvoir se présenter à la BNB avec une bonne nouvelle”, sourit Thierry Smets, sans en dire plus. Tout est possible dans ce monde, s’accordent Marek Hudon et Mikael Petitjean, qui n’ont aucune vue sur l’avancement de la levée de fonds. “C’est le réseautage politique qui va jouer”, avance le prof de la Louvain School of Management. Mais quand son collègue bruxellois trouve cohérent que l’État investisse dans cette banque à impact positif, Mikael Petitjean se montre bien plus critique. “Ce n’est pas parce qu’il y a un objectif éthique et durable que l’État doit nécessairement y investir l’argent du contribuable. Il doit penser aussi au seuil de rentabilité.” L’argent public serait trop souvent gaspillé à combler les trous d’organismes mal gérés. Pas que ce soit forcément le cas de NewB, mais l’indépendance financière est précisément “une dimension éthique et durable” vers laquelle la jeune banque devrait tendre.
“Une banque doit pouvoir faire faillite. On ne peut plus revivre le scénario de la crise de 2008, où les acteurs privés captent le profit quand tout va bien et les contribuables couvrent les pertes quand ça va mal.” Si NewB ne parvient pas à amasser les 40 millions nécessaires pour continuer à se développer, l’expérience coopérative pourrait bien s’arrêter là. Mais ce ne sera en aucun cas une faillite, insiste Thierry Smets. “Si la banque s’arrête, tous les clients seront remboursés.” Des négociations resteront néanmoins possibles dans le cas où le montant est quasiment atteint, précise Marek Hudon. “Ce qui se joue ici dépasse largement NewB. La banque est particulièrement scrutée. Si elle échoue, ça sera clairement une désillusion pour les personnes qui ont cru à ce modèle.”