Vous rêvez de ne payer ni gaz ni électricité ? C'est la vie que Rudy a choisie

Vivre sans penser à ses factures d'énergie, beaucoup en rêvent. Rudy y est parvenu en construisant sa maison autonome d'électricité extérieure.

Maison autonome
©D.R.

Depuis la rue de la Molignée, au coeur du petit village de Warnant, il faut être bien avisé pour remarquer la demeure que Rudy a construite depuis bientôt dix ans. Reculées d'une trentaine de mètres de la chaussée, tapies derrière un rideau de feuillus, quatre façades s'élèvent d'un terrain à la végétation hirsute. Sur le toit, une ribambelle de panneaux solaires alors que les murs extérieurs attendent leur dernier revêtement. «Mon rêve ultime, ce serait de la terminer. Mais même si elle devait rester comme cela, je ne m'en plaindrais pas», confie Rudy Overheyden derrière un sourire plein de malice.

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Le flegme du presque septuagénaire et sa démarche chaloupée ne tardent pas à s'expliquer. «Cette crise énergétique, je ne la sens pas trop. Je ne reçois aucune facture. Ni de gaz, ni d'électricité, ni d'eau. Mon autonomie me permet de gérer la production dont j'ai besoin.»

« On m'a pris pour un fou furieux »

Pourtant, en 2013, lorsqu'il acquière le terrain sur lequel il prévoit de bâtir, il ne fait pas de cette autonomie la pierre angulaire de son projet. «Mais lorsque Ores m'a informé que je devrais débourser 25.000 euros pour me raccorder au réseau, je me suis dit qu'il y avait mieux à faire avec cet argent.» Il décide de revoir ses plans. Sa maison sera autonome. Elle ne sera raccordée ni au réseau électrique, ni au réseau d'eau, ni à celui d'égouttage. Rudy devient le savant un peu perché du village. Le déséquilibré bordé de fantasmes collapsologiques. «On m'a pris pour un fou. Un fou furieux... Mais je remarque aujourd'hui que je n'étais pas totalement à côté de la plaque», se satisfait ce Robinson Crusoé assis sur son île perdue dans ce monde ultra connecté.

Presque entièrement autonome, la demeure de Rudy Overheyden se révèle être un modèle de gestion énergétique. L'habitation est montée sur une structure en bois de Douglas local. Les murs se composent de blocs de chanvre et de chaux. «Puis j'ai enduit toutes les parois intérieures d'argile. Cela permet de laisser s'évacuer les vapeurs et cela a également la propriété d'être thermorégulateur. L'argile capte la chaleur ou le froid pour le restituer naturellement lorsqu'il le faut.»

L'isolation suffit à conserver une température ambiante optimale. «Regardez : il fait 10° dehors. Ici il en fait 20. Et c'est comme cela toute l'année. J'ai un poêle à pellets pour les périodes les plus dures mais je ne l'allume que quelques fois par an.» Pas besoin donc de chauffage central. Un seul petit chauffage électrique prend la poussière dans un coin de la grande salle de vie. Sur la cuisinière au gaz, un réchaud électrique. «J'ai les deux options ! Regardez aujourd'hui, je produis suffisamment d'électricité que pour pouvoir cuisiner à l'électricité. Je ne vais pas inutilement consommer ma réserve de gaz. Mais on ne sait jamais ce qu'il peut arriver. J'ai donc un plan b.»

Des alternatives à tous les étages

Toute la vie de Rudy est bâtie autour d'alternatives. «J'ai 36 panneaux solaires et 24 batteries qui peuvent accumuler jusqu'à une demi Tesla pour donner un ordre d'idée. Alors si j'allume tout en même temps, c'est évident que je n'aurai de l'électricité que quelques heures tout au plus. Mais être autonome, c'est avant tout une responsabilité. Il faut pouvoir gérer sa consommation. Être autonome, c'est un rêve pour beaucoup, mais c'est avant tout une grande responsabilité. S'il y a une coupure d'électricité, je n'ai que mes yeux pour pleurer

De grandes baies vitrées permettent de conserver les luminaires éteints en journée dans toutes les pièces de vie et de faire pénétrer la chaleur des rayons solaires. Seuls les quelques semaines d'hiver les moins lumineuses nécessitent de recourir à l'allumage d'un groupe électrogène. Rudy l'assure, il ne sert qu'une heure dans à certains instants critiques «pour éviter que les congélateurs ne décongèlent.»

Transformer l'urine en eau

Aujourd'hui, ce montage à plusieurs étages lui permet de voir passer la crise énergétique à des kilomètres au-dessus de son îlot. Mais il y a dix ans, il s'agissait pourtant d'une entreprise périlleuse. «Mon installation électrique complète m'a coûté 25.000 euros. Batteries et panneaux compris. Tous les mois, je rembourse une centaine d'euros et cela comprend l'amortissement du matériel. Aujourd'hui, on peut dire que cet investissement est du bénéfice total. Je paie pour du matériel qui m'appartient. Je n'ai aucune facture d'électricité à payer. Alors je n'avais pas prévu la guerre en Ukraine, mais après les deux chocs pétroliers que nous avons connus en 73 et 79, je savais ce que l'énergie chère n'était pas une douce illusion. J'ai anticipé, pris des risques, posés des choix... J'en suis satisfait.»

Mais l'électricité n'est pas tout. Grâce à deux cuves de 10.000 litres, Rudy récupère l'eau de pluie et alimente tous ses besoins en eau grâce à cela. «J'ai une toilette sèche à séparation. Cela me permet d'économiser de l'eau. Puis pour le reste tout est branché sur l'eau de pluie. Je la filtre six fois. Je peux même la boire», dit-il en se servant un grand verre de cette substance aqueuse tombée des nuages quelques jours plus tôt. Et en cas de sécheresse ? «Je croise les doigts ! Même cet été je n'ai pas eu de problème. Mais mon système de purification d'eau est tellement efficace que je pourrais aller jusqu'à filtrer mon urine.»

Si le scénario du pire laisse l'imaginaire travailler, il n'en reste pas moins que cela laisse Rudy libre de bien des intermédiaires. Mais pour en arriver là, il a fallu réaliser d'importants investissements. D'après ses calculs, il faut compter sur un financement 50% plus important que pour une habitation traditionnelle.

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