Le PTB et son président Raoul Hedebouw lance «Fais le switch» : réaliste ou démagogique ?

Le dernier opus publié par le PTB et son président déroule un ensemble de propositions visant à quitter nos horizons de crise. Mais est-il réalisable?

Raoul Hedebouw
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En matière de communication, il faut reconnaître au PTB un talent certain. Il suffit de passer à son siège bruxellois pour s’en convaincre. Tout y est aéré, coloré, dynamique. Ici, les discours-fleuves soporifiques du 1er mai et les rayonnages de volumes poussiéreux des œuvres de Karl Marx n’ont plus cours. Affiches coups de poing. Stop à la vie chère. Aucune chance à la pauvreté. Socialisme 2.0. Régulièrement, le parti diffuse sous forme de livre ce qui fera la pierre d’angle de sa prochaine communication. Il y a eu Ils nous ont oubliés. Ils nous rendent fous. We are one, Manifeste pour l’unité de la Belgique. Le petit dernier vient de sortir. Fais le switch rassemble une demi-douzaine de contributions de dix auteurs, membres ou sympathisants, ayant trait au constat selon lequel “ça ne peut plus continuer”. Et donc que faire? La réponse est dans le titre générique. Mais qu’est-ce que le “switch”? En anglais, cela veut dire “interrupteur”. Switch on, switch off. Allumer, éteindre. Lumière, obscurité. Et par extension, passer d’un état à un autre. Le nouvel opus du 3e parti de Wallonie en intentions de vote axe sa “révolution” sur le mode de financement de l’action publique. Passer de l’argent “privé” à un financement “public”. Ce switch aurait toutes les vertus. Ou presque. Améliorer notre pouvoir d’achat, faire baisser les factures d’énergie, garantir le droit à un logement, reléguer les embouteillages et les trains en retard au rayon des mauvais souvenirs… Les cinq secteurs dans la ligne de mire du switch sont l’Énergie, la Mobilité, le Logement, le Numérique, la Santé. Ces pans de notre vie en société seraient, ainsi, gérés par le public. Mais faire le switch entraîne des coûts et non des moindres. Une banque publique serait créée et lèverait 160 milliards d’euros au cours des dix prochaines années en faisant appel à l’épargne des Belges. Sur le papier, cela paraît simple. Encore faut-il que les Belges veuillent y consacrer leurs économies. Et qu’ils en aient encore…

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La réponse de Raoul Hedebouw : «La réalité et la nécessité du moment»

«Comme durant le New Deal aux États-Unis en 1934 ou le Front populaire en 1936 en France, l’autorité publique doit mobiliser l’épargne privée et aller chercher l’argent chez les plus riches. Ce n’est pas de la démagogie, c’est la réalité et la nécessité du moment. Les banques privées jouent en Bourse avec notre argent, avec l’argent des Belges. Je rencontre beaucoup de gens qui regrettent la CGER (la banque belge fondée en 1865 et qui fut publique jusqu’en 1991) et qui sont enthousiastes à l’idée de créer une nouvelle entité de ce type. Je rappelle qu’ici, dans ce “switch”, on parle d’investissements.

Ces investissements dans le secteur de l’énergie, notamment, vont rapporter de l’argent. Dans le livre, on vient avec des exemples concrets et faisables comme au Danemark. Où les autorités ont gardé le contrôle sur la production et la distribution de l’énergie. Résultat: le développement rapide de l’énergie éolienne a permis de fermer l’essentiel des centrales au charbon tandis que la majorité des familles profitent de systèmes de chauffage collectif qui font baisser leur consommation et leur facture. Alors, certes, le personnel politique et administratif danois n’est pas le même que celui qui s’illustre particulièrement en ce moment en Wallonie. Et je comprends bien la réticence d’imaginer de nouvelles structures publiques gérées par un personnel qui régulièrement se manifeste par la tendance à faire passer son intérêt personnel avant celui de la collectivité. Mais je constate que la plupart des dysfonctionnements dans le monde politique wallon et belge sont dus au fait que les logiques privées s’introduisent dans les partis politiques.

Stéphane Moreau justifiait son salaire mirobolant en se référant à ce qu’il toucherait s’il était dans le privé. Jean-Claude Marcourt veut voyager dans les zones de confort du grand patronat qu’il côtoie au jour le jour. Il ne s’agit pas de “moutons noirs” mais d’un système de fonctionnement intégré dans les partis politiques traditionnels. Moi, je crois à un renouveau du politique par un contrôle de la base et à des entreprises publiques contrôlées par la base. C’est ce type de structuration que vise le switch.»

La réponse de Jean-Luc Crucke : «Il faut une alliance entre public et privé»

«Les leçons d’histoire montrent que les sociétés ont besoin d’une direction donnée par le secteur public. Je crois qu’en visant cinq domaines, le PTB n’est pas assez précis. De sorte que l’on risque de manquer ce qui pour moi représente l’essentiel: la lutte contre le réchauffement climatique. Même si j’entends bien que ce qui compte maintenant pour les gens, ce sont les fins de mois et les factures à payer, je crois qu’un homme politique doit prendre un peu de distance dans la façon de considérer les problèmes. Ma ligne de conduite se base sur les 17 objectifs de développement durable – les “ODD” – des Nations unies. Cette ligne permet d’agir sur des domaines que Monsieur Hedebouw n’aborde pas comme l’enseignement, l’immigration… Ce que propose le switch me semble donc trop réducteur.

Par ailleurs, je ne crois pas que le public doit être omniprésent. Pour moi, il ne faut pas un switch mais une alliance entre le public et le privé. Le public donne la direction, le privé investit sur un projet auquel adhère le citoyen. Pour moi, le switch à faire, c’est la rupture avec le modèle qui prévaut malheureusement jusque maintenant en matière de partenariat public/privé: les bénéfices pour le privé, les dettes pour le public. Il faut faire en sorte que le partenariat soit favorable pour les deux parties. Pas ce qui se passe dans la plupart des cas. On ne peut plus avoir une économie qui fonctionne comme ça! Quand on voit les surprofits, par exemple, cela ne va pas du tout. Une entreprise aujourd’hui, elle n’est pas là pour faire du surprofit. Elle doit être rentable, mais on ne peut plus éliminer ce que l’on appelle des ESG, les ambitions environnementales, sociales et de bonne gouvernance de l’équation. Raoul Hedebouw prend comme exemple le Danemark, un pays qui est loin d’être “communiste”. Je crois que la réussite de ce pays tient au respect d’axes essentiels. Sur ces valeurs-là, nous avons, moi comme quelqu’un comme Raoul Hedebouw, le même combat à mener. Ensemble, entre démocrates – moi, je ne renvoie pas dos à dos l’extrême droite et l’extrême gauche – on peut y travailler. Alors, ce ne sera pas facile, mais vous savez qu’en politique, rien n’a jamais été facile.»

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