
Immobilier : pourquoi il ne faut pas se fier aux certificats PEB, cet outil imparfait

Thomas Damiens est promoteur et expert immobilier. Il est aussi certificateur PEB (performance énergétique des bâtiments) et formateur de certificateurs depuis l’apparition effective du certificat en Belgique, en 2011. Celui-ci est une traduction dans le droit national des États membres de l’UE d’une directive européenne de 2002 édictée à la suite du protocole de Kyoto de 1997 sur les changements climatiques.
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Nous sommes en Belgique: le PEB est une matière régionalisée. À chaque Région, son certificat. Son principe s’articule sur un logiciel peu optimal qui délivre une “note” basée sur des informations techniques recueillies sur le terrain (maison, appartement…) par des certificateurs. “Donc, le critère c’était d’obtenir le certificat PEB le moins cher possible (les prix varient de 100 à 500 euros selon les surfaces des logements et les certificateurs). Mais la Région bruxelloise, au contraire de la Flandre et de la Wallonie, a ouvert la profession de certificateurs PEB à tous. On a été inondé par des gens qui n’y connaissaient strictement rien… J’ai donné cours à des personnes à qui j’ai dû expliquer - littéralement - ce qu’était une brique.” La conjonction de ces facteurs - logiciel perfectible, prix tirés vers le bas et certificateurs inexpérimentés - a résulté en une fiabilité du PEB sujette à caution pour la Flandre et la Wallonie et simplement catastrophique pour Bruxelles. En 2017, il y a eu une refonte du logiciel et du protocole de collecte des informations, et à Bruxelles, tous les certificateurs ont dû repasser une formation. “À peine 10 % de ceux-ci ont réussi l’examen. Dorénavant, être certificateur à Bruxelles est réservé aux métiers de la construction, comme en Flandre et en Wallonie.” En quelques années, on est passé de 1.470 certificateurs à Bruxelles à 193 aujourd’hui. Des dizaines de milliers de certificats PEB ont ainsi été émis par des certificateurs incompétents et sont toujours valables (leur validité est de 10 ans). Si ce problème de fiabilité semble réglé depuis 2020, le PEB ou plus exactement son usage reste toujours problématique.
De nombreux propriétaires ne peuvent indexer leurs loyers à cause de PEB délivrés par quelqu’un d’incompétent.
Un instrument inadapté
“Si le PEB était obligatoire pour la vente et la location, le certificat était en lui-même informatif. Il y a deux mois les gouvernements régionaux, dans le sillage de la crise énergétique, ont décrété que les indexations de loyer ne pouvaient être appliquées pour les habitations F et G, étaient plafonnées à 50 % pour les logements E et, en Wallonie, à 75 % pour les logements D. Du jour au lendemain, le certificat est devenu un instrument de contrainte. Or, il n’a pas été conçu pour cela. Le PEB se décompose en 7 catégories allant de A à G, qui classent un bâtiment selon le nombre de kWh consommés par an et par m2. Le A consomme le moins, le G le plus. Mais le logiciel PEB exclut de ce calcul les surfaces sous hauteur de plafond inférieure à 1,50 m en Wallonie et à 2,10 m à Bruxelles. Ce qui dans certains appartements mansardés peut exclure de nombreux m2. Particulièrement à Bruxelles.” Or, l’expert insiste sur le fait que la hauteur de plafond n’a rien à voir avec la consommation énergétique d’un bâtiment. Cette conception erronée pénalise de nombreux propriétaires.
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Des simplifications pénalisantes
Autre argument qui disqualifie le PEB comme instrument de contrainte: les simplifications du logiciel. “Elles peuvent entraîner d’énormes variations de résultat. Si vous avez une toiture manifestement neuve mais pour laquelle il n’y a pas de facture - tout le monde ne les garde pas -, elle sera considérée par défaut par le logiciel comme datant de la construction de la maison. Vous pouvez ainsi perdre 15, 20 % de performance pour cette valeur par défaut. De même pour, par exemple, les mesures de conduites de chauffage non isolées, qui sont simplifiées au sein d’échelles de valeurs. Dix centimètres peuvent vous faire passer d’une échelle à une autre avec de fortes implications sur le résultat.”
L’expert avance une troisième raison montrant que le PEB n’est pas prêt pour être un instrument contraignant. “On l’a déjà évoqué. Mais il y a des dizaines de milliers de certificats toujours valables émis par des certificateurs incompétents. Il y a, à Bruxelles en tous les cas, plus d’une chance sur deux qu’un propriétaire qui ne peut pas indexer y est contraint sur base d’un PEB délivré par quelqu’un qui ne savait pas ce qu’il faisait.”
Une même performance énergétique débouchera sur un PEB “A” en Wallonie et un PEB “B” à Bruxelles
On constate également des tas de changements, en 2017, dans les règles déterminant le type de surface décomptée par le logiciel. Encore un argument étayant l’immaturité du certificat pour un rôle astreignant. “Par exemple, tous les gens qui ont des locaux aménagés en sous-sol et qui ont eu un PEB avant 2017 devraient le repasser. Si ça se trouve, certains font des travaux chez eux pour améliorer leur PEB alors qu’il suffit de repasser le certificat qui dorénavant décompte les aménagements en sous-sol comme surface pertinente dans le calcul de la performance énergétique…”
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Le système d’émission des PEB est dorénavant au point et constitue une mine de renseignements pour celui qui veut améliorer les performances énergétiques d’un bâtiment qu’il habite ou possède. Mais en faire un outil coercitif semble beaucoup plus discutable. Et qu’il devienne un critère de choix dans l’achat ou la location est inévitable mais ne va pas sans précautions. On notera qu’une même performance énergétique débouchera sur un PEB “A” en Wallonie et un PEB “B” à Bruxelles, qu’un “D” bruxellois peut valoir un “B” wallon et que le “G” bruxellois recouvre la presque totalité des classes “E”, “F” et “G” en Wallonie. Ainsi, le loyer d’un logement qui consomme 280 kWh par m2 et par an pourra être indexé à 75 % en Wallonie parce qu’il y obtient un PEB “D” alors qu’il ne pourra pas l’être à Bruxelles parce qu’il n’y atteint qu’un PEB “F”…