De Wever peut-il vraiment proclamer l'autonomie de la Flandre «de manière extralégale»?

Bart De Wever a affiché sa volonté d'arracher l'autonomie de la Flandre qu'importe la Constitution, ce qui n'a pas manqué de faire réagir les politologues.

Bart De Wever
Le président de la N-VA Bart De Wever, le 1er octobre 2022 au parlement flamand, à Bruxelles ©BelgaImage

Ce dimanche, Bart De Wever a créé un petit séisme politique lors de son passage à l'émission «De Zevende Dag». Selon lui, il est impossible de parvenir à une nouvelle réforme de l'État, destinée à répartir des compétences fédérales entre régions. De son point de vue, l'heure est donc venue de réfléchir à la création d'une Flandre autonome non pas via un accord politique mais «de manière extralégale». Pour soutenir sa thèse, il affirme notamment que «toutes les réformes majeures ont été introduites de manière extralégale puis légalisées». Mais est-ce vraiment le cas? Peut-il déclarer unilatéralement l'autonomie de la Flandre, sans que cela ne cause tant de problèmes que cela?

Nos dernières vidéos
La lecture de votre article continue ci-dessous

Quand De Wever ne dit pas la vérité

Pour les politologues, la réponse est simple: les dires de Bart De Wever relèvent de la pure démagogie et non de la réalité politique. «C'est une déformation des faits», affirme à la VRT Patricia Popelier, professeur de droit constitutionnel à l'Université d'Anvers. Oui, il y a bel et bien eu des réformes adoptées de manière extralégale, mais cela reste une exception. Puis il y a une nuance de taille: lorsque c'était le cas, «il y avait toujours un large consensus» et «il s'agissait de sujets plus définis», note la juriste.

Ça a été par exemple le cas lors de l'adoption du suffrage universel en 1919, qui a été instaurée avant que la Constitution ne soit amendée. La raison: pour changer la Constitution, il aurait fallu organiser des élections, qui auraient forcément dû se dérouler selon le suffrage plural. Puisque c'est justement cette type de suffrage qui devait être changé, les élus ont préféré appliquer directement le suffrage universel, et ce grâce à un accord global.

À lire: Le spectre du Bye Bye Belgium a-t-il disparu?

Mais l'exemple que la N-VA cite plus volontiers, c'est celui de la communautarisation de l'enseignement, dans les années 1980. Sauf que là aussi, «il y avait un large consensus», note Patricia Popelier. Puisque la Constitution ne prévoyait pas la possibilité de diviser les compétences fédérales de la sorte, le pragmatisme a pris le dessus.

Une déclaration déjà électoraliste?

Pour le politologue Pascal Delwit, la conclusion est claire. «Pour outrepasser la Constitution avec une forme d’acceptation sociale et politique, il faudrait un large accord. Sinon, c’est un coup d’État au sens littéral. Or, il n’y a pas d’accord» pour le projet de Bart De Wever, déclare-t-il à La Libre.

À lire: «La Flandre se comporte avec la Wallonie comme avec une épouse qu'on méprise, mais qu'on ne quitte pas»

Si le chef de la N-VA se trompe sur un point aussi essentiel du droit belge, pourquoi a-t-il fait cette déclaration? Se serait-il laissé emporter par un sentiment révolutionnaire? Pour le coprésident d’Ecolo, Jean-Marc Nollet, qui dénonce une prise de position contrairement à l'État de droit, cette prise de position serait motivée par la volonté de cacher le bilan de Bart De Wever à la commune d'Anvers. Il pointe notamment le problème du trafic de drogue qui gangrène la ville. «À Anvers, on a l’impression qu’il fait des diversions, qu’il parle de plein d’autres choses, mais qu’il ne s’occupe pas de ce dossier-là», juge-t-il auprès de LN24.

Au-delà de cet aspect, la déclaration de Bart De Wever pourrait augurer le ton de la campagne électorale à venir. Si le gouvernement actuel tient jusqu'à la fin du mandat, les Belges voteront en 2024. La N-VA pourrait alors en profiter pour mobiliser à nouveau son électorat sur le thème du confédéralisme. Un sujet sur lequel milite également le Vlaams Belang, le principal concurrent de la N-VA. En prenant position dès aujourd'hui, Bart De Wever pourrait ainsi faire ancrer dans les esprits qu'il s'agit d'un point qui lui tient à cœur.

Débat
Sur le même sujet
Plus d'actualité