De Farciennes à Kahramanmaras (Turquie) : Ishak découvre l'apocalypse au coeur du séisme

Un périple de près de trois jours avant le choc. Ishak a traversé l'Europe pour secourir sa famille à Kahramanmaras, dans le sud de la Turquie .

De Farciennes à Kahramanmaras (Turquie) : Ishak découvre l'apocalypse au coeur du séisme
©Belgaimage

La nuit est tombée depuis plusieurs heures déjà sur Farciennes. Lumières éteintes, yeux fermés, Ishak Bagci dort profondément. « Mais cela n'a pas duré. Mon téléphone a commencé à sonner vers 3 heures du matin. J'ai directement compris l'ampleur de la situation. » Au bout du combiné, des membres de sa famille. « Ils vivent tous en Turquie. On a rapidement pu me rassurer sur la santé de mes proches. Lorsque l'on a raccroché, il ne restait que ma grand-mère pour laquelle personne n'avait de nouvelle. »

Nos dernières vidéos
La lecture de votre article continue ci-dessous

La description qu'on lui fait est apocalyptique. Au sud de la Turquie, la ville de Kahramanmaras vient de trembler. Comme des châteaux de cartes, les immeubles s'effondrent. Le béton à terre, les vies parties trop vite... La ville de plus d'1,5 million d'habitants n'est plus qu'un sucre dans le fond d'une tasse de café. Ishak a perdu le sommeil. Ishak n'a plus qu'une idée. Une idée qui l'obsède. Il veut tout lâcher. Tout plaquer. Rentrer au pays. Rentrer pour aider les siens.

Il rassemble à la hâte quelques pulls, une volée de couvertures et une poignée de denrées qu'il récupère des armoires. À l'aube, il saute dans sa voiture, le coffre déjà bien rempli. Chaussée de pneus été, impossible de prendre la route au vu de l'itinéraire cabossé qui s'annonce. Les quatre pneumatiques changés, la course contre la montre est lancée. « Certains ont tout perdu. Leur habitation, leur famille... Au téléphone, on m'a dit qu'il manquait de tentes pour que chacun retrouve un semblant de toit. Je suis passé chez Décathlon prendre le nécessaire, et c'était parti. »

Parti pour 3.950 kilomètres. Parti pour près de trois jours de route. Allemagne, Autriche, Hongrie, Serbie, Bulgarie. « Et puis enfin la Turquie. Mais Kahramanmaras se trouve dans l'extrême sud du pays. » 1.400 kilomètres séparent encore Ishak de sa famille. Et plus il s'en rapproche, plus elle semble loin. « Nos contacts nous guidaient. À de nombreux endroits, les routes n'existent plus. On nous a mis en garde : "Des crevasses se sont formées sur l'itinéraire que vous devez emprunter. Il y a des risques d'affaissements. Des risques que vos pneus crèvent en tombant dedans." Mais nous n'avions qu'une idée en tête : arriver ! »

Il faut alors prendre des chemins de traverse, parfois rebrousser chemin, avant de découvrir l'abîme. « Un décor de guerre. Inimaginable. Des immeubles réduits à néant, comme si un missile venait de les raser. Juste à côté, une tour intacte. C'est impressionnant. » Sur place, il retrouve ses proches et sa grand-mère, enfin.

Les températures négatives figent les paysages. Sous les décombres, des corps. « C'est terrible. À moins 8°, certains, toujours coincés, meurent de froid.  » Et puis parfois, la vie. « C'est la chose la plus extraordinaire sur place. Les pelleteuses fonctionnent 24 heures sur 24. Il y a un élan de solidarité incroyable. Les chiens fouillent à la recherche d'un mouvement, d'un signe. Lorsqu'ils repèrent quelque chose, tout le monde se met à dégager les débris. Des enfants remontent encore à la surface quatre jours après le séisme. C'est grâce à Dieu ! »

La moitié de la ville est réduite en poussière. Les habitants trouvent refuge sous une toile de tente, dans leur voiture. « Même ceux qui n'ont pas perdu leur habitation préfèrent dormir dehors. Tout le monde redoute de nouvelles répliques. » Alors l'aide humanitaire se met en route. « Il y a de nombreux Japonais dans la ville, mais aussi des secouristes d'Azerbaijan. Aux portes de la ville, 100 kilomètres de camions attendent de pouvoir venir déposer des vivres. Ce qu'il se passe est incroyable. C'est triste de devoir attendre de tels événements pour voir l'homme offrir sa solidarité. »

Débat
Sur le même sujet
Plus d'actualité