
Nouvelles agressions à la SNCB: les agents sont-ils de plus en plus la cible de violences?

Ces derniers jours, plusieurs agressions violentes envers des agents de la SNCB ont marqué le personnel des trains. Ce dimanche, une grève avait même éclaté en région liégeoise après plusieurs agressions physiques, les syndicats demandant de nouvelles mesures de sécurité. Côté flamand, la presse s'est émue ce mardi de l'incident survenu dans un train à destination de Louvain, où un passager s'en est pris physiquement à une femme de la SNCB après que son ticket ait été invalidé. Déjà en 2022, la société ferroviaire s'était indignée de la multiplication de ces incidents. Mais quelle est l'ampleur du problème ? Et si augmentation il y a, à quoi est-elle due ?
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Un rebond spectaculaire des agressions ces dernières années
Si on regarde aux chiffres, on constate que globalement, durant les années 2010, le nombre d'agressions (orales ou physiques) a baissé. Alors qu'il y en avait 1.547 en 2011, ce bilan était tombé à environ 1.200 à la fin de la décennie. À l'époque, la SNCB se prévalait de récolter les résultats de son Masterplan qui comprenait une cinquantaine de mesures. Parmi celles-ci, on trouvait l’installation de caméras dans les gares et les trains, le recrutement d’agents Securail, la formation d'équipes de contrôleurs par deux ou trois, l'application d'un tarif de 7€ supplémentaire à l'achat d'un billet à bord, etc. L'agence Belga précisait qu'à cette époque-là, la principale raison des agression étaient les discussions concernant les titres de transport.
Mais depuis 2020, les chiffres sont brutalement remontés, au point d'atteindre pas moins de 1.923 agressions en 2021. C'est de loin le nombre le plus élevé depuis 2010 et cela représente plus presque le double de certaines années pré-Covid. En 2022, cette hausse importante s'est arrêtée net. Il n'y a néanmoins pas eu de baisse non plus, les chiffres étant restés parfaitement stables.
Quatre agressions sur 10 étaient d'ordre physique en 2021
En y regardant de plus près, il est également possible de regarder quelle part de ces agressions sont à caractère physique. La SNCB classe ces types d'incidents dans deux catégories: ceux où des coups et blessures sont infligés, et ceux où il est question d'une violence plus légère. Entre 2017 et 2020, les chiffres étaient assez peu fluctuants, avec environ 425 agressions physiques par année. Il faut toutefois relativiser la stabilité du bilan de 2020, vu le nombre réduit de voyageurs cette année-là.
En 2021 et 2022, à l'instar du chiffre global, le nombre d'agressions physiques a lui aussi fortement augmenté. On est désormais à environ 700 cas par an tout compris (avec à la fois les coups et blessures, ainsi que les cas de violence légère). Les sociétés de transport en commun notent enfin que la SNCB n'est pas du tout la seule à faire face à ce problème. La STIB, le TEC et De Lijn se sont d'ailleurs jointes à la société ferroviaire en 2022 pour dénoncer cette vague d'agressions envers leurs personnels. Ensemble, ces quatre entreprises ont comptabilisé un total de 4.787 agressions en 2021.
Pourquoi les agressions sont-elles plus nombreuses?
La grande question, cela reste de savoir pourquoi ces dernières années ont été marquées par une véritable hausse subite de la violence. Ce constat peut sembler intriguant a priori, puisque les confinements ont limité le nombre de voyageurs en 2020 et 2021. Une hypothèse, ce serait qu'une certaine tension aurait pu être créée par la nécessité de respecter les mesures sanitaires, notamment avec le port du masque obligatoire dans les trains. C'est en tout cas ce que semble indiquer un communiqué de la CGSP Cheminots qui affirmait en février 2021 que l'"on peut déduire des chiffres qu’il y a effectivement un lien vu qu’un nombre relativement important d’agressions est dû à des incivilités liées aux mesures sanitaires".
Marianne Hiernaux, porte-parole de la SNCB, nous confirme qu'en effet, cela a pu jouer un rôle, bien que cela n'explique pas tout. En 2021, "17% des agressions étaient liées aux mesures sanitaires, ce qui représente la deuxième cause identifiée d'incidents. Mais d'autre part, on constate que malgré tout, on a un phénomène d'agressivité qui perdure au-delà des causes sanitaires", explique-t-elle.
Les chiffres de 2022 le montrent encore mieux. Marianne Hiernaux note que la moitié de ces actes trouvent désormais leur origine dans un différent commercial, alors que les motifs sanitaires ne représentent plus que 4% du total. D'autres facteurs sont aujourd'hui plus importants. 16% des agressions sont ainsi liées à des infractions à la législation ferroviaire (tabagisme, utilisation d'un vélo sur un quai, etc.), 9% à des comportements qualifiés de «perturbateurs», et enfin 17% sans motifs identifiés si ce n'est une agressivité lambda.
Pour la porte-parole de la SNCB, la hausse constatée en 2021 et 2022 est liée à une agressivité plus large au niveau sociétal. C'est ce qui explique d'ailleurs pourquoi les différentes sociétés de transport en commun sont confrontées au même phénomène, sans oublier d'autres professions comme dans le domaine de la santé. «On entend certains accompagnateurs dire qu'ils ressentent une plus forte agressivité ambiante, mais on ne sait pas d'où vient exactement cette nouvelle tendance», confie-t-elle. Elle suppose juste que cela est lié à des problèmes individuels, comme à l'humeur d'une personne tout simplement.
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En quête de solutions
Dans tous les cas, pour la SNCB, ces chiffres sont choquants. C'est pourquoi la société a lancé ce jeudi 9 février une nouvelle campagne de sensibilisation auprès du public qui devrait perdurer jusqu'à la mi-mars. Elle met notamment un point d'honneur à rappeler que ces agressions peuvent provoquer des traumatismes chez les agents concernés. Les conséquences ne répercutent aussi sur les collègues qui doivent prendre le relai du personnel agressé. 1,7% des retards de train en 2022 trouvent leur origine dans les agressions, soit 22.000 minutes de retard (autrement dit le double de 2019).
À partir du 1er mai, la SNCB prévoit d'interdire de payer en espèces son ticket dans le train, «afin que les accompagnateurs n'aient pas une somme d'argent importante avec eux à bord», précise Marianne Hiernaux. Un test est également mené sur 55.000 trains à Bruxelles-Midi pour contrôler les titres de transport sur le quai et non dans le train, afin d'éviter de repérer préventivement les signes d'agressivité, a déclaré la dirigeante de la SNCB, Sophie Dutordoir, ce jeudi matin lors d'une conférence de presse à Bruxelles-Nord. Elle n'envisage cependant pas d'installer des portiques d'accès, contrairement à ce qui se fait parfois aux Pays-Bas. La directrice de la société explique que sa priorité réside plutôt dans le renouvellement du matériel du personnel et dans l'amélioration de l'accessibilité des gares.
Le gouvernement a également pris position ce jeudi. Le fédéral prévoit notamment des investissements supplémentaires pour Securail. Le ministre de la Mobilité, Georges Gilkinet, déclare également qu'une réforme du code pénal devrait aboutir à des peines plus lourdes pour ce type d'agressions, en espérant que cela aura un effet dissuasif. «Tout fait de violence est inacceptable, surtout vis-à-vis de personnes qui ont un rôle important dans la société», dit-il. «Notre responsabilité est de trouver des réponses à ces problèmes».