
Quels sont les chiffres sur le racisme en Belgique?
Ce mardi 21 mars, c'est la journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale. Une date que ne pouvait pas manquer de relever l'Unia, l'institution publique chargée de lutter contre ce problème en Belgique. Pour l'occasion, l'organisation a donné quelques indicateurs chiffrés pour faire un état de la question. Il s'avère ainsi que les cas de discrimination raciale représentent près de 35% des dossiers ouverts par l'Unia (qui s'occupe aussi de celle visant l'orientation sexuelle, l'identité ou l'expression de genre, les convictions religieuses, etc.). Si on entre un peu plus dans le détail, on remarque que cette xénophobie se manifeste davantage dans certains secteurs de la société.
Logement, emploi, espace public: ces domaines où le racisme sévit
En recensant tous les dossiers ouverts relevant de critères "raciaux", l'Unia note que le domaine le plus concerné par ces actes de discrimination, c'est celui des biens et services (185 dossiers), principalement liées au logement (principalement des refus de visites ou de location). Ce genre de cas est si récurent que l'institution a créé un outil spécifique à ce propos. Il détaille la méthode la mieux adaptée afin de vérifier et de prouver que telle ou telle personne a subi une discrimination raciale au logement.
Le deuxième domaine le plus affecté par le racisme, c'est celui de l'emploi (avec 158 dossiers). Le milieu du travail s'avère particulièrement hostile pour les personnes concernées dans le cadre des relations avec les supérieurs, les collègues et les clients. En janvier dernier, l'Unia insistait à ce propos qu'il était essentiel "d'adapter la législation antidiscrimination afin d’obliger les employeurs à prendre des mesures de prévention pour garantir l'égalité de traitement". L’élaboration d’une procédure de signalement interne constitue aussi un élément important, ajoute-elle, tout en soulignant "l'importance d'une formation approfondie de toutes les personnes concernées, d'un régime de sanctions, d'incitants financiers et d'une période de transition pour collecter les connaissances et les bonnes pratiques afin de prévenir autant que possible la discrimination sur le lieu de travail".
Enfin, il y a un troisième domaine que l'Unia pointe du doigt. Ces cas, regroupés sous le terme "société" (151 dossiers), traitent notamment de discriminations commises dans l'espace public. Il est également souvent question de conflits de voisinage.
Si on rassemble les trois domaines ici cités, on arrive à un total de 494 dossiers sur un total de 735 dossiers de discriminations raciales ouverts en 2022. Autrement dit, ce top 3 représente plus des deux tiers de tous les cas recensés.
Des nuances selon l'origine des personnes discriminées
Si on veut aller encore plus loin dans l'analyse, il faut se fier au rapport écrit l'année passée pour le plan d'action fédéral contre le racisme. Il s'avère ainsi qu'en 2021, la police avait répertorié 1.594 délits de discrimination, tous motifs confondus. Sur ceux-ci, 1.055 étaient liés au racisme ou à la xénophobie, soit les deux tiers du total.
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Le document des autorités décline ensuite ces discriminations raciales par origine, chaque cas ayant ses spécificités. Si on prend l'afrophobie par exemple, on se rend compte avec une enquête de la Fondation Roi Baudouin que 92% des personnes d'origine africaine interrogées "ont indiqué que des personnes en Belgique sont victimes d’un traitement inégal, de discriminations ou d'insultes en raison de leur couleur de peau noire". 77% affirment en avoir été personnellement victimes.
Concernant l'antisémitisme, le nombre d'incidents était de 81 en 2021 et concernaient cette fois principalement des discriminations dans le domaine des médias, principalement sur les réseaux sociaux (49,1%). "Viennent ensuite les domaines de la vie en société (28,1%), en particulier des situations se déroulant dans l’espace public et, enfin, l’emploi (8,8%)", note le rapport. Quant aux comportements dénoncés dans ces dossiers, "65,9% concernent des discours de haine (principalement des propos incitant à la haine, à la violence ou à la discrimination) et 7,3% des actes de haine (harcèlement, coups et blessures, dégradations, etc.). 20,7% des dossiers concernent des discours négationnistes (en hausse par rapport à 2020)". Selon une enquête de 2018, 51% des personnes juives ont été victimes d'une forme de harcèlement antisémite dans les cinq ans et 39% dans l'année précédant l'étude. 55% craignaient d'être victimes d'insulte ou de harcèlement et 41% redoutaient une agression physique.
L'islamophobie représentait une grosse partie du travail de signalement, les domaines les plus concernés étant ceux des médias (réseaux sociaux compris), de l'emploi et du travail. "37% des répondants maghrébins et 17% des répondants turcs de Belgique ont indiqué qu'ils avaient été harcelés au cours des 12 mois précédant l'enquête".
Enfin, le rapport évoque le cas de la romaphobie. Ici, les domaines pointés du doigt sont ceux des médias, des biens et services, de la police et de la justice. "13 % des Gens du voyage et 16 % des Roms en Belgique ont été victimes de discours de haine (tels que des remarques offensantes dans la rue ou en ligne) au cours des 12 mois précédant l'enquête. La plupart des incidents n'ont été signalés nulle part".
Un plan interfédéral contre le racisme qui se fait attendre
Face à ces phénomènes, l'Unia montre son impatience vis-à-vis des autorités. "Nous attendons toujours un plan interfédéral de lutte contre le racisme", écrit-elle tout en relevant le retard pris par l'État depuis ses premiers engagements en la matière. "La Belgique s’y est engagée à la Conférence mondiale de Durban consacrée au racisme, à la discrimination raciale et à la xénophobie en … 2001 !".
L'institution félicite néanmoins les niveaux de pouvoir qui ont développé un plan anti-racisme, "comme Bruxelles et le fédéral". "Mais ce n’est pas suffisant", prévient-elle en pointant la nécessité d'une concertation entre les régions. En 2021, les ministres concernés s'étaient réunis et le projet semblait enfin sur les rails. Depuis, il se fait toujours attendre. "Où reste ce plan ? Où est-ce que ça coince ? Et pourquoi le processus prend-il autant de temps ?", se demande l'Unia. "Nous voulons à tout prix éviter que les accords passés et le travail déjà accompli ne soient remis en question [...] L’idée d’un front commun uni dans la lutte contre le racisme pourrait laisser place au chacun pour soi et à la moindre ambition. Les risques d’enlisement sont réels", s'inquiète son directeur, Patrick Charlier qui demande à ce que ce processus reprenne. "Il en va de la crédibilité de ce plan attendu depuis maintenant plus de 20 ans".