
Pourquoi le recyclage concerne-t-il moins de la moitié des plastiques?

En matière de recyclage, la Belgique se prévaut d'être une bonne élève en Europe. Selon les chiffres cités par la RTBF, le verre et le carton sont respectivement recyclés à 97% et 89%. Mais pour ce qui est du plastique, ce chiffre est bien moins glorieux. La radio-télévision publique évoque un pourcentage de seulement 45% pour les sacs PMC. Une étude des fédérations sectorielles Agoria et essenscia PolyMatters évoquait de son côté un taux de 39% en 2022. Si les deux organisations notent que cela place la Belgique à la cinquième position européenne, tout le monde est d'accord sur un point: il y a encore des efforts à faire. Une problématique qui ressort d'autant plus ce 5 juin, alors que l'ONU met l'accent sur la lutte contre le plastique en cette journée mondiale de l'environnement.
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Les emballages ultra-majoritaires
Première précision: un plastique n'est pas un autre. Selon Plastics Europe, en 2020, 70% des déchets plastiques ménagers du continent provenaient des emballages. On trouve ensuite ceux provenant de l'électroménager et de la construction (6,9% dans les deux cas), de l'agriculture et de l'automobile (5,75% pour les deux catégories) et enfin les déchets liés à des catégories diverses comme les loisirs, le sport et la maison (4,6%). En Belgique, les proportions sont un peu différentes, avec 56% du total lié aux emballages et 9% au secteur du bâtiment, selon Agoria et essenscia PolyMatters.
En fonction du type de déchets, le taux de recyclage change sensiblement. Par exemple, pour les emballages, Agoria et essenscia PolyMatters affirment que la Belgique est parvenue à un pourcentage de 53% en 2020. C'est une amélioration de 10% par rapport à 2018. Une évolution liée à l'introduction en 2019 du "nouveau sac bleu", qui inclut aussi les barquettes, sachets, boîtes, pots et autres films. C'est ce qui permet à la Belgique de figurer à la cinquième place du classement européen en la matière.
De multiples obstacles
Malgré tout, le fait que plus de la moitié des plastiques n'est toujours pas recyclé montre la difficulté du secteur à traiter ce problème. "Il y a parfois une grande difficulté à recycler des plastiques", pointe auprès de la RTBF Renaud de Bruyn, spécialiste de la question des déchets pour l’ASBL Ecoconso. "C’est beaucoup de matières avec des additifs et des poids différents. Donc on a souvent du mal à les recycler et encore plus à les recycler sous une forme qui permet de refaire des objets de même qualité", dit-il.
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Agoria et essenscia PolyMatters le reconnaissent aussi: tout n'est pas rose: "La réutilisation des plastiques recyclés est en hausse, mais la Belgique se situe toujours en dessous de la moyenne européenne dans ce domaine". Pour les deux fédérations, "l’une des raisons est que notre pays est hautement spécialisé dans l’emballage alimentaire, où l’utilisation circulaire des plastiques recyclés est encore fortement limitée par la loi".
Afin d'améliorer l’utilisation circulaire des plastiques, elles donnent également plusieurs priorités: l'intensification du recyclage chimique, la suppression d'obstacles législatifs, la stimulation de l'innovation, l'augmentation des investissements et enfin la hausse de la collecte sélective des déchets plastiques. Ce dernier levier vient d'être activé en ce début 2023 avec l'ajout des capsules Nespresso et autres dans les sacs PMC. Il est donc possible d'espérer que le taux de recyclage s'améliore encore un peu plus cette année.
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"Le secteur belge des plastiques est en pleine transition vers une économie circulaire", déclare dans un communiqué Saskia Walraedt, directrice d’essenscia PolyMatters. "Les progrès sont évidents, mais les défis restent nombreux: un approvisionnement déséquilibré en recyclats de haute qualité, des perturbations logistiques et des obstacles dans la législation qui empêchent les déchets de jouer pleinement leur rôle de nouvelle matière première ou les matériaux de continuer à circuler dans l’économie sans être considérés comme des déchets au départ".
La Belgique ambitieuse mais le problème reste entier au niveau mondial
L'enjeu est d'autant plus prégnant que la Belgique s'est désormais engagée à devenir un exemple dans le secteur. En 2020, elle a officiellement rejoint une coalition d'une dizaine de pays du Vieux Continent, dont la France et les Pays-Bas, pour viser des taux de recyclage plus élevés qu'au niveau européen. La Belgique s'est ainsi imposée l'objectif de 70% de recyclage des emballages en plastiques d'ici 2030, là où le plan européen ne prévoit que 55%.
Reste qu'en attendant, l'environnement souffre de la pollution au plastique. Selon l'ONU, au niveau mondial, plus de 400 millions de tonnes de plastique sont produites chaque année et moins de 10% est recyclé. "On estime que 19 à 23 millions de tonnes de plastique finissent dans les lacs, les fleuves et les océans chaque année", fait savoir l'organisation qui précise que les microplastiques se retrouvent désormais absolument partout. "On estime que chaque personne sur la planète consomme plus de 50 000 particules de plastique par an, et bien plus encore si l'on tient compte de l'inhalation des particules qui se trouvent dans l’air".
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De plus, la production de plastique continue de croître. Si rien n'est fait, "les déchets plastiques déversés dans les écosystèmes aquatiques tripleront d'ici environ 2040", précise l'ONU. Ce constat est d'autant plus inquiétant que dans certains pays comme les USA, le taux de recyclage des plastique baisse. Selon Greenpeace, cela est lié à la difficulté de collecte, à l'impossibilité de réutiliser les plastique contenant de la nourriture (vu les risques de toxicité) ou encore au coût du recyclage. Pour les multinationales comme Coca-Cola, le calcul est vite fait: cela revient moins cher de produire des nouveaux plastiques que de réutiliser les anciens.
C'est en ce sens que Greenpeace invite à ce que chacun limite sa consommation de plastiques. Cela concerne évidemment en premier lieu ceux à usage unique, mais il existe également d'autres gestes simples (achats de produits en vracs ou en version solide, consommation de l'eau avec une gourde, etc.). Certaines familles arrivent même, en rivalisant d'astuces, à vivre pratiquement sans plastique.