
Prix des billets d'avion, destinations... Comment voyagerons-nous demain ?

1923 - 2023. On commémore, cette année, le centième anniversaire de feu la Sabena. L’occasion, pour certains, de se souvenir avec nostalgie des avions de “la Belgique de papa”. En faisant l’impasse sur le fait que prendre l’avion était alors bien plus coûteux qu’aujourd’hui. En 1963, un aller-retour Bruxelles - New York coûtait, en classe éco, 19.480 francs belges, l’équivalent de 4.800 euros actuels. Prendre l’avion est devenu ces deux dernières décennies bien plus démocratique. Mais l’année 2023 célébrera peut-être également la fin de cette accessibilité qui semblait sans limite. Même les destinations peu courues comme les villes de province d’Espagne ou d’Europe de l’Est sont devenues coûteuses. Partir un long week-end pour 500 euros par personne en Roumanie à Timisoara? Les comptes sont vite faits et beaucoup se replient sur une destination plus proche et accessible en voiture. Cette tendance va-t-elle durer?
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Les déclarations des dirigeants de la compagnie qui donne le “la” dans le ciel européen semblent l’accréditer. Michael O’Leary, le boss de Ryanair, se félicitait récemment. “Avec le retour des touristes en Asie et un dollar américain fort qui encourage les Américains à explorer l’Europe, nous constatons une demande robuste pour l’été 2023.” Première conséquence, la compagnie aérienne irlandaise a signé un bon de commande ferme pour 150 Boeing 737 MAX 10 et pris option pour 150 supplémentaires. Ryanair se positionne ainsi pour réaliser son ambition à l’horizon 2030: devenir la première compagnie aérienne au monde. La compagnie “à bas coût” dont les prix ont en moyenne augmenté de 10 % par rapport à la période pré-Covid - pas plus que l’inflation - ne compte pas baisser les prix de ses offres. “L’époque des billets d’avion à 9,99 euros est peut-être derrière nous depuis longtemps”, vient de déclarer Neil Sorahan, son directeur financier. Michael O’Leary évoquait, lui, une augmentation de 6 à 9 % des billets pour l’été. Le second acteur aérien qui pourrait influencer la donne, Wizz Air, seule compagnie avec Ryanair à augmenter sa flotte, est dans la même lignée. Des tarifs moyens en augmentation.
Augmentation des prix... et des réservations
“De 10 à 30 % de plus selon les compagnies”, confirme Anne-Sophie Snyers, CEO de la Belgian Travel Company (BTC), la nouvelle structure qui réunit la VVF, l’association flamande des Agences de voyage et tour-opérateurs et l’UPAV, sa contrepartie francophone. “Malgré ces augmentations, le chiffre d’affaires généré par les réservations du premier trimestre 2023 est très encourageant. Nous avons réalisé en trois mois 61 % de toute l’année 2019, l’année de référence avant Covid.”
Il faudrait y voir la conséquence d’un changement dans le comportement d’achat: les gens prévoient leurs vacances de plus en plus tôt. Ce qui explique le gonflement particulièrement important du CA réalisé durant ce premier semestre 2023. Ce constat est partagé par TUI. “Jamais auparavant nous n’avons eu de telles demandes de réservation rapide, c’est-à-dire durant les premiers mois de 2023 pour juillet-août”, confirme Sarah Saucin, porte-parole de la filiale belge du plus grand groupe de tourisme du monde. Mais ce retour en force du voyage dans la vie des Belges (voir encadré) mérite quelques nuances.
Acheter tôt pour moins payer
“Ces bons résultats sont la conséquence d’une prise de conscience que les billets d’avion ne font qu’augmenter vu le contexte général des objectifs climatiques que se fixe l’UE, avance la directrice de la BTC. Acheter tôt, c’est se prémunir de potentielles majorations de prix. Les gens ont compris également que le last minute était de moins en moins possible vu que l’offre dans l’aérien n’est pas encore revenue à son état de 2019. Et on se rend compte par différentes études réalisées que les vacances restent le loisir le plus important pour les Belges.” Quant aux destinations, entre 92 et 95 % des voyages des Belges se déroulent en Europe. Sensiblement plus que l’Européen moyen (75 %). Le Belge ne s’est “internationalisé” qu’à la marge. Notamment à la suite de la réouverture de l’Asie. Les chiffres pour la Thaïlande, le Viêtnam, l’Indonésie ou le Japon ont, par voie de conséquence, fortement augmenté. Mais cette reprise ne concerne pas tout le monde. “Le nombre de personnes qui voyagent hors d’Europe par rapport à 2019 a diminué de 17 à 18 %, en revanche, le chiffre d’affaires a augmenté de 4 %.” On perçoit nettement, dans cette dernière affirmation, une confirmation supplémentaire de l’augmentation des prix des vols.
Le loisir, le voyage reste une priorité du Belge. Là où il y aura une rapide inflexion, c’est dans le domaine des voyages d’affaires.
Ces “bons” chiffres ne parviennent pas à voiler les changements d’attitude des voyageurs. Une étude réalisée par Roland Berger, l’un des principaux cabinets de conseil en stratégie sur le plan international, le confirme. Il ressort de cette étude que la reprise en matière de tourisme est fragile et repose sur une contradiction. Alors que les voyageurs sont revenus en grand nombre en 2022 et en 2023, les personnes interrogées dans le cadre de cette enquête ont déclaré qu’elles étaient désormais moins disposées à voyager sur de longues distances (en baisse d’environ 28 %). Le transport aérien serait le plus durement touché. Les principales raisons évoquées pour expliquer la baisse des intentions de voyage sont les préoccupations croissantes concernant l’impact environnemental des voyages et la généralisation des outils de communication virtuels. “La durabilité est désormais un facteur-clé de la baisse de la demande chez l’ensemble des voyageurs”, estime Didier Bréchemier, responsable global des activités transport et tourisme chez Laurent Berger. “On est au début de la prise de conscience, tempère Anne- Sophie Snyers. Le loisir, le voyage reste une priorité du Belge. Là où il y aura une rapide inflexion, c’est dans le domaine des voyages d’affaires.” L’UE a adopté au début de cette année la directive dite “CSRD” (Corporate Sustainability Reporting Directive). Celle-ci renforce les exigences de reporting de durabilité des sociétés et va élargir progressivement son champ d’application sur la période 2024 à 2028. “Il y aura donc une diminution des voyages d’affaires à court terme”, commente Anne-Sophie Snyers qui pronostique que la partie “loisirs” des vols aériens devrait, pour un temps encore, échapper à la volonté de régulation des décideurs européens.

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Des grèves en vacances?
Dernière question, mais d’importance: le secteur aérien sera-t-il frappé par des grèves cet été? De source syndicale, chez Ryanair, cela semble exclu. De manière générale, Evelin Jeckel, la responsable réseau de Wizz Air, pointait que vu la concurrence actuelle sur le marché de l’emploi, les salaires des pilotes et du personnel de bord étaient sanctuarisés. Un élément qui renforcerait l’idée d’une paix sociale du secteur durant l’été. TUI Belgique signale, lui, que pour gérer la possibilité d’une grève de bagagistes, il a mis en place des procédures bien rodées, que ce soit en déviant les vols vers différents aéroports ou en chargeant lui-même les bagages dans les avions. Anne-Sophie Snyers est prudente. “Je sais que les compagnies aériennes se préparent à une situation de crise comme celle de l’année dernière… au cas où!” En attendant, attachons nos ceintures…
Les Belges en vacances, en mode éco
Le dernier baromètre publié par Europ Assistance est riche d’enseignements. Premier constat, sept Belges sur dix envisagent de partir en vacances cet été. Cette proportion est très légèrement en baisse par rapport à 2022. Deuxième constat: en moyenne, les ménages belges consacreront 2.182 euros à leurs vacances, contre 2.289 euros l’été passé (-4,7 %). Europ Assistance précise que ce montant est le seul à baisser par rapport aux autres États européens interrogés…
Le top 10 des destinations des Belges
1. Espagne
2. France
3. Turquie
4. Italie
5. Grèce
6. Autriche
7. Allemagne
8. Etats-Unis
9. Belgique
10. Égypte