
Pour quelles raisons la police peut-elle vous arrêter "préventivement"?

Ces derniers jours, les émeutes qui ont suivi la mort de Nahel à Nanterre ont amené la police belge à sévir pour éviter des débordements incontrôlables. Un nombre important d'arrestations "préventives" ont ainsi été réalisées: 35 personnes ce samedi du côté de la place Louise (dont 31 mineurs), 94 personnes dans le centre-ville la veille, sept autres le vendredi dans la zone de police de Bruxelles-Nord, etc.
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Une façon de s'assurer du maintien de la paix qui pose toutefois question dans certains cas. En atteste l'histoire de plusieurs jeunes de Molenbeek qui se rendaient simplement au Quick de l'Avenue de la Toison d'Or. "Ils nous ont poussés contre le mur et ont commencé à nous contrôler durement", font-ils savoir à la VRT. "Nous n'avons reçu aucune explication et n'avions rien en poche à part quelques billets de dix euros [...] À un moment donné, l'un des policiers a même poussé sa jambe contre mon cou, de sorte que je ne pouvais plus respirer. [...] J'ai essayé plusieurs fois d'entamer une conversation avec un agent, mais il n'en avait manifestement pas envie". Finalement, une fois au commissariat, leurs parents ont dû venir les chercher. Dès lors, jusqu'où les forces de l'ordre peuvent user de cette méthode?
Des conditions à respecter pour pouvoir arrêter "préventivement"
Comme l'explique à RTL Info Denis Bosquet, avocat pénaliste, ces privations de liberté "préventives" peuvent se justifier "dans l'hypothèse où on peut craindre un trouble à l'ordre public, et notamment à l'occasion de rassemblements ou de manifestations". Sur son site, l'Observatoire des violences policières en Belgique (ObsPol) précise qu'une personne n'ayant commis aucune infraction peut être arrêtée (pendant un temps maximum de 12 heures) pour maintenir l’ordre public "en cas d’absolue nécessité" et ce dans les situations suivantes:
- L'individu empêche la police d'assurer la liberté de circulation;
- Il perturbe effectivement la tranquillité publique;
- Il perturbe l’ordre public en participant à un attroupement, la police peut le disperser;
- Il se prépare à commettre une infraction qui met gravement en danger la tranquillité ou la sécurité publiques;
- Il commet une infraction qui met gravement en danger la tranquillité ou la sécurité publiques.
"Si les conditions légales du recours à la force ne sont pas réunies, les policiers ne peuvent pas arrêter", conclut l'ObsPol. Autrement dit, pour pouvoir arrêter quelqu'un, il faut que les forces de l'ordre poursuivent un "objectif légitime qui ne peut être atteint autrement", en n’exerçant qu’une force "raisonnable et proportionnée à l’objectif poursuivi" en tenant compte des risques, le tout après avoir (en principe) averti la personne visée.
Des abus ou pas? Deux analyses opposées
Dans le cas présent, la question se pose donc de savoir si tous ces points sont respectés. Pour le militant des droits de l'homme et expert en violences policières Yassine Boubout, ces arrestations préventives sont parfois justifiées mais pas toujours. "Le problème, c'est que des jeunes sont arrêtés à tort avec cette technique, alors qu'ils n'ont rien à voir avec ces émeutes", explique-t-il à Bruzz. "Il s'agit souvent de mineurs, encore plus souvent de jeunes issus de l'immigration. Bien sûr, cela jette de l'huile sur le feu. La prochaine fois que ces jeunes rencontreront la police, il y a de fortes chances qu'ils s'enfuient ou deviennent peu coopératifs, car leur confiance est complètement brisée après cette première expérience", prévient-il.
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Interrogé par "De Morgen", le chef de la zone de police de Bruxelles-Midi, Jurgen De Landsheer, rappelle pour sa part que certains jeunes arrêtés n'étaient pas présents dans les rues de la capitale "juste dire bonjour". "Je suis tout sauf pour les arrestations préventives massives, mais nous devons aussi défendre l'ordre et la sécurité", dit-il, en citant le cas de quelques jeunes portant des cagoules et des bouteilles d'essence. Il regrette aussi la perte de confiance envers les forces de police et assure être ouvert au dialogue. "Malheureusement, il y a un petit groupe de jeunes que nous ne pouvons pas atteindre. La perception que ce petit groupe laisse est très préjudiciable à un autre, grand groupe de jeunes", analyse-t-il.