
Toujours pas de réforme fiscale: le gouvernement fédéral n’a pas réussi à s’accorder

Le gouvernement fédéral n'a pu s'accorder mardi soir sur un projet de réforme fiscale. Après de longues discussions, le Premier ministre, Alexander De Croo, «a dû constater que parvenir à un accord n'était pas possible sans impacter significativement la situation budgétaire», a annoncé son cabinet à l'issue d'une réunion en comité ministériel restreint.
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Le chef du gouvernement tire ce constat «à un moment où la mission du gouvernement est justement de réduire le déficit budgétaire et de travailler sur un retour progressif à l'équilibre après trois années de crise».
«Le gouvernement s'est engagé dans cette voie lors de l'ajustement budgétaire du mois de mars. Les derniers chiffres du Comité de monitoring démontrent aujourd'hui que les objectifs budgétaires 2023 et 2024 sont atteignables. Le Premier ministre a plusieurs fois répété qu'une réforme fiscale ne pouvait pas mettre à mal cet effort», a précisé le cabinet.
«Le courage de prendre des décisions»
Les discussions étaient engagées de manière décisive et intensive depuis cinq semaines sur la base d'une épure fournie par le ministre des Finances, Vincent Van Peteghem, en vue de finaliser et mettre en place une réforme fiscale. L'ampleur de celle-ci avait été réduite par rapport aux intentions initiales. L'objectif était de diminuer la fiscalité sur le travail tout en conservant une neutralité budgétaire. Il s'agissait en d'autres termes de déplacer la charge sur le patrimoine et la consommation, ainsi que de supprimer ou réduire certaines niches fiscales. Une simplification du régime de TVA était prévue, mais qui impliquait dès lors de relever la taxation de certains produits ou services.
L'objectif initial, tel que présenté en mars, d'une réforme d'un montant de 6 milliards d'euros s'est réduit à 2 milliards. La mesure phare était la suppression de la cotisation spéciale de sécurité sociale.
L'accord de gouvernement prévoyait de préparer une réforme fiscale. «Aller plus loin que l'accord de gouvernement nécessitait, bien évidemment, l'assentiment des sept partenaires de la coalition. La position de chaque partenaire de la coalition devant ici être respectée», a encore dit le 16.
Le ministre des Finances n'a pas caché sa déception. «Aujourd'hui, nous devons conclure que tout le monde n'est pas en mesure de sortir de ses tranchées et de montrer le courage de prendre des décisions dans l'intérêt de tous. Des décisions, comme chacun le demande depuis des années, de réduire enfin les impôts pour ceux qui chaque jour donnent le meilleur d'eux-mêmes afin de contribuer. Evidemment, je suis déçu. Ces derniers mois et années, nous avons travaillé dur pour élaborer des plans dans lesquels je crois vraiment. Nous avons déposé des propositions qui, après une large et longue concertation, étaient raisonnables et équilibrées», a-t-il déclaré.
Tensions PS – MR
«Ce constat d'échec n'est pas une surprise depuis la prise de position du MR lundi à l'issue de son bureau de parti», commente mardi soir le vice-Premier ministre PS Pierre-Yves Dermagne, tout en saluant le travail réalisé par le Premier ministre Alexander De Croo et le ministre des Finances Vincent Van Peteghem. «Il y avait six partis autour de la table dans une logique de trouver un compromis... et un parti n'était pas dans cette logique».
Selon le socialiste, les exigences posées par les libéraux francophones sortaient du cadre de l'accord de gouvernement. A ses yeux, il s'agissait de procéder à un tax shift (glissement de la fiscalité) et non à un tax cut (diminution de la fiscalité), comme le réclamait le MR. Ce glissement devait s'opérer de la fiscalité sur le travail vers, principalement le capital et la richesse et aussi la consommation.
«Mais le MR a remis en cause cette logique, évoquant notamment des économies sur les allocations de chômage (durcissement, exclusions, limitation)», relève Pierre-Yves Dermagne, jugeant ces propositions «hors cadre».
Du côté du MR, «je ne vous cache pas qu'il était difficile pour nous de marquer notre accord», a commenté le vice-Premier ministre David Clarinval après le kern de mardi.
Pour le libéral francophone, il y avait encore «trop de taxes sur la table» : sur la construction, la consommation ou encore les entreprises. A ses yeux, la réforme envisagée ne récompensait en outre pas «tous les travailleurs», dont les indépendants.
«Pendant les discussions en bilatérale, nous avons proposé un paquet de mesures permettant de créer 19.000 emplois supplémentaires, au-delà de la croissance naturelle (via des effets-retours ou des mesures sur les flexi-jobs). Mais cette proposition n'a même pas été évoquée. La gauche ne voulait plus en parler. Pour eux, la proposition allait trop dans mon sens.» Ce qui était sur la table ne permettait dès lors pas, aux yeux du ministre, de créer suffisamment d'emplois pour assurer le financement de la réforme.
Déjà 5 weekends
Le «kern» a consacré de nombreuses heures de travail et pas moins de cinq week-ends à ces discussions. Les réticences étaient particulièrement fortes au MR qui, lundi, a fait savoir qu'à ses yeux, les conditions n'étaient pas réunies pour reprendre les négociations à sept partis et qu'il liait le dossier à celui du budget en septembre-octobre. Les libéraux francophones estimaient que plusieurs préoccupations n'étaient pas rencontrées.
Mardi à 19h, les vices-Premiers ministres et la secrétaire d'Etat au Budget se sont retrouvés au cabinet de M. De Croo pour tenir une réunion ensemble, ce qui ne s'était pas produit depuis plusieurs jours.
Devant le parlement, le Premier ministre avait annoncé que l'échéance pour trouver un accord était le 21 juillet afin d'adopter des mesures qui sortiraient leurs premiers effets dès 2024. Mardi soir, il a dû constater l'échec des discussions.