Le nombre de blessés sur la route atteint des records à Bruxelles: un échec pour les autorités, vraiment?

Avec 4.800 blessés sur la route, il serait facile d'accuser les plans de mobilité des autorités d'être responsables de la hausse. La réalité est plus complexe.

Sécurité routière à Bruxelles
Des vélos et des voitures à Bruxelles ©BelgaImage

Circuler dans Bruxelles serait-il de plus en plus dangereux? C'est ce que l'on pourrait croire si l'on se fie au nombre de blessés dans la circulation de la capitale. Celui-ci a atteint en 2022 la barre des 4.800, selon le dernier "Moniteur de la mobilité et de la sécurité routière". Cela représente un record depuis 2010, c'est-à-dire depuis la première année pour laquelle le rapport dispose de données. Un bilan loin d'être réjouissant, alors que les autorités tentent d'améliorer ces statistiques avec des plans comme Ville 30 (avec un abaissement de la limite de vitesse à 30 km/h) ou Good Move. Mais selon Bruxelles Mobilité, qui est à l'origine de l'étude, la responsabilité de cette tendance à la hausse ne doit pas être cherchée du côté de ces réformes, ou du moins pas tout à fait.

Nos dernières vidéos
La lecture de votre article continue ci-dessous

Moins de blessés chez certains, plus chez d'autres

En regardant de plus près le graphique du Moniteur, cette augmentation se révèle beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît. En réalité, il n'y a jamais eu aussi peu de blessés chez les piétons et les conducteurs de voitures, hormis durant la période très particulière du Covid-19 marquée par des confinements et un télétravail à grande échelle. Les premiers n'étaient plus que 913 en 2022, alors que les chiffres tournaient autour de 1.100 auparavant. Pour les autos, la baisse est encore plus impressionnante, avec 1.115 blessés en 2022, contre 2.082 en 2010. Idem pour les motards (si on excepte les autres types de deux-roues), chez qui le nombre était de 452 blessés l'année passée, soit là aussi un record.

À l'inverse, d'autres catégories voient leurs chiffres littéralement exploser. Les blessés en trottinettes étaient par exemple inexistants jusqu'en 2018. En 2022, ils étaient 688, soit autant qu'avec tous les cyclomoteurs réunis. Du côté des cyclistes, ce n'est pas beaucoup mieux, avec 1.086 blessés l'année passée, contre 905 en 2019 et 404 en 2010.

Voici le nombre de blessés par moyen de transport

En vert les piétons, en rose les cyclistes, en rouge les trottinettes, en beige les cyclomoteurs (dont les motos), en turquoise les automobilistes, et en gris les autres.

Insécurité routière à Bruxelles

©Bruxelles Mobilité

Qu'est-ce qui explique ces changements?

Selon le rapport, ces évolutions reflètent tout simplement les nouvelles habitudes de la population, avec une adhésion croissante à la mobilité douce encouragée par les autorités. Le Moniteur rappelle ainsi que le nombre de cyclistes a bondi de 170% depuis 2010 et que l'utilisation réelle du vélo a grimpé de 300% sur la même période, selon les comptages de Provélo. L'introduction des trottinettes partagées en 2019 dans la région a quant à elle amené à l'apparition des blessés utilisant ce mode de transport devenu populaire ces dernières années.

 

Bruxelles Mobilité reste prudente pour interpréter la baisse du nombre de blessés chez les piétons. Elle note qu'"il est toujours difficile de déduire de véritables relations de cause à effet", bien qu'elle estime que "l’instauration de la Ville 30 n’a pu avoir qu’une incidence positive à ce sujet".

Sur un ton nettement plus optimiste, l'organisme assure que ce même plan Ville 30 fait que "l’utilisation d’une voiture semble actuellement plus sûre que jamais". "Dans une ville où la vitesse est limitée à 30 km/h, il est très peu probable qu’un occupant d’une voiture soit blessé, car la vitesse est inférieure et la ceinture de sécurité peut jouer pleinement son rôle protecteur". Petit bémol: les automobilistes représentent toujours "le principal opposant lors des accidents dans la région". Autrement dit, face aux personnes blessées, le moyen de transport qui est de loin le plus utilisé par la partie adverse, c'est la voiture.

Comment réagir?

Au vu de ces statistiques, les autorités sont donc face à un dilemme. Le but reste de tendre toujours plus vers la mobilité douce, que ce soit dans une perspective écologiste et de bien-être en ville, mais cela se fait au prix d'une augmentation importante du nombre de blessés dans les modes de transport qui sont ainsi promus.

C'est dans ce contexte que la région multiplie les initiatives en terme de réforme de la mobilité. Sur ce point, Bruxelles Mobilité apporte une autre bonne nouvelle, avec "une diminution du nombre d’accidents de trottinettes dans les six derniers mois de 2022, après l’entrée en vigueur des nouvelles règles qui réduisent la vitesse dans les zones piétonnes du Centre, qui fixent l’âge minimum à 16 ans et qui interdisent de monter à plusieurs sur une trottinette". "Il est cependant encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives et certainement pour établir des prévisions pour le futur", précise-t-elle toutefois.

Le fléau toujours actuel des blessés graves

Il reste pour finir un autre grand défi: le nombre de blessés graves ou de décès reste élevé, avec un total de 226 en 2022. C'est moins qu'en 2010-2011 (lorsque Bruxelles Mobilité en comptait 240), mais cela reste un record depuis 2012. Ici, le plan Ville 30 semble avoir réduit le nombre de victimes chez les piétons (qui s'élève à 56) mais pas chez les automobilistes. Ces derniers sont en effet dans 75% des cas grièvement blessés ou décédés "dans des endroits où la vitesse est limitée à 50 ou plus, où l’effet de la Ville 30 n’a pas une influence suffisante". À nouveau, le gros de l'augmentation est liée aux utilisateurs de vélo (42 victimes en 2022), et encore plus de trottinettes (39 victimes).

Pour Bruxelles Mobilité, cela constitue un rappel pour "poursuivre nos efforts pour atteindre l’objectif de zéro décès et zéro blessé grave d’ici 2030". "Dans cette optique, l’arrivée des trottinettes et leur énorme succès constituent pour nous un nouveau défi. Freiner la croissance des accidents de vélo est également une priorité, surtout à la lumière de l’ambition régionale de stimuler davantage l’utilisation du vélo", note l'organisme qui propose de "miser sur les adaptations nécessaires de l’infrastructure et sur l’amélioration de l’expérience des nouveaux cyclistes". "Enfin, les progrès obtenus avec la Ville 30 doivent maintenant se poursuivre en sécurisant les routes où la vitesse maximale s’élève à 50 km/h ou plus, et où des accidents graves se sont produits".

Débat
Sur le même sujet
Plus d'actualité