
Les Belges sont-ils vraiment les plus riches du monde ?

Les Belges seraient les plus riches du monde. Ce constat du Crédit Suisse a fait sourire jaune toute la classe moyenne qui sort d’une crise du pouvoir d’achat très agressive. Et encore davantage celles et ceux qui peinent à boucler leurs fins de mois ou qui se tournent, dans les cas extrêmes, vers les CPAS ou les associations pour y parvenir dans la douleur. Le dernier “Global Wealth Report”, le rapport sur la gestion patrimoniale le plus consulté au monde, est pourtant formel. Les Belges arrivent en tête du ranking. Du moins de l’un des deux: celui de la richesse médiane, avec 249.940 dollars américains par adulte, soit 228.594 euros. Soit en cash, soit en placements, soit dans l’immobilier. Dans la hiérarchie sur la richesse moyenne, la Belgique tombe à la 11e position, avec 352.810 dollars par adulte. C’est deux fois moins que la Suisse (685.230 dollars) en tête de peloton, mais ça reste une très bonne position. D’autant que la médiane est bien plus évocatrice, car elle signifie que la moitié des adultes belges possèdent au moins le montant évoqué par le Crédit Suisse.
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Selon l’économiste d’ING Charlotte de Montpellier, spécialiste du budget des ménages, cela ne signifie évidemment pas que notre pays connaît l’équité, car “il demeure un fossé entre les plus aisés et les plus pauvres du pays”. On ne se rendrait pas toujours compte de notre niveau de patrimoine. La spécialiste pointe l’exemple de l’immobilier. “Il y a un décalage entre les propriétaires et les locataires. La plupart des propriétaires ne sont pas conscients de leur patrimoine. Ils ont acheté leur bien à une autre valeur que l’actuelle. Ils vivent dans leur maison ou leur appartement. Il leur est donc difficile de considérer que leur bien est une richesse. En général, ils voient plutôt les difficultés comme les factures d’énergie, le coût des rénovations... Avec 70 % de propriétaires, les Belges sont un cas particulier. En Suisse, il y a moins de propriétaires par exemple. Ils investissent davantage dans des actions et obligations. Le chiffre inscrit dans leurs relevés bancaires est donc plus important.” Or si la Belgique arrive en tête du classement du Crédit Suisse, c’est notamment en raison de la montée des prix de l’immobilier.
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En ce sens, les comparaisons internationales sont utiles d’un point de vue économique, mais sont assez peu parlantes pour les citoyens-consommateurs-épargnants. “La richesse est un sentiment relatif par rapport à ce qui nous entoure. On se compare à ses voisins, sa famille, avec le millionnaire de la commune d’à côté, le patron d’entreprise ou le riche qui travaille au Luxembourg. Pas aux Asiatiques et aux Africains, ni même aux Européens de l’Est, en majorité moins aisés que les Belges.” Enfin, le Global Wealth Report compare bien le patrimoine et non le salaire. “Or très rares sont ceux qui ont le sentiment de gagner suffisamment par rapport au travail effectué, car on s’inquiète pour la pension, la hausse du coût de la vie, etc.”, conclut l’économiste.
Les chiffres
Les 10 % des ménages les plus riches possèdent en moyenne 1,9 million d’euros tandis que les 20 % les plus pauvres n’ont que 4.900 euros, selon la BCE.
Le salaire, l’autre variable
Les Belges donnent une note moyenne de 6,9 sur 10 à leur situation financière, selon Statbel. Elle n’était que de 6,7 en 2022. Cette hausse est probablement liée à l’indexation automatique des salaires. “Toutefois, les moyennes cachent des réalités variées”, pose l’économiste Charlotte de Montpellier. 16,3 % des Belges ont en effet de grandes difficultés à joindre les deux bouts. Le niveau d’études est un facteur prépondérant dans la hauteur du salaire puisque les diplômés d’un master gagnent en moyenne deux fois plus que ceux de l’enseignement secondaire inférieur. Les jeunes touchent près de deux fois moins que leurs collègues les plus âgés également. Quant aux femmes, elles gagnent toujours 5 % de moins que les hommes.
Notre pouvoir d’achat préservé
La hausse des prix de l’énergie et des denrées alimentaires a été difficile à assumer pour de nombreux ménages. Dans de très nombreux cas, l’indexation automatique des salaires a été insuffisante pour compenser. Le système mériterait donc d’être perfectionné, d’autant qu’il a produit une inflation plus importante qu’à l’étranger par un effet de surenchère: les salaires augmentent, donc les entreprises haussent les prix, ce qui crée de l’inflation, et donc une montée des salaires et ainsi de suite. Mais s’il est loin d’être parfait et juste, ce mécanisme unique au monde a aussi permis aux Belges de connaître la plus haute montée du pouvoir d’achat des pays de l’OCDE (+ 2,9 %) malgré la crise. La Belgique est devant le Costa Rica (+ 1,7 %), Israël (+ 0,6 %) et les Pays-Bas (+ 0,4 %).
Riches, mais endettés?
Certes, les Belges ont du patrimoine. Mais ils sont aussi plus endettés que la moyenne. Le niveau d’endettement de la Belgique a atteint 105,1 % du PIB en 2022, ce qui en fait le 6e État le plus endetté de la zone euro. Les ménages, pris individuellement, contractent également de nombreuses dettes. Selon la dernière enquête de la BNB, la moitié d’entre eux seraient concernés. Cependant, le montant médian de la dette des ménages a reculé de 16 % par rapport à la vague précédente. Et surtout, de nouveau, parmi les ménages les plus jeunes. Cela peut notamment s’expliquer par le fait que l’on accède à la propriété un peu plus tard qu’avant en raison des difficultés d’obtenir des crédits hypothécaires. Or ces derniers représentent 82 % des dettes contractées par les particuliers en Belgique.