
Le sentiment de solitude atteint des sommets chez les personnes âgées belges

La Belgique est-elle un bon endroit où vieillir? Visiblement, on peut en douter. C'est en tout cas ce qu'il faut croire au vu des résultats d'une étude parue dans la revue scientifique Archives of Gerontology and Geriatrics. Il apparaît en effet qu'entre 2019 et 2021, le sentiment de solitude chez les Belges de plus de 65 ans vivant seuls a augmenté de 30%. Autrement dit, chez ces individus, le décalage entre les contacts sociaux attendus et réels a littéralement explosé. À travers le continent, seuls trois pays ont fait pire. Évidemment, les périodes de confinement liées au Covid-19 ont joué un rôle, les séniors étant particulièrement fragiles face à la maladie et donc reclus chez eux. Mais selon les chercheurs d'autres facteurs expliquent la très mauvaise performance belge.
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Le bonnet d'âne pour la Grèce
Pour mener cette recherche, des scientifiques de l'université d'Anvers et de l'université Érasme de Rotterdam ont comparé les résultats de l'enquête SHARE avant et après la pandémie. Ils s'attendaient à une dégradation de la situation et cela n'a pas manqué. Sur les 29 pays pris en compte (tous européens, sauf Israël), le sentiment de solitude est en hausse partout.
Les Belges manquent de peu le podium et ne sont dépassés que par les Maltais, les Italiens et les Grecs. Ces derniers font état d'une augmentation de près de 45%. À l'inverse, le pays qui est arrivé à limiter le plus la casse, c'est l'Estonie (environ 12%). Quant à nos voisins français, luxembourgeois et allemands, le pourcentage atteint là-bas à peu près la barre des 20%.
Qu'est-ce qui explique ces hausses?
La mauvaise performance de l'Europe du Sud pourrait a priori s'expliquer par la culture familiale réputée particulièrement forte là-bas, mais l'étude note de gros bémols. "Les proportions les plus faibles et les plus élevées de solitude accrue ont été observées dans les pays dotés de systèmes familiaux solides, ce qui suggère que d'autres facteurs institutionnels sont impliqués", concluent les chercheurs. Preuve supplémentaire allant dans ce sens: les attentes familiales ne sont pas les mêmes en Belgique et pourtant, les Belges se retrouvent dans le même panier.
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Selon l'étude, les politiques sanitaires adoptées pendant la crise du coronavirus pourraient constituer un élément central pour trouver une véritable explication à ces tendances, mais c'est loin d'être une certitude. La Suède a par exemple opté pour une des stratégies les plus laxistes d'Europe face au Covid-19 et pourtant, son score est proche de celui de la Belgique.
Une certitude semble toutefois se dégager de ces enquêtes: les femmes vivant dans une maison, et non dans un immeuble à logements multiples, s'en sont mieux tirées. Les scientifiques estiment que celles-ci subissaient de facto moins de ségrégation (autant sur le plan résidentiel que socio-économique) comparé à d'habitude pendant la crise du Covid-19, d'où cette différence. De plus, elles sont plus nombreuses à disposer d'un espace extérieur, comme un jardin, ce qui est bénéfique pour la santé mentale.
Comment régler le problème en Belgique?
Mais tout cela n'explique toujours pas pourquoi la Belgique subit une augmentation plus forte que dans la majorité des pays. Si les auteurs de l'étude peinent à trouver une réponse, le Conseil flamand des Personnes âgées, interrogé par la VRT, a sa petite idée sur la question. "Si on supprime les lignes de bus, si les distributeurs automatiques et les magasins physiques disparaissent, si les soins à domicile doivent se contenter de moins de ressources, alors nous ne devrions pas être surpris que certaines personnes soient laissées seules", estime son directeur, Nils Vandeweghe, qui cite aussi l'importance croissance des outils numériques comme facteur. En d'autres termes, la hausse du sentiment de solitude serait en bonne partie le reflet d'une dégradation du milieu de vie global.
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Dans tous les cas, l'enjeu est de taille, au vu de l'impact négatif de ce sentiment de solitude. Selon une étude publiée en 2015, l'impact sur la santé serait équivalent à la consommation de quinze cigarettes par jour. Depuis, les autorités sanitaires prennent plus le problème au sérieux. En 2021, l'OMS a publié un rapport sur le sujet afin de le mettre en lumière et de proposer des pistes de solutions. La même année, un plan de lutte a été mis en place en Flandre et en 2022, la Wallonie a créé avec les CPAS pas moins de quinze espaces communautaires pour lutter contre la solitude des aînés et des personnes isolées.
La sociologue Katrijn Delaruelle, autrice de l'étude d'Anvers et de Rotterdam, se réjouit de ce changement mais elle tient à souligner qu'il ne faut pas traiter ce problème selon un schéma individualiste. "C'est un problème social", explique-t-elle au site néerlandophone Apache. "Des choses comme les médicaments sont alors moins appropriées. Nous devons comprendre comment l'organisation de la société contribue à la solitude".