Près de 22 milliards d'euros pour le bon d'Etat à un an : quelles conséquences pour les banques et les épargnants ?

Le bon d'Etat à un an émis ce lundi a permis de lever 21,9 milliards d'euros auprès des ménages belges.

bons d'état
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La période de souscription de ce bon au taux brut de 3,3% (2,81% net) s'étendait du 24 août au 1er septembre. Au total, 234.310 personnes ont souscrit directement via le service des Grands Livres de l'Agence de la Dette, pour un montant de 7,093 milliards d'euros. Le montant moyen de la souscription au bon d'État auprès de l'Agence s'élève ainsi à 30.272 euros. Les plus de 400.000 souscriptions par l'intermédiaire des banques représentent 14,803 milliards d'euros, mais ce montant pourrait encore évoluer.

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Un signal fort

Avec ce bon d'État, "l'émission qui a remporté le plus franc succès dans l'histoire de la Belgique", le gouvernement fédéral entendait stimuler la concurrence, inciter les banques à relever leurs taux d'intérêt, et envoyer un signal positif aux marchés financiers.

Il s'agit d'un signal fort et d'un appel clair au respect des épargnants belges à l'adresse du secteur bancaire. Il appartient maintenant au secteur de tenir compte de ce signal et de regagner ainsi la confiance de ses épargnants", a commenté le ministre des Finances Vincent Van Peteghem, cité dans le communiqué.

 

Profils

Selon le directeur stratégique de l’Agence de la Dette, Jean Deboutte, il est difficile d'établir le profil précis de l'investisseur dans ce bon d'Etat. "Nous avons vu des montants de 1.000 euros, mais aussi de plus d'un million d'euros." Les souscriptions ont afflué, parfois au rythme d'une commande par seconde.

Une catastrophe pour les banques ?

Si le gouvernement cherchait à inciter les banques à relever leurs taux d'intérêt, la stratégie ne fonctionne pas encore. Évoquant le bon d'État d'un an à un taux de 2,81%, le CEO de Belfius s'est montré clair: "On ne peut pas comparer un bon d'État à un compte d'épargne. J'espère que tous nos clients qui ont souscrit à ce bon, s'ils veulent offrir un beau cadeau en fin d'année, n'imaginent pas retirer cet argent à ce moment-là."

« Le système bancaire est basé sur la liquidité et nous octroyons des crédits. Dès l’instant où certaines banques, suite à l’opération bon d’État voient leurs liquidités diminuer, elles seront, et c’est mécanique, ce n’est pas un avis, elles seront moins présentes sur le monde des crédits. Donc moins de compétition et des conditions peut-être moins favorables », a-t-il ajouté, dans une interview accordée à la VRT.

Belfius estime que ses clients vont transférer environ quatre milliards vers l'Agence fédérale de la Dette pour souscrire à ce bon d'État. "Par rapport à notre réserve de liquidités cela ne pose pas de soucis, on reste très sain", assure cependant le CFO de Belfius, Johan Vankelecom, à Belga. Selon Selien De Schryder, économiste à l’Ugent, les grandes banques ne vont pas souffrir de cette opération car elles ont généralement plusieurs sources de revenus, contrairement aux plus petites banques. La perte de liquidité n’est donc pas forcément une catastrophe, c’est d’ailleurs pour cela qu’elles ne réagissent pas.

Selon la spécialiste, le bon d’Etat constitue un signal de l’épargnant vers les banques : « C’est une évidence que le rendement et le faible risque du bon d’État sont particulièrement intéressants. Mais en même temps, il s’agit aussi d’un signal adressé aux banques: ‘Ça suffit, ça va trop loin’. Un discours dans lequel se retrouve le gouvernement, lui qui semble désormais prendre le parti de l’épargnant ». Les banques auraient toutefois entendu l’appel de leurs clients, selon elle : « Elles ressentent la demande pour un meilleur rendement. Ils devraient peut-être en faire davantage et expliquer pourquoi il n’est pas toujours judicieux de placer son épargne sur un compte d’épargne. Il existe d’autres solutions ».

Conséquences sur le budget de la Belgique

Le directeur stratégique de l’Agence de la dette se veut rassurant quant aux conséquences d'une telle opération sur le budget de la Belgique. "Nous ne voyons pas de raison de s'inquiéter, au contraire. Nous avons laissé une bonne impression sur les marchés financiers avec ce bon d'Etat."

L'Agence constate que le différentiel de taux d'intérêt des OLO par rapport aux obligations de pays tels que la France et l'Allemagne (le "spread") a diminué de 3 à 4 points de base ces derniers jours, à la suite de la diversification de son financement via les bons d'État, ce qui permettra à la Belgique d'économiser sur le coût d'intérêt des OLO qui seront émises dans un futur proche. Pour les émissions restantes en 2023, une économie d'intérêt de 2,1 millions d'euros par an sera ainsi réalisée, soit 21 millions d'euros supplémentaires sur les 10 prochaines années.

 

L'Agence est confiante dans le fait de pouvoir réinvestir les montants perçus via le bon d'Etat, à un rendement plus élevé sur le marché interbancaire. "Ce sera surtout un défi de choisir un placement sûr, mais nous pouvons le faire", a conclu Jean Deboutte.

 

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