
La Belgique peut-elle subir de gros séismes? Quelles régions sont plus sensibles?

Les heures passent et le bilan du séisme survenu au sud-ouest de Marrakech ne cesse de s'alourdir. Ce lundi soir, le ministère de l'intérieur marocain dénombre au moins 2.862 morts et selon les relevés, le tremblement de terre aurait atteint une force de 6,8 ou 7 sur l'échelle de Richter. Le Haut-Atlas est connu pour ses failles tectoniques, actives ou endormies, propices à une activité sismique. Mais celle qui a cédé vendredi soir a surpris "dans le sens où on ne s'attendait pas à ce que celle-ci casse précisément" et ce sans signe annonciateur, explique à TV5 Monde Pascal Bernard, sismologue à l'Institut de Physique du Globe de Paris, qui précise aussi que "de mémoire humaine, on n'a pas de trace d'un tel séisme dans cette région".
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En Belgique, des séismes peuvent également se produire. Il s'en produit d'ailleurs de nombreux chaque année, la plupart du temps sans que la population ne s'en aperçoive. Mais si la situation belge n'a que peu de points communs avec celle marocaine, ici aussi, la terre peut se montrer violente.
La Belgique divisée en huit zones sismiques diverses et variées
Heureusement pour les Belges, leur pays ne se situe pas au bord d'une grande plaque tectonique. Elle diffère en cela complètement du nord du Maroc, où la jonction entre la plaque eurasienne et africaine provoque de nombreux séismes. Il n'y a pas non plus un système de failles aussi imposant que celui du Haut-Atlas.
Néanmoins, il existe plusieurs blocs tectoniques de moindre envergure qui concernent directement la Belgique. L'Observatoire royal de Belgique de séismologie-gravimétrie en dénombre huit et dispose d'informations plus inquiétantes ou rassurantes pour certaines que d'autres. L'institut ne note par exemple quasiment rien pour le massif ardennais occidental, situé au sud des provinces de Hainaut, Namur et Luxembourg.
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L'est de la province de Liège en première ligne
Il en est tout autrement pour l'extrême-est de la Wallonie, qui constitue la zone la plus à risque en Belgique. Le bloc du massif ardennais oriental est notamment responsable du plus gros séisme belge dont l'observatoire ait trouvé la trace, celui du 18 septembre 1692, dont l'épicentre était proche de Verviers. Sa magnitude devait être située entre 6 et 6,5 sur l'échelle de Richter et il a été ressenti jusqu'en Angleterre. Plus récemment, quelques tremblements de terre s'y sont produits avec une ampleur beaucoup moins importante: celui de Malmédy du 12 mai 1985 (2,9 sur l'échelle de Richter), de Sprimont le 27 décembre 1988 (3,5) et ceux de mai 1911 près d'Aix-la-Chapelle (3,5-4,2).
Autre bloc à risque: celui de la zone de Liège. C'est ce bloc qui est responsable des séismes du 21 décembre 1965 et du 8 novembre 1983, qui étaient respectivement de magnitude 4,3 et 5. Les sources historiques ont également gardé la trace de "séismes destructeurs" qui ont eu lieu dans cette zone-là les 23 août 1504 et 13 janvier 1714, sans précision quant à leur intensité précise.
Ces deux blocs sont enfin reliés à un autre potentiellement plus actif encore, situé surtout en Allemagne et aux Pays-Bas mais à proximité de la frontière belge. Il s'agit du graben du Rhin (inférieur pour être plus précis), qui fait partie de ce que l'on appelle le rift ouest-européen (qui court majoritairement de la Hollande à la vallée du Rhône en passant par l'Alsace). Ici, les séismes supérieurs à 5,5 "peuvent se produire tous les 50 à 60 ans et être la cause de dommages importants", note l'observatoire. Cela a été le cas avec deux secousses de 5,8, le 14 mars 1951 à Euskirchen (à l'ouest de Bonn et Cologne) et le 13 avril 1992 à Ruremonde (dans le nord du Limbourg néerlandais). En 1756, un tremblement de terre ayant eu lieu entre Aix et Cologne a dû atteindre la magnitude de 6,1.
L'ouest du pays pas tout à fait à l'abri
Ailleurs en Belgique, le risque sismique semble a priori moindre, mais il n'est pas totalement écarté pour autant. Il existe même de grosses exceptions, notamment dans le très grand bloc du massif du Brabant. Le 11 juin 1938, un gros séisme a eu lieu dans ce bloc avec une magnitude de 5,6 près d'Audenarde (entre Tournai et Gand). Le 23 février 1828, c'est Jauche, dans l'extrême-est du Brabant wallon, qui a été touchée par un tremblement de 4,5 à 5 sur l'échelle de Richter. Enfin, encore plus loin dans le temps, des séismes ont eu lieu au large de la côte le 21 mai 1382 et le 23 avril 1449, avec une magnitude respective de 6 et 5,5.
Enfin, un autre bloc belge fait aussi parfois parler de lui: celui du bassin de Mons (qui fait partie d'un encore plus grand, celui du nord de la France). Les séismes sont ici de plus faible magnitude, les exemples les plus importants ayant atteint 4,5 sur l'échelle de Richter et s'étant produits les 3 avril 1949 à Havré et le 28 mars 1967 à Carnières. Le souci, c'est que les tremblements de terre de cette région ont tendance à avoir leurs épicentres à une faible profondeur (moins de 7 km sous la surface). Ils peuvent donc malgré tout causer pas mal de dégâts.
Faut-il craindre un gros séisme?
La question maintenant, c'est ce que pourrait réserver l'avenir. La Belgique doit-elle redouter des séismes importants, voire très importants? Pour Fabienne Colin, responsable du réseau sismique belge et des mesures télé-sismiques, un scénario comme en Turquie en février dernier, avec un tremblement de terre de magnitude 7,8, semble exclu puisque la Belgique ne se situe pas à la frontière de deux grandes plaques.
Par contre, elle rappelle à la RTBF que le séisme de Verviers en 1692 montre qu'il est tout à fait possible d'atteindre des niveaux de 6 voire 6,5 sur l'échelle de Richter. À l'époque, il y avait eu des dommages jusque Londres. "On vous laisse imaginer le genre de dégâts qu'un tremblement de terre pareil pourrait faire en Belgique aujourd'hui", conclut-elle.