Application des courtes peines : les prisons vont-elles (encore plus) déborder ?

La décision du ministre de la Justice d'exécuter les courtes peines de moins de trois ans va aggraver les problèmes de surpopulation carcérale en Belgique, craignent de nombreux acteurs de terrain.

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Vincent Van Quickenborne «pense mettre fin à l'impunité, mais pour le personnel pénitentiaire cela se traduit par un alourdissement de la charge de travail et davantage d'insécurité entre les murs des prisons», a dénoncé le CGSP jeudi. En front commun avec la CSC et le SLFP, le syndicat socialiste a déposé un préavis de grève pour toutes les prisons du pays.

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En cause : «la décision du ministre de la Justice d'exécuter les courtes peines de moins de trois ans dans des institutions pénitentiaires», qui mène «à une surpopulation carcérale sans précédent», selon les représentants des travailleurs.

Directeurs de prisons, juge de fond, parquet… Malgré des réserves massives venues de nombreux acteurs de terrain, le projet de Vincent Van Quickenborne de faire purger les courtes peines de prison a fini par entrer en vigueur.

Et ce, en deux temps : d’abord l’an dernier, avec l’application des peines de deux à trois ans de prison ; depuis le 1er septembre, avec celle de six mois à deux ans de prison. Auparavant, les peines d’emprisonnement entre 6 mois et 3 ans étaient systématiquement converties en une surveillance électronique.

 

 

 

«Avec ce préavis de grève, la CGSP tire la sonnette d'alarme pour que le monde politique mais aussi les citoyens prennent conscience de la gravité de la situation». «La situation est devenue intenable, la surpopulation atteint des sommets, ce qui mène à des agressions, à des détenus frustrés, etc», a ajouté le front commun syndical.

La Belgique régulièrement condamnée

La Belgique est en effet tristement réputée pour la surpopulation chronique de son système pénitentiaire. Selon des données arrêtées au 31 août, on dénombrait 11.513 détenus dans les prisons du pays, alors que la capacité totale s’élève à 10.432 places. Soit une surpopulation de plus de 10%.

Le manque de places et l’insalubrité qui en découle valent au plat pays de se faire régulièrement condamner, tant par la justice belge qu’européenne.

Ainsi, dans un jugement prononcé le 22 juin, l’État belge était condamné par le tribunal de première instance du Hainaut à réduire le taux de surpopulation carcérale à la prison de Mons «à maximum 110 % dans un délai de six mois sous peine d’astreinte de 2 000 euros par jour et par détenu excédant la capacité maximale de la prison de Mons».

 

 

 

Chez nous, la surpopulation carcérale est telle que de nombreux prisonniers doivent partager à deux ou trois des cellules initialement prévues pour un seul détenu, et se retrouvent à devoir dormir avec un matelas sur le sol.

Pas d'effet dissuasif?

La crainte de voir les prisons un peu plus déborder avec l’application des courtes peines est également partagée par le Conseil central de surveillance pénitentiaire (CCSP).

La recherche scientifique montre que les courtes peines privatives de liberté contribuent peu aux objectifs de la détention tels que la resocialisation et la réhabilitation, et qu’elles n’ont pas non plus d’effet dissuasif, notait le CCSP au début du mois.

Comment l’expliquer ?«Sous l’angle criminologique, on a constaté que cela perturbe la vie sociale du condamné, faisait remarquer en commission Hans Claus, directeur de la prison d’Audenarde (propos relayés par Le Soir). On perd son travail, on n’est plus en mesure de payer le loyer… La récidive est étroitement liée au fait d’avoir ou non un réseau social, un rôle social, un emploi, un logement… »

 

 

 

Un constat qui n’effrayait pas le ministre de la Justice. «Cela mettra de la pression sur le système pénitentiaire et je crains que le nombre de détenus augmente un peu durant les quelques années à venir, concédait-il en 2021 dans Le Soir.

Mais si nous voulons diminuer l’inflation de peine, nous devons passer par là, avait-il affirmé. Le réel impact de la réforme ne sera mesurable qu’après quelques semaines, voire mois après l’entrée en vigueur, le temps que le délai d’appel soit passé, que les billets d’écrous soient rédigés… ».

L'espoir des maisons de détention

À rebours des enseignements du terrain, le pari de Vincent Van Quickenborne est le suivant  : le passage obligatoire par la case prison «vaccinera» pour de bon le primo-condamné, lui passera l’envie de persévérer dans une «carrière» criminelle, et le remettra sur le droit chemin.

Le ministre de la Justice place également beaucoup d’espoir dans les maisons de détention, de très petites unités où les condamnés à de petites peines (ou sont en fin de peine) sont encadrés en vue de leur réinsertion.

Problème : elles font face à l’effet Nimby (not in my backyard, soit, en gros : «ok pour le principe, mais chez les autres, pas chez moi»). Trois ans après le lancement de l’initiative, la Belgique ne compte que deux maisons de détention, dont aucune en Wallonie…

 

 

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